Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati L'arbitre seychellois avait à peine sifflé la fin de la partie que des milliers de fans ont envahi les principales artères de la ville de Tizi Ouzou et dans toutes les communes de la wilaya. Moins de dix secondes ont suffi aux inconditionnels des Verts pour occuper la rue, puisque, dans un grand nombre de quartiers de la ville, cette empoignade entre les Fennecs et les Pharaons a été suivie sur des écrans géants et dans plusieurs commerces des villes et villages de la wilaya. Hystériques à tout point de vue, ces milliers de fans seront vite rejoints par des dizaines de milliers d'autres, entre femmes, hommes, enfants et vieillards. C'est que tout le monde se sentait concerné au plus haut point par l'agression sauvage dont les Algériens ont été victimes dans la capitale cairote samedi et dimanche derniers. Le rond-point de la ville est noir de monde. L'écran géant installé au profit des fans par les services de l'ODEJ (ex-CIAJ) avait rassemblé des centaines de personnes pour le match. La victoire de la bande à Saadane et la qualification algérienne au Mondial sud-africain ont fait de Tizi Ouzou une ville méconnaissable. Des milliers de véhicules, tous types confondus, se déversent sur la ville. Des camions bondés de jeunes drapés dans l'emblème national. Des familles entières défilent dans les rues et disent leur bonheur suite à la victoire des Verts. Des youyous fusent de partout. C'est tout simplement l'hystérie. Personne ne se rend compte que des femmes seules sont sorties crier leur joie la nuit tombée. C'est l'archaïsme très résistant dans la région qui en prend un coup, même si c'est temporaire et conjoncturel. Devant la façade du bureau de poste, c'est carrément un groupe d'une vingtaine de femmes qui donnent la réplique à tous les supporters de passage en véhicules, avec des slogans ou des youyous. La liesse a dépassé tout entendement. Le code de la route devient, le temps d'une soirée de folie, quelque chose de totalement obsolète. Les policiers en nombre et bien disséminés restent discrets malgré tout. Ils ont l'air d'être tentés plutôt par la fête et l'éclatement de la joie, étant eux aussi des fans de Ziani et de ses coéquipiers. Le jet d'eau du rond-point de la ville est plein de jeunes arborant l'emblème national. De toutes les rues qui y mènent des véhicules arrivent en klaxonnant et avec des drapeaux. Des drapeaux par dizaines de milliers. A croire que la population s'est réapproprié les couleurs nationales après des années de confusion entre drapeau et pouvoir politique. Désormais, aimer l'emblème national ne veut pas dire cautionner le pouvoir politique. Et comme par magie, tout le monde s'y met : femmes, hommes, enfants et personnes âgées. Tout au long de la rue Khodja Khaled, un encombrement monstre bloque la circulation automobile. Peu importe, c'est la fête et l'occasion de descendre de son véhicule et de danser au rythme des innombrables chansons à la gloire de l'équipe nationale. Des jeunes femmes ne s'en privent pas. Elles dansent et personne n'y trouve à redire. Plusieurs groupes de femmes seules ou accompagnées se dirigent vers le centre-ville. Au niveau de la cité Bouaziz, un riverain met à la disposition de centaines de gens une sono et les fait danser à la limite de la transe sous un emblème national géant. Un peu plus loin, devant la porte d'accès de la maison d'arrêt, une vingtaine de femmes, dont l'une munie d'un bendir, animent l'endroit. Les policiers laissent faire même si, habituellement, il est interdit de se mettre à cet endroit. Le temps d'une soirée, la loi, sous toutes ses formes, est rangée dans le placard. Les automobilistes fêtards et ces femmes se donnent la réplique. Hassan Shehata, le coach égyptien, en prendra pour son compte. Et cela partout en ville. Saadane, quant à lui, est consacré roi d'Algérie. Le gardien de but Fawzi Chaouchi en est le prince. C'est le même climat de fête quelques dizaines de mètres plus loin, au lieu-dit Tarzan : Une autre concentration de supporters de toutes catégories, des deux sexes et de tous âges. Les youyous fusent de partout. Les cris de rage aussi. C'est l'entame de la rue des Frères Oudahmane, plus connue sous le nom d'«axe du nouveau lycée» qui mène tout droit vers le boulevard Stiti. Un énième drapeau géant est accroché entre deux bâtiments. Les balcons et fenêtres sont également ornés de l'emblème national. Les klaxons retentissent dans un ciel étoilé. Les étoiles du ciel mais aussi les étoiles qui se trouvaient encore à Khartoum. Ceux qui ont permis cette liesse. La circulation est complètement bloquée et il faut que de jeunes supporters quittent leurs véhicules pour réguler la circulation. Tout le monde accepte les consignes de la part de jeunes drapés dans l'emblème national et ornés de toutes sortes d'accessoires aux couleurs nationales. Et la fête se poursuit jusque tard dans la nuit. Pour reprendre en fin de matinée de jeudi. Et de plus belle. Dans les quatre coins de la ville. Et dans toutes les communes de la wilaya. Au carrefour du Djurdjura, une camionnette de marque Mazda attire l'attention. Des supporters visiblement bien inspirés défilent avec un âne enveloppé dans un drapeau égyptien. Tout le monde accourt pour prendre des photos ou enregistrer des vidéos. Le véhicule avance vers la rue Lamali, menant vers le CHU Nedir Mohamed. Il sera vite bloqué devant des centaines d'autres fans des Verts, amassés en face du siège de la Casoral. Difficile de compter le nombre de drapeaux qui y flottent. Des drapeaux qui ont envahi les villes et les villages kabyles. Où les Bougherra, Ziani, Antar Yahia, Ghezzal et les autres ont rendu le sourire à tous. Histoire d'oublier un tant soit peu les aléas de la vie quotidienne.