Un mal pour certains, un luxe pour d'autres. L'ennui est ce sentiment de lassitude et de mélancolie qui résulte soit d'un désœuvrement soit d'une activité monotone. Il est momentané ou «chronique». Dans le premier cas, ce sentiment peut être bénéfique –celui qui a inventé le fil à couper le beurre devait certainement s'ennuyer un petit peu. «L'ennui fait le fond de la vie, c'est l'ennui qui a inventé les jeux, les distractions, les romans et l'amour.» La citation du philosophe espagnol Miguel de Unamuno abonde dans ce sens. L'écrivain allemand Johann Wolfgang von Goethe va encore plus loin en soutenant que «si les singes savaient s'ennuyer, ils pourraient devenir des hommes». Mais quand cet état se généralise et s'allonge dans le temps, il devient problématique. «L'ennui est un avertissement qu'on n'écoute jamais trop», alerte l'écrivain français Claude Roy. Comme l'oisiveté est mère de tous les vices, l'ennui peut avoir des conséquences fâcheuses. Pour en sortir, il faut se trouver une occupation. Là est le salut et c'est là aussi qu'habite le mal. Tout l'art du gouvernant réside dans le choix offert à ses «ouailles» pour s'occuper «intelligemment» et d'une manière utile. En Algérie, l'ennui est un «sport national». Les leaders de cette discipline sont les jeunes générations. Le manque d'espace de loisirs, de détente, l'absence d'événements culturels majeurs, de spectacles, de société civile active favorisent le recours à des pratiques plus que nocives. Voir des jeunes installés sur les ponts d'autoroute lançant des projectiles contre les véhicules, parfois simplement pour tuer le temps… ou la notion de «tqarïdje» qui consiste à s'évertuer à épier les faits et gestes de chaque voisin sont quand même symptomatiques. Pour lutter contre l'ennui, deux démarches s'imposent. L'une individuelle et l'autre ne pouvant venir que des pouvoirs publics. D'un côté, c'est à la personne qui s'ennuie de se motiver en se fixant un centre d'intérêt. De l'autre, les responsables doivent offrir les choix d'occupation. Mais dans tout cela, l'ennui peut également être un sentiment né du tempérament de la personne. «Un ennuyeux s'ennuie chez les clowns. Un joyeux s'amuse aux enterrements», écrivait Félix Leclerc. Et puis «l'éducation tout entière se réduit à ces deux enseignements : apprendre à supporter l'injustice et apprendre à souffrir l'ennui», soutient encore Ferdinando Galiani. S. A.