Les travaux des assemblées annuelles du FMI et de la BM s'ouvrent aujourd'hui à Istanbul. Cette rencontre des deux institutions de Bretton Woods, qui prendra fin demain, intervient dans un contexte particulier, à savoir la récession de l'économie mondiale. L'Algérie, membre de ces deux institutions, sera présentée par le ministre des Finances, Karim Djoudi. Avant même l'ouverture des travaux, les spécialistes de la finance mondiale se sont déjà penchés sur cette rencontre et surtout sur le contexte. Sur ce dernier point, ils estiment que la crise a redessiné la carte de l'économie du monde au profit des pays émergents, comme la Chine, non sans douter de la capacité de ce pays à tirer à lui seul la croissance mondiale. «La crise a accéléré le mouvement de l'ouest vers l'est» de l'économie mondiale, a résumé Niall Ferguson, professeur à la Harvard Business School, lors d'un débat organisé par la BBC à Istanbul, en marge des assemblées générales du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. «Les prévisions récentes montrent que la Chine et l'Inde ont aidé à sortir l'économie mondiale de la récession», a remarqué de son côté le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, soulignant qu'un tel monde plus équilibré, c'est-à-dire moins dépendant du consommateur américain, serait aussi plus «stable». La montée des économies émergentes, l'autre atout de sortie de crise Si cette crise a mis à nu la fragilité de plusieurs économies mondiales, notamment celles réputées jadis «solides et performantes», à l'instar des Etats-Unis et de l'Europe de l'Ouest, pour les pays émergents, il s'agit d'une occasion de faire valoir leurs forces économiques. En chiffres, si la consommation aux Etats-Unis représente les deux tiers de l'activité de ce pays, qui reste, et de loin, la première économie de la planète, en représentant 13,2% des importations mondiales, d'après l'Organisation mondiale du commerce, les économies en développement vont connaître en 2010, une croissance beaucoup plus forte (5,1%) que les pays développés (1,3%), selon le FMI. Celle de l'Asie en développement (7,3%) contrasterait avec celle des Etats-Unis (1,5%), du Japon (1,7%) et surtout de la zone euro (0,3%). Parmi les grandes économies, la Chine (9,0%) restera championne du monde de la croissance, devant l'Inde (6,4%). En queue de peloton, on retrouverait uniquement des pays de la zone euro, dont l'Espagne, l'Italie ou l'Allemagne. A la lumière de ces chiffres, il est clair, aux dires des experts, que «le moteur américain n'est plus aussi puissant qu'auparavant». «Les économies émergentes sont en train de devenir de plus en plus les vrais partenaires», a remarqué le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn. Ce rééquilibrage de l'économie mondiale, que le FMI appelle de ses voeux, ne va pas sans interrogations. Le consommateur chinois peut-il remplacer son homologue américain et tirer par exemple la croissance européenne ? Rien n'est moins sûr, selon les experts du FMI. En Europe, «la reprise reste sur les épaules des consommateurs européens», a assuré le directeur du département Europe du FMI, Marek Belka. Or, les pays riches restent plombés par le poids de leur dette publique qui pourrait atteindre à l'horizon 2014 quelque 110% de leur produit intérieur brut (PIB), a averti l'économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard. Et pour en finir avec ces déficits publics, il est impératif que les consommateurs prennent le relais de l'Etat pour conforter la reprise. Mais, avec une population âgée et des coûts croissants dans les dépenses de santé, les pays riches sont face à de véritables défis, a averti M. Blanchard. Le rééquilibrage de l'économie mondiale est déjà une réalité, a souligné M. Strauss-Kahn. En Amérique latine, les économistes du FMI remarquent que la crise a surtout frappé les pays plus dépendants de l'économie américaine, à l'instar du Mexique, et moins ceux ayant des liens étroits avec la Chine comme le Brésil. «S'il n'y avait pas eu la Chine, nous n'aurions pas vu de croissance positive au deuxième trimestre au Brésil», a remarqué Ilan Goldfajn, économiste en chef de la banque brésilienne Itau Unibanco. Ce rééquilibrage est aussi devenu réalité dans l'arène politique mondiale au profit, par exemple, du G20, qui regroupe pays riches et émergents, dont la Chine, l'Inde ou le Brésil, intronisé principale enceinte de la coopération économique internationale. Encore une promesse de la part du G7 A la veille de chaque rendez-vous économique mondial, les pays les plus riches de la planète se sont jetés dans leurs sports favoris, à savoir une multitude de promesses. En effet, les ministres des Finances du G7, réunis samedi dernier à Istanbul, ont réaffirmé, une fois de plus, leur volonté d'un marché des changes stables, à l'invitation, notamment des Européens, mais sont restés muets sur les moyens d'y parvenir. «L'excès de volatilité et les mouvements désordonnés des taux de change ont des implications néfastes pour la stabilité financière et économique», a estimé le G7 dans un communiqué publié au terme de sa réunion. Les grands argentiers du G7, qui rassemble les pays les plus riches de la planète, ont également affirmé dans cette déclaration leur volonté de «continuer à surveiller étroitement les marchés financiers et de coopérer» lorsque «c'est approprié» dans le souci de préserver un système financier international «fort et stable». Mais les spécialistes en la matière redoutent fortement que ces promesses ne soient pas exécutées, prenant pour preuve, les séries de mesures prises par ces pays riches, mais qui sont restées sur le papier. La dernière en date est la question du change. Si, il y a quelques mois, les maîtres du monde ont accueilli favorablement l'engagement de la Chine en faveur d'un taux de change plus flexible, qui devrait conduire à une appréciation continue du renminbi (la monnaie chinoise) de façon effective (selon le texte de cette déclaration finale), ladite question était… la grande absente du communiqué de la dernière rencontre du G20 à Pittsburgh (Etats-Unis). R. E.