Le livre revient au cœur du débat avec l'ouverture du 14ème Salon international du livre d'Alger (SILA). Cette grande manifestation qui regroupe de nombreux pays, des éditeurs dans tous les genres venus d'horizons divers a déjà fait parler, écrire et mis une petite agitation, tout à fait habituelle, pour celui qui connaît les microcosmes du Grand-Alger, pour finalement se tenir au Complexe olympique Mohamed Boudiaf. La version 2009 est confiée au tout nouveau commissaire Smaïl Ameziane, connu du monde de l'édition en Algérie et à l'étranger. Les pour et les contre s'accordent pour reconnaître que c'est un homme du livre. Ce qui n'est pas peu dans un paysage national où l'homme qu'il faut n'est pas toujours là où il faut en une période qui voit le week-end faire florès dans tous les secteurs, faute d'un guide sous forme de livre.Aux seigneurs tous les honneurs ! Les livres, les éditeurs, de grands noms de l'écriture, de la poésie, la calligraphie, des arpenteurs des épopées populaires, comme l'a été la guerre d'indépendance, des marqueurs pertinents de la pensée écrite seront au SILA dès la semaine prochaine pour fêter le livre. Une des grandes dames de la littérature, Ahlam Mostghanemi, aura un hommage particulier pour son talent, son audace romanesque dans un monde arabe figé dans le tabou, l'intolérance, la haine de la femme et les sectarismes les plus abjects. Et comme disait K. Yaceb dans la préface de la Grotte éclatée de Y. Mechakra, «une femme qui écrit vaut son pesant de poudre». Ahlam, comme Assia Djebar, est «explosive» par les sujets qu'elle aborde, son talent est désormais universel. Le SILA, à l'évidence, est nécessaire en tant que manifestation annuelle d'importance en Algérie, mais il est surtout une pause riche en livres, en présences créatrices, en professionnels concernés directement par les aspects commerciaux, les procédures de cession des droits, les droits de ceux qui écrivent et fabriquent un produit… Le livre est aussi un produit, plus qu'un produit. Mais il est une denrée particulière, à nulle autre pareille, sa plus-value est démultipliée au plan culturel par tous les ingrédients constitutifs : talent, transpiration, capacité créatrice, technologies, management, publicité, commercialité, industries, etc. Cependant, les énergies, les moyens de tous ordres, la technologie, l'achat et la vente ont un seul destinataire-consommateur qui fait vivre toutes les filières du livre. Il s'agit du lecteur, donc de la lecture et du rayonnement que cette dernière a ou n'a pas dans un pays qui sort d'un traumatisme de grande ampleur, sanglant.Si le SILA est un concentré actif, durant une semaine, il peut être aussi un révélateur et un déclencheur. Il va révéler et reconduire des éditeurs nationaux installés dans le paysage depuis longtemps, et d'autres, plus jeunes, qui arrivent derrière, se frayant un chemin dans un domaine où la concurrence est rude.Le 14ème SILA peut effectivement être le déclencheur, après son bilan et les leçons tirées, pour la lecture publique. Celle-ci, si elle implique le ministère de la Culture, interpelle essentiellement les décideurs de proximité que sont les mairies, les démembrements à l'échelle nationale des institutions scolaires, du secondaire et de l'université. Des bibliothèques de tailles différentes, selon l'endroit, des librairies par centaines dans chaque wilaya, des bouquinistes tous azimuts, ce sont là les réseaux du livre et de la lecture. Il faut donc des investissements privés et publics lourds. Mais c'est le prix à payer pour le livre. A. B.