Il y a du chemin à faire », estime l'Algérie dans l'aide-mémoire sur le bilan de dix années du processus de Barcelone adressé au Sommet des chefs d'Etat des pays de l'espace euroméditerranéen qui s'ouvre aujourd'hui en Espagne. « L'Algérie est d'avis que les efforts développés sur le chemin de la construction d'une économie de marché viable, intégrée dans une économie mondialisée, n'ont pas été accompagnés comme nos pays l'auraient souhaité pour faire face aux impacts des politiques de libéralisation induites par notre partenariat », remarque-t-on. Sont soulignées les observations des pays européens sur l'insuffisance des réformes politiques et sur la faiblesse de la libéralisation du commerce dans la rive sud de la Méditerranée. Alger appelle l'Union européenne (UE) à honorer ses engagements économiques et financiers contenus dans les différents accords d'association. « C'est à ce prix que le processus de Barcelone gagnera en crédibilité auprès de nos opinions publiques », est-il noté. L'accord d'association Algérie-UE est entré en vigueur en septembre 2005. Alger s'interroge sur « le rôle incitatif » que doit jouer l'UE pour orienter les investissements vers la rive Sud. L'idée que les décisions d'investissement relèvent de la seule sphère des entreprises ne semble pas convaincre de ce côté-ci de la Méditerranée. « Par leur hésitation à investir dans notre région, les entreprises européennes s'éloignent d'un marché porteur qui pourrait leur offrir une alternative, face à l'intensification de la concurrence mondiale », est-il relevé. BARRIÈRES NON TARIFAIRES Aussi est-il estimé que l'UE ne peut pas confiner son action au rôle de « superviseur » de réformes. « L'UE devrait également développer une politique plus volontariste en appuyant les efforts en matière d'appréciation du risque d'investissement dans la région, à travers certains mécanismes, comme la mise en place d'un système de garanties des investissements », est-il proposé. Alger ne croit pas trop à l'idée de zone de libre-échange. C'est simple : « Les résultats ne sont pas à la hauteur de nos attentes (...) L'Algérie accordera la plus grande attention à la corrélation entre la zone de libre-échange et son impact sur l'investissement européen. Ce devrait être d'ailleurs un thème de dialogue », est-il précisé dans l'aide-mémoire. « Le partenariat euroméditerranéen s'est focalisé, jusqu'à maintenant, sur la suppression des obstacles aux échanges au niveau des pays partenaires méditerranéens et l'harmonisation de leur cadre juridique avec l'acquis communautaire. Une attention similaire devrait être accordée aux barrières non tarifaires de l'UE, de loin plus importantes, qui continuent de freiner l'accès des produits de nos pays au marché unique européen », est-il ajouté. L'Algérie, qui n'a pas encore adhéré à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), partage, d'une certaine manière, les revendications des membres du G20 (pays agricoles exportateurs) qui luttent pour neutraliser les barrières qui bloquent l'entrée de leurs produits dans les marchés du Nord. L'Algérie souligne les effets négatifs des changements introduits au cadre juridique communautaire relatifs, notamment, à l'énergie et aux transports aériens. CRAINTES Des changements qui vont alourdir les contraintes qui pèsent sur les pays du Sud et qui vont obliger les entreprises à procéder à « de coûteuses adaptations ». Alger regrette que la question de la dette extérieure ne soit pas ajoutée dans l'agenda du dialogue, alors que les échanges dans la région sont restés dans la même logique du déficit « en notre défaveur » : « 12 milliards d'euros en 2003. Le déficit serait plus important, 26 milliards d'euros, si l'on exclut les hydrocarbures ». La question de la dette doit, selon Alger, figurer à l'avenir parmi les priorités du dialogue euroméditerranéen avec la finalité de trouver des solutions qui peuvent alléger le fardeau du service de cette dette. Le programme d'aide Meda (orienté vers l'accompagnement des réformes sociales et économiques) fait également l'objet de critiques de la part de l'Algérie. « Le soutien apporté au titre de cet instrument est resté en deçà des attentes des pays partenaires eu égard à l'ampleur des réformes engagées (...) Une évaluation de l'impact de cet instrument aurait pu permettre de savoir si les objectifs ont été atteints et de dégager des orientations en vue d'augmenter l'efficacité des activités futures prévues dans le cadre de l'instrument européen de partenariat et de voisinage », est-il relevé. En 2007, l'UE envisage de remplacer le Meda par un nouveau programme financier commun aux nouveaux voisins de l'Europe couvrant dix-sept pays, la Russie comprise. L'Algérie souhaite que ce programme finance des actions de soutien à la réalisation des infrastructures nécessaires pour le développement de l'activité économique. Elle cite l'exemple des pays candidats à l'adhésion à l'UE. Des pays qui ont bénéficié d'une attention particulière de la part de Bruxelles. Hier, Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne chargée des relations extérieures, a salué l'importance de l'aide qu'accorde l'UE à ses voisins du Sud (850 millions d'euros en 2005) et des prêts (2 milliards d'euros). « Nulle part dans le monde l'aide de l'UE n'atteignait un tel niveau », a-t-elle déclaré. L'Algérie a, selon l'UE, bénéficié de 40 millions d'euros d'aide pour le développement du secteur de l'eau, la modernisation de la police des frontières et le financement d'associations locales. A titre indicatif, l'Egypte a reçu 110 millions d'euros d'aide, le Maroc 135 millions, la Tunisie 118 millions et le Liban 27 millions... L'Algérie estime que les écarts structurels se sont creusés entre le Sud et le Nord depuis le lancement du processus de Barcelone. « Si les conditions actuelles se maintiennent, la perspective de convergence des revenus paraît irréalisable même à très long terme. Pourtant, la plupart de nos pays, l'Algérie en tout cas, ont fait montre de volontarisme politique dans le sens des engagements contractés à Barcelone pour réduire ce gap », est-il indiqué dans l'aide-mémoire. « Si les citoyens du sud de la Méditerranée voient l'Europe virtuelle plus accessible, leur accession au niveau de vie de l'Europe réelle relève de plus en plus du mirage. Le maintien de la stabilité politique des pays de la rive sud de la Méditerranée et l'endiguement des flux d'immigration vers l'UE seront encore plus difficiles », est-il ajouté.