Synthèse de Smaïl Boughazi En raison de la crise économique «mondialisée», le rôle que joueront les institutions de Bretton Woods, la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI), est devenu primordial. Cependant, des voix se sont élevées ces derniers temps pour demander une refonte de ces institutions devenues, depuis quelques années, une cible pour bon nombre de pays en développement. Hier, à l'ouverture des assemblées annuelle du FMI et de la BM à Istanbul (Turquie), le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, a estimé que «cette assemblée annuelle pourrait être le point de départ d'un nouveau FMI, et vous direz peut-être plus tard quand vous parlerez avec vos petits-enfants que vous étiez à Istanbul». «Selon les réactions de la plupart de nos membres, les deux institutions multilatérales, les sœurs de Bretton Woods, la Banque mondiale et le FMI, ont essayé de faire de leur mieux et d'aider efficacement», a-t-il ajouté. Toutefois, leur rôle est jugé inefficace. Certes, les propos tenus par le patron du FMI sont d'une actualité brûlante, et de nombreux pays ont braqué leurs yeux vers cette institution pour sauver ce qui reste de leurs économies. Les pays membres ont promis, à l'unanimité, d'augmenter ses ressources de plus de 500 milliards de dollars. Des ressources prévues pour voler au secours des économies en crise. Certes, ce sera le pompier du monde, mais beaucoup de questions restent pendantes. Les pays en développement considèrent qu'«il reste beaucoup à faire pour réaliser le rééquilibrage de la représentation des membres au sein de l'institution». Le gouverneur de la Banque d'Algérie, M. Mohamed Laksaci, qui intervenait dimanche dernier devant le Comité international monétaire et financier (CIMF) au nom du groupe des pays qu'il représente, (Algérie, Afghanistan, Ghana, Iran, Maroc, Pakistan et Tunisie), a affirmé qu'une «réforme fondamentales des quotas, y compris à travers une formule de calcul des quotes-parts révisée pour tenir compte des besoins des pays emprunteurs, est centrale» pour rééquilibrer la représentation des membres. Il a suggéré que «les augmentations de quotes-parts doivent inclure un élément équi-proportionnel afin que les ajustements se fassent plus graduellement». Pour atteindre cet objectif, il a proposé «une présidence sous forme de troïka, avec une durée réduite du mandat du président du comité, afin d'assurer la continuité». Il faut dire que les politiques menées par ces institutions il y a quelques années ont été, dans certains cas, désastreuses pour les économies fragiles, et c'est pourquoi la question du rééquilibrage de la représentation est plus que nécessaire comme l'a souligné le représentant de l'Algérie ainsi que d'autres responsables.L'autre point qui s'est imposé lors de ces assemblées est la réforme de la BM. Cette institution a promis hier, selon les agences, de se réformer pour mieux convaincre ses Etats membres, à commencer par les Etats-Unis, d'augmenter ses ressources. Selon son président, Robert Zoellick, «la Banque mondiale va améliorer sa légitimité, son efficacité et sa transparence». Intervenant à l'ouverture formelle des assemblées annuelles de la BM et du FMI, il a noté : «Nous savons bien l'importance de faire avancer de multiples réformes pour répondre aux demandes des actionnaires, améliorer la performance, et obtenir le soutien de vos législatures.» La veille, les 186 Etats membres de cette institution internationale qui finance des projets de développement dans les pays pauvres et à revenus moyens s'étaient engagés à la doter de ressources supplémentaires si nécessaire. «Nous nous sommes engagés à assurer que le groupe de la Banque mondiale dispose de ressources suffisantes pour faire face aux problèmes de développement qui se posent à l'avenir», a indiqué le Comité de développement, instance chargée de définir les grandes orientations de la Banque. Cette déclaration commune a toutefois masqué des divergences entre les Etats membres. Les Etats-Unis ont réclamé que la Banque se réforme vers davantage de transparence et d'efficacité, condition, selon eux, d'une augmentation de ressources. Quant à la France, elle avait lié toute augmentation des ressources à une meilleure utilisation de celles-ci dans les pays les plus pauvres. Outre le lourd dossier de la réforme de ces institutions, la crise économique la préoccupation première de tous les participants aux réunions annuelles.La gestion de l'après-crise et de ses répercussions sur les pays pauvres constituera aussi l'essentiel des interventions des 38 pays prévues pour la première journée de ces assemblées.Selon le FMI, la récession s'achève, mais la différence du rythme de la reprise se confirme entre pays développés et pays en développement. Si les pays riches, responsables de la crise, payeront cette mollesse de la croissance par une aggravation du chômage, les pays en développement verront la pauvreté regagner du terrain, notamment en Afrique subsaharienne. Quelque 90 millions de personnes de plus pourrait basculer dans l'extrême pauvreté d'ici à la fin 2010 à cause de la crise, a averti hier le comité de développement des deux institutions qui a affirmé que les progrès réalisés en direction des objectifs de développement pour le millénaire sont maintenant compromis. Devant de tels défis, les institutions de Bretton Woods sont appelées à revoir la capacité financière des banques du groupe. Mais, selon de nombreux spécialistes, l'action du FMI et de la BM en vue d'augmenter leurs ressources financières demeure insuffisante pour faire face aux besoins en financements des pays pauvres. Pour 2009, la Banque mondiale a engagé près de 60 milliards de dollars d'aide aux pays en développement, une somme record, qui représente une augmentation de 54% par rapport à l'année précédente. Des discussions de haut niveau sur une taxe relative aux transactions financières, dont les revenus seront versés aux pays pauvres, sont prévues lors de ces assemblées.