Photo : Riad Par Ali Boukhlef L'interdiction d'une rencontre n'a pas empêché la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (aile Mustapha Bouchachi) de lancer officiellement la création de l'Alliance algérienne contre la peine de mort. Empêchée par les autorités, la rencontre qui devait se dérouler à l'hôtel d'El Biar s'est finalement tenue, hier, dans l'exigu local de la Ligue, situé au cœur d'Alger. Un maintien salué, d'ailleurs, par le président du plus vieux parti d'opposition algérien, M. Hocine Aït Ahmed, qui y voit un acte de dignité. Dans son message aux organisateurs, M. Aït Ahmed a rendu «hommage à la dignité du refus de passer outre l'interdiction par les dominateurs de la conférence sur l'abolition de la peine de mort... d'autant qu'elle coïncide avec la célébration de la Journée mondiale pour l'interdiction de la peine de mort». Cette rencontre, à laquelle ont participé des personnalités de différents horizons, essentiellement des juristes et des universitaires, a eu lieu le 10 octobre, date symbolisant la Journée mondiale contre la peine de mort. Si la question est réglée en Occident, elle reste posée dans les pays musulmans, l'Algérie étant le seul pays à avoir signé la convention des Nations unies pour l'abolition ou tout au moins le gel de la peine de mort. Il faut rappeler que notre pays a gelé l'exécution de ces condamnations depuis 1993. Mustapha Bouchachi, président de la Ligue des droits de l'Homme, soutenu par Ali Yahia Abdenour, a expliqué, même de manière brève, les motivations ayant poussé le groupe à lancer l'idée d'une alliance algérienne pour l'abolition de la peine de mort, sachant pertinemment que, de l'autre côté de la barrière, c'est-à-dire des opposants à cette option, l'argument religieux est plus fort. Pour ce faire, ils ont invité des juristes ayant travaillé sur le sujet et fait le parallèle entre l'aspect religieux et juridique. Quant à maître Bouchachi, qui a déjà fait l'objet de critiques acerbes de la part des milieux islamistes lors d'une conférence donnée à l'Assemblée populaire nationale, il a énuméré les raisons qui l'ont amené à réclamer l'abolition de la peine de mort : les études faites en Occident, a-t-il dit, ont toutes prouvé que la criminalité a baissé sensiblement dans les pays qui ont supprimé cette peine. De plus, ajoute-t-il, «la peine capitale n'est pas utilisée par amour à l'islam, mais juste pour faire peur aux opposants». Pour mieux illustrer son idée, l'avocat a précisé que, dans le code pénal algérien, hormis «l'assassinat par préméditation», tous les autres cas de peine de mort sont «politiques». De ce fait, ajoute-t-il, la peine de mort «peut être brandie comme arme de dissuasion» contre l'opposition. L'argument a fait presque l'unanimité dans la salle, y compris parmi les partisans de l'application rigoureuse de la charia, laquelle s'avère impossible, du moins dans un système comme le nôtre, selon Abdelhamid Amara, enseignant de droit à l'université d'Alger. A défaut, il a plaidé pour le gel de la peine capitale. De leur côté, Khaled Bourayou et Miloud Brahimi ont demandé d'extraire le débat sur la peine de mort de ses soubresauts judiciaires, une revendication rejointe par le philosophe Foudil Boumala. Quant au sage des droits de l'Homme, l'infatigable Ali Yahia Abdenour, il a préféré faire un parallèle entre «ceux qui donnent un sens à la mort et ceux qui fixent un prix pour la vie». La fracture est à ce niveau, même s'il faut mentionner que l'aspect religieux est dominant dans la société, les autorités ayant plaidé pour le maintien du moratoire de 1993 qui suspend la peine de mort. Sauf que Bouchachi et ses partisans demandent «un débat le plus large possible» pour arriver à une abolition de la peine de mort qui va dans le sens de préserver «le peuple».