Lorsque le président de la République évoque la nécessité pour le pays de mettre sur pied des industries culturelles et l'embellissement des villes et des campagnes, certains n'ont peut-être pas mesuré l'importance des chantiers et les synergies qui tendraient justement vers la naissance de ces industries. Ce siècle qui voit de grands désordres économiques, un terrorisme «industriel» où cohabitent le kamikaze et des technologies de pointe dans la destruction, la communication criminelle et les meurtres de masse qui s'apparentent à des génocides entre musulmans, est assurément aussi de la culture et de ses technologies. Plusieurs angles d'analyse ont été développés pour décortiquer la tragédie algérienne et la crise à plusieurs tiroirs que vivent la société, les individus et toutes les institutions. Mais, au cœur des ténèbres, comme dirait Conrad, il y a une profonde crise identitaire et culturelle indéniable dont les effets et les causes sont visibles dans tout le pays, chaque jour. Des hybrides vestimentaires, un repli religieux et physique à la nuit tombée, l'enracinement de tabous d'un autre siècle, des pratiques sociales importées tous azimuts au même titre que des produits de bazar contrefaits, des «philosophies» composites, en l'absence justement d'un garde-fou déterminant, la culture et tous ses produits fédérateurs, festifs, enrichissants pour un vivre ensemble harmonieux, pacifique et généreux. Tous les gouvernants des grandes nations qui dominent les autres et rayonnent sur la planète ont su rapidement que, pour une bonne gouvernance, un développement culturel, économique et social, des soins et un enseignement de qualité, des services publics au services de tous et facilitateurs dans le travail, pour la qualité de vie, dans les loisirs, que les TIC, l'innovation et la recherche dans tous les domaines boostent les industries culturelles et le développement d'une manière générale. Pour cela, ils suscitent l'investissement privé, génèrent des législations qui libèrent les énergies, la création, la mobilisation des finances et les espaces de la consommation culturelle à forte rentabilité. L'aventure et les mésaventures des TIC en Algérie ressemblent au travail du fameux Sisyphe qui n'en finit pas de remonter un rocher, lequel lui retombe dessus invariablement. Indicateurs par leur pénétration et leur utilisation par le plus grand nombre, les TIC révèlent aussi, et de la manière la plus fiable, un stade de développement culturel aux plans de la culture scientifique, écologique et d'ouverture sur le monde. Les pratiques culturelles officielles relèvent pour la plupart de tics, d'un héritage, celui du parti unique dans lequel la société serait immature, toujours, et que l'administration a le monopole de la réflexion, de la conception, du financement, de la production à travers des monopoles étatiques (théâtre, télévision, festivals), en gommant progressivement la responsabilité, les ambitions et l'autonomie du mouvement associatif, du secteur privé. Assimilée outrageusement et exclusivement à de l'idéologie, à la religion, à une mission régalienne de l'État, la culture et l'ensemble de ses dérivés ne sont pas irrigués par les TIC. Des conflits entre l'administrateur et des opérateurs privés, la tentation du monopole ou le partage du monopole, la roue libre du logiciel culturel qui date d'avant la révolution Internet, l'hégémonie de la parabole plombent effectivement la renaissance culturelle. Le réseau de recherche nationale dans les secteurs des sciences et technologies de l'information et de la communication (2RSTIC) initié par M. Bessalah est l'une des initiatives marquantes de l'année 2009. En fédérant des centres de recherche, des laboratoires, des chercheurs indépendants (comme dans tous les grands pays), le ministère de la Poste et des TIC peut donner des idées pour les industries culturelles dont aucun ministère n'a le monopole et pour lesquelles le secteur privé a le plus grand rôle à jouer contre des cahiers des charges, un plan sur le long terme, l'équité régionale selon des critères rigoureux, etc. C'est la seule façon de quitter les petits sentiers impraticables des tics devenus des rentes médiocres et, surtout, sans pertinence pour le pays. A. B.