De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Tous les prétextes sont bons pour se reposer, ou plutôt pour ne pas travailler en été, surtout lorsque une vingtaine de jours de celui-ci coïncident avec une autorisation administrative officieuse de ne pas fournir d'efforts lors du mois de Ramadhan. Juin, juillet et août, c'est donc le congé annuel ou bien de se rouler les pouces dans les bureaux, perçus comme des cages à mourir d'ennui. C'est dans les rituels d'une bonne partie des travailleurs algériens. C'est pour cette raison que des blagueurs demandent que les trois mois d'été soient décrétés chômés et payés pour l'ensemble des salariés sur tout le territoire algérien. Mais, sur le terrain, les choses sont moins tranchées car des secteurs d'activité de base qui assurent la «continuité du service», comme on l'appelle dans le jargon officiel, et qui servent de courroie de transmission entre les différents services publics frappent par leur régularité sinon par la persévérance et l'abnégation des personnels affectés. Le transport et les commerces d'alimentation font partie de cette catégorie. Mais c'est surtout dans les prestations médicales et hospitalières que devient visible ce dévouement pour autrui, ce penchant de servir l'autre, celui qui souffre et est dans le besoin, qui quémande des soins, que transparaissent cette conscience professionnelle du devoir et le don de soi. A ce propos, des malades font part de leur étonnement et de leur déception depuis quelques semaines en Kabylie pour cause de départ en congé annuel de beaucoup de médecins de campagne ou situés dans les zones enclavées où des liens plus qu'amicaux, construits durant plusieurs années, se sont développés entre les malades et leurs patients. Fetta N Ba, c'est son surnom, a gardé le même médecin pour toute la famille depuis début des années 1990. Il paraît que ses parents se soignaient dans le même cabinet qui se trouve face à l'arrêt des fourgons de transport de voyageurs de ce village. Hypertendue et diabétique depuis longtemps, elle connaît sa maladie, prend ses traitements suivant les prescriptions mais aime, cependant, rendre visite à son médecin toutes les deux semaines au moins. «Mon médecin nous a abandonnés, Il est parti en France pour longtemps pour voir ses deux enfants qui étudient là-bas et passer des vacances», se plaint Fetta N Ba, la cinquantaine, à sa voisine et parente. Elle rejette l'idée d'aller consulter un autre médecin «quitte à mourir», affirme-t-elle pour exprimer son attachement à son médecin. Tout en comptant sur le sort pour que rien de grave ne lui arrive pendant le voyage de son médecin, elle compte déjà lui envoyer en France des messagers pour le faire revenir plutôt que prévu. Ce cas se répète dans beaucoup de localités déshéritées de la wilaya de Tizi Ouzou où seul un ou deux médecins font face pendant toute l'année à l'afflux en l'absence de structures sanitaires étatiques. Des observations ont été faites par des victimes de ces départs «en bloc» en congé annuel de médecins sans concertation sur un planning de garde au service des malades «surtout qu'en été tout peut arriver avec les risques de maladies MTH et autres épidémies qui refont surface à suite de la dégradation des conditions de vie et d'hygiène». Sur ce plan, il a été fait état, récemment en conseil de wilaya de Tizi Ouzou réservé au secteur de la santé, de la fermeture de dix-sept salles de soins, dans les daïras d'Azzefoun (5), de Draa Ben Khedda (3), de Ouacif (4), d'Iferhounène (4) et d'Azazga (1) sur les 268 que compte la wilaya pour divers motifs, principalement sécuritaires et le squat sous prétexte de logement de fonction. Ces structures censées accomplir un travail de proximité souffrent bien souvent du manque de généralistes, de médecins spécialistes, d'ambulanciers en plus de fonctionner avec un matériel désuet. Au CHU Nedir Mohamed (Tizi Ouzou), une structure régionale qui reçoit quelque 400 malades/j venant des wilayas de Bgayet, de Bouira, de Boumerdès etc., les choses se présentent autrement. «Avant de laisser quelqu'un partir en congé, les responsables s'assurent d'abord que son poste ne restera pas vacant, que quelqu'un d'autre qui a les mêmes compétences sera là pour le remplacer le temps que durera le congé», nous affirme Mme Rabiha Boutora, du bureau de communication de l'hôpital. La semaine dernière, c'était à la secrétaire générale du CHU, Mme Aid, d'assurer le rôle de premier responsable des lieux en l'absence de la directrice des ressources humaines (DRH), Mme Ifrane qui doit combler à son tour le vide que va laisser le départ en congé du Dr Mensouri, directeur de l'hôpital. L'autre remarque qu'on signale cet été est le manque d'engouement de partir en congé de la part des travailleurs. «Beaucoup de travailleurs préfèrent travailler ce mois d'août pour ne pas rester oisifs pendant le mois de Ramadhan. Ils patientent pour le moment pour arrêter la date de leur congé», ajoute-t-on au bureau de communication. Une situation qui fait l'affaire de beaucoup de malades qui ne sont pas pris en charge au niveau des structures de proximité et des cabinets privés et qui se rabattent sur le CHU de Tizi Ouzou pris d'assaut ces jours. «L'affluence des malades s'accroît de façon extraordinaire ces dernières semaines», fait remarquer un médecin au pavillon des urgences. Le CHU Nedir Mohamed compte renforcer ses effectifs avant la fin de l'année en cours par 685 postes budgétaires, dont 133 paramédicaux et 41 médicaux. Le directeur avait promis qu'avant la fin de l'année 2009, le CHU serait équipé de tout le matériel d'imagerie et traiterait toutes les pathologies. Il a déclaré lors d'une rencontre récente avec la presse que 98% des services du CHU ont été réaménagés et 80% des équipements renouvelés ainsi que l'acquisition d'un matériel médical sophistiqué, d'un scanner 16 coupes et de générateurs hémodialyses. Pour rappel, il existe 57 polycliniques et 268 salles de soins dans la wilaya de Tizi Ouzou qui dispose, désormais, de sept établissements publics de santé de proximité (EPSP) dans les agglomérations suivantes : Azazga, Boghni, Draa El Mizan, Azeffoun, Aïn El Hammam, Larbaa Nath Irathen et Tigzirt avec une capacité globale de 1 124 lits, un listing que fait suite à la mise en application de «la réforme hospitalière» de la tutelle. Deux établissements hospitaliers spécialisés (EHS) de gynécologie obstétrique (82 lits) de Sbihi et de psychiatrie de Oued Aïssi (330 lits) ont été retenus suivant les règles du nouveau décret. .