Photo : Sahel Par Karima Mokrani Ça se passe apparemment bien à l'aéroport international Houari Boumediène, à Alger, après la mise en place du dispositif de contrôle sanitaire de la grippe A(H1N1). Les sept caméras thermiques qui y ont été installées depuis près d'une semaine fonctionnent normalement. Médecins et techniciens de la santé publique travaillent en coordination de façon à repérer les cas suspects et permettre leur prise en charge. «S'il vous plaît, enlevez vos lunettes !» demande le médecin, derrière sa caméra (thermique), au monsieur ou à la dame qui arrive dans le petit couloir. La personne interpellé interpellée regarde autour d'elle, exprime un certain étonnement à la vue des blouses blanches… mais sourit et se met face à l'appareil. Ce n'est pas pour une photo ou pour être filmé -comme le pensent certains qui n'ont pas hésité à dire leur refus et aller jusqu'à proférer des insultes… C'est juste pour mesurer sa température qui ne doit pas dépasser les 34° (c'est ainsi que la caméra thermique est réglée). Quand la température va au-delà, il y a risque de grippe. Le port des lunettes intensifie la température et c'est pour cela qu'il est demandé aux voyageurs des les enlever avant de se mettre face à la caméra. Cette opération de contrôle dure à peine quelques secondes pour chaque voyageur. Quand il y a du monde, le contrôle se fait directement. Les passagers ne sont pas arrêtés sauf dans des cas où la caméra indique une anomalie ou le personnel médical constate de visu des signes de la nouvelle maladie. Les sept caméras thermiques sont réparties entre les deux halls d'arrivée : quatre dans l'un et trois dans l'autre. Les médecins et les techniciens de la santé sont au nombre de 12 et travaillent en un système de brigades et disposent du matériel nécessaire pour leur protection (masque, calots, gants, lunettes, chaussures…) mais ne les utilisent que lorsqu'il y a suspicion et/ou confirmation d'un nouveau cas de grippe porcine. En somme, les choses se présentent plutôt bien, même de l'avis des voyageurs, nombreux à dire leur satisfaction de la mise en place de ce dispositif qui, selon les propos de certains d'entre eux, n'existe pas dans le pays d'où ils viennent. «Je trouve cela vraiment génial… C'est une très bonne chose… Je viens de France et je n'ai pas vu ces caméras à l'aéroport», affirme, ravie, une femme médecin. Une autre femme, la soixantaine, affirme que «tout va bien». Comme nous avons pu le constater, hier, un grand nombre de voyageurs semble donc réceptif au dispositif. «Je pense que c'est une bonne chose bien que nous soyons pris au dépourvu», indique un émigré algérien venu de France. «Je suis une star !» lance un autre, sur un ton rigolo, descendu de l'avion venu du Caire. Une petite fille d'à peine cinq ans recule devant la caméra. Elle bloque l'opération pendant quelques minutes mais son père la prend dans ses bras et règle vite le problème. Ce n'est pas si facile lorsqu'il s'agit de traiter avec des adultes qui manifestent catégoriquement leur rejet : «Enlevez-moi ça !», «C'est quoi ce cinéma ?», «Pauvre Algérie !», «Vous vous croyez meilleurs que les Français et les Anglais… Eux n'ont pas installé de caméras !». «Nous avons souffert avec de nombreux voyageurs», rapporte une infirmière, non sans garder son calme et sa sérénité. «C'est une nouvelle expérience pour moi. Ça me change des murs de l'hôpital. En plus, ça me permet de faire connaissance avec des collègues des autres hôpitaux», indique une des femmes médecins. La mission est loin d'être facile : «Il ne s'agit pas seulement de vérifier la température… Certaines personnes sont très difficiles. Surtout à notre égard, nous personnels de la santé publique !». Des accrochages entre voyageurs et personnel médical, impliquant des agents de police, se sont donc produits à plusieurs reprises, depuis l'installation des caméras thermiques. Et bien avant, devrions-nous dire. Une des infirmières raconte : «Nous leur avons donné des fiches contenant des conseils sur la grippe porcine et ils nous les ont jetés à la figure». Dimanche dernier, un homme n'a pas cessé d'insulter un médecin qui lui avait demandé d'attendre quelques secondes devant la caméra… «Ce sont surtout les Algériens venus de France qui nous créent des problèmes. Ils nous considèrent de haut et s'opposent aux directives juste pour s'opposer. Pas tous, fort heureusement !», diront les médecins. L'un d'eux fera remarquer : «Quand nous n'avions pas les caméras thermiques, ils nous ont reproché le fait de ne pas les avoir. Et maintenant que nous les avons ils nous disent que nous ne sommes pas meilleurs que les Français et les Anglais qui ne les ont pas installées». Malgré ces quelques contraintes, les équipes mises en place semblent être décidées à aller au bout de leur mission. C'est une nouvelle expérience. «Il est de notre devoir de protéger notre population. Il vaut mieux prévenir les risques maintenant plutôt que de faire face à une pandémie aux lourdes conséquences», affirme, insistant, un des médecins. L'opération risque de durer dans le temps, tant que le vaccin n'est pas disponible. Elle est d'autant plus nécessaire que la saison chaude arrive à sa fin et c'est bientôt le début de l'automne et après l'hiver. Pendant cette période la grippe saisonnière est fréquente et les risques de grippe porcine pourraient être plus grands.