Malgré le flou de l'idée à ce stade quant à son contenu, ses objectifs, ses rapports avec les politiques européennes en vigueur, son financement, sa valeur ajoutée par rapport aux cadres actuels comme le processus de Barcelone, sa mise en œuvre et la délimitation de l'espace qu'il doit couvrir, le projet d'union pour la Méditerranée fait sens et ne manque pas de pertinence. Le projet, «discours chimérique», «fantasia à la française» et «chevauchée solitaire» de Sarkozy, «cheval fougueux», pour reprendre quelques formules récoltées ici ou là dans les cénacles de spécialistes européens, a le mérite de relancer le débat autour de la centralité de la Méditerranée dans la géopolitique de la France et de l'Union européenne (UE). Bien qu'il ne soit ni une politique méditerranéenne de l'Europe, ni encore une politique arabe de la France que le président Nicolas Sarkozy veut sacrifier sur l'autel d'un rapprochement ostentatoire avec les Etats-Unis et Israël, le projet de l'UPM interpelle. Il interroge d'autant plus qu'il n'a pas encore des contours bien définis et suscite déjà étonnement, suspicion, scepticisme, voire opposition résolue. L'idée française, bien qu'elle soit encore imprécise à la veille même du sommet de Paris, se justifie dans l'absolu par un triple diagnostic : aggravation de la marginalisation de la Méditerranée dans l'économie mondiale, inflation et inadéquation des politiques méditerranéennes de l'Union européenne et effritement du rôle de la France comme acteur géopolitique en Méditerranée. L'amoindrissement de l'influence de la France, notamment dans sa périphérie maghrébine immédiate, au profit d'acteurs plus volontaristes et offensifs comme les Etats-Unis et la Chine, est le résultat de cet affaiblissement même si la France dispose encore d'une assise solide au Maghreb fondée sur des échanges globaux avec les trois pays centraux (Algérie, Maroc, Tunisie) oscillant entre 21 et 22 milliards d'euros par an, dont plus de 8 milliards avec l'Algérie. Le projet de l'UPM, s'il devait avoir un sens, devrait être celui d'une «véritable reconnexion des Nord et des Sud», fondée sur des intérêts réciproques et non sur des rapports de force comme le préconise Jean-Louis Guigou. Dans un remarquable rapport publié dans Géoéconomie, ce spécialiste français de la planification et de l'aménagement des territoires plaide pour l'émergence de la région méditerranéenne en développant ce qu'il a qualifié de «théorie des quartiers d'orange» ou la solidarité des éléments formant un ensemble. A défaut d'une véritable union de la Méditerranée, l'UPM doit être ou ne pourrait être qu'une union de projets, et c'est déjà beaucoup. Pour avoir un contenu concret, cette «reconnexion» qui doit en être la base, serait fondée sur des actions concrètes, des solidarités construites. Avec le temps, elle pourrait se doter d'institutions propres et éventuellement d'institutions communes avec l'Union européenne. Et le penser ne participe guère de la pétition de principes. Déjà, l'Allemagne d'Angela Merkel qui vient en Algérie le 16 juillet, devient progressivement «méditerranéenne» et elle le clame. Le Danemark, pays nordique, inscrit dans le «Livre blanc» de sa diplomatie «la stabilité de la Méditerranée» comme «intérêt national». Quant à la «petite» mais prospère Finlande, elle estimait déjà qu'elle était un «pays riverain de la Méditerranée» dès le moment où elle adhérait à l'UE. L'union des projets pour la Méditerranée ne serait donc que celle des coopérations renforcées avec le Maghreb proche mais aussi avec ses rives orientales. Il s'agirait alors de maximiser les champs de coopération entre des voisins, autour d'intérêts dûment partagés, pour tracer «les lignes d'un commun souhaitable», selon la généreuse expression d'un politologue européen. Mais c'est avec le Maghreb que ces coopérations prendraient davantage de sens. Le Maghreb participe déjà à des cadres variés de concertation qui constituent assurément une base minimale pour un futur nouveau pacte de confiance en Méditerranée. Ces cadres de dialogue sont le fameux 5+5, le Forum de la Méditerranée pour quatre pays maghrébins sans la Libye, le processus de Barcelone sans la Libye et la Mauritanie et la Politique de voisinage sans la Mauritanie qui fait partie des ACP. Et il existe le cadre de l'UMA, l'Union maghrébine, même s'il est en réalité une coquille vide. A Paris, le sommet pour l'UPM révélera s'il s'agit d'un «nouveau souffle» et non d'un «nouveau soufflé», selon la jolie et juste formule d'un militant euro-méditerranéen, Roberto Aliboni. En somme, un beau discours ou plutôt une belle idée pour une union de projets de solidarité active et non un projet d'union qui serait, comme le processus de Barcelone, une usine à gaz. N. K.