La onzième session ordinaire de la Conférence de l'Union africaine (UA), organisée cette semaine à Charm El Cheikh, a inscrit à son ordre du jour une question qui ne sera pas, elle, banale. Thème central : l'eau. Sous la formulation lapidaire et sèche de «réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement en matière d'eau et d'assainissement», les pairs africains tenteront de définir les contours d'une hydro-politique africaine. «L'or bleu», c'est justement ce qui manque le plus à l'Afrique qui risque de subir davantage le stress hydrique d'ici à 2025. Et c'est déjà pour demain. Heureux donc que les dirigeants africains aient désormais une conscience plus aiguë des enjeux économiques et stratégiques autour de l'eau. Mieux, qu'ils aient intégré encore plus l'idée essentielle que le droit à l'eau a un prix toujours exorbitant. Au Sommet de la Terre de Rio en juin 1992, les chefs d'Etat ont voté un programme destiné à la protection de l'eau sous toutes ses formes. Ce programme a été renforcé à Johannesburg en 2002. Mais la pénurie d'eau demeure chronique et les disparités entre zones du globe ne cessent de s'accroître. Moins de dix pays de la planète se partagent 60% des richesses en eau et 26 Etats d'Afrique et du Moyen-Orient sont considérés comme des pays à ressources en eau rares. Et seule une trentaine d'Etats seront autosuffisants en eau d'ici à 2050. C'est un fait, la surconsommation dans les pays où l'eau coule en abondance est inversement proportionnelle au déficit hydraulique dans certains pays et à la rareté aquifère dans d'autres où des millions de personnes meurent à petit feu faute d'avoir accès à une eau saine. Mais il n'y a pas que des disparités naturelles. Les besoins en eau de chaque pays varient en fonction de plusieurs facteurs : la situation climatique imposant ou non d'irriguer, la taille et le taux de croissance démographique et évidemment le degré de développement socio-économique. Pris aussi en considération, le facteur démographique : il a été démontré que, dans l'absolu, un taux de croissance supérieur à 1,5 peut être catastrophique pour des pays émergents car il les confronte à la grande difficulté d'approvisionner leurs populations en quantité d'eau suffisante. La croissance économique a également un impact réel. Sa corrélation avec le manque d'eau est évidente : un pays émergent développe une agriculture, une industrie et une urbanisation parfois anarchiques qui provoquent une hausse de la consommation. Et alors que les surfaces irriguées ont quintuplé au XXe siècle, les pays émergents utilisent environ deux fois plus d'eau par hectare que les pays industrialisés alors que la production agricole est trois fois moins élevée. Au XXIe siècle, plus qu'ailleurs, la question de l'eau se pose avec acuité dans les parties du monde déjà fragilisées par des conflits identitaires ou religieux. Elle constitue finalement un enjeu géopolitique. La question est ainsi au centre du conflit israélo-palestinien, elle est aussi en toile de fond de la crise entre Israël et la Syrie. De même, empoisonne-t-elle de manière cyclique les relations de la Turquie avec ses voisins syrien et irakien. De nombreux conflits autour de l'eau ont eu lieu au cours de l'histoire et il existe aujourd'hui un risque potentiellement élevé. Les pénuries peuvent donc mener aux conflits. L'existence de bassins fluviaux à cheval sur plusieurs pays provoque des hydro-conflits notamment en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient et dans des pays d'Asie comme le Pakistan, l'Inde et la Chine. Depuis toujours, l'eau a joué un rôle majeur sur le plan militaire et désormais la multiplicité des usages qui en est faite (navigation, pêche, hydro-électricité, irrigation), déclenche autant de conflits potentiels entre Etats. Les Nations unies ont recensé à ce propos 300 zones potentielles de conflits autour de fleuves transfrontaliers ou de nappes phréatiques communes. Et, déjà, 300 traités internationaux ont été conclus. Face à la pénurie et à la menace de déclenchement d'hydro-conflits futurs, il devient absolument nécessaire de mettre en place un dispositif de la répartition. Comme il est urgent et prioritaire d'instaurer un partenariat mondial de l'eau pour faire de l'accès à cette ressource un droit universel, un droit de l'homme «opposable» car inaliénable. N. K.