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Dans son sommeil léthargique, la Cour des comptes maintenue sous perfusion Inexplicable silence de cette institution censée contrôler les finances de l'état
La complicité dans les affaires de dilapidation n'échappe, aujourd'hui, à personne, démontrée à forts relents de scandales par des procès publics qui ont mis à nu la responsabilité de hauts cadres de l'Etat. Mais l'impunité dont bénéficient certaines personnes est loin de permettre l'éradication de ce fléau. Et ce, malgré l'engagement officiel du président Bouteflika pour lutter contre les corrompus dès son arrivée à la tête du pouvoir en 1999 où il avait reconnu lors d'un de ses meetings que «l'Algérie est un pays miné par la corruption» et insisté «sur l'importance qu'il convient d'accorder à la lutte contre la corruption partout et dans toutes les institutions, y compris dans le secteur judiciaire car cette forme de criminalité insidieuse entrave le développement économique, fait fuir les investisseurs étrangers, cause un grand tort aux citoyens et mine la confiance des populations dans l'Etat». Face aux scandales qui se suivent et creusent le Trésor public, suffit-il de faire des constats ? Les chiffres officiels des dommages financiers causés par les affaires de grande corruption de ces dix dernières années ne manquent pas : détournements dans des banques, des agences postales, des assurances… aux ministères de l'Agriculture, de la Pêche, des Travaux publics et même à Sonatrach. Il n'est pas si important de connaître au centime près le montant de ces détournements puisqu'il est clair qu'il se chiffre en milliers de milliards de dinars. Certains exemples peuvent en témoigner : plus de 7 000 milliards de centimes dilapidés à El Khalifa Bank, 3 200 milliards à la BNA, 4 000 milliards à la BCIA, 1 100 milliards à la BADR ou encore les 70 milliards d'Algérie Télécom. Il y a aussi le scandale de la Générale des concessions agricoles (GCA) dont les premières estimations font état d'un préjudice de 4 000 milliards de centimes ! Devrons-nous donc nous interroger sur les personnes qui sont derrière ces milliards évanouis dans la nature et sur les failles qui ont permis ces détournements ? Est-ce que l'Algérie n'a toujours pas réussi à avoir une justice équitable et transparente ? Les lois, les institutions de lutte existent mais semblent n'être là que pour la galerie. Le silence de la Cour des comptes, cette institution censée contrôler a posteriori les finances de l'Etat, est d'ailleurs des plus énigmatiques. La Cour des comptes sombre dans un sommeil léthargique, manquant à ses obligations. L'article 170 de la Constitution stipule qu'«il est institué une Cour des comptes chargée du contrôle a posteriori des finances de l'Etat, des collectivités territoriales et des sociétés publiques». Instituée en 1979, la Cour des comptes doit établir un rapport annuel qu'elle adresse au président de la République. Le rapport, selon l'article 16 de l'ordonnance, reprend les principales constatations, observations et appréciations résultant des travaux d'investigation de la Cour des comptes, assorties des recommandations qu'elle estime devoir formuler ainsi que les réponses y afférentes des responsables, représentants légaux et autorités des tutelles concernées. Le rapport doit être publié totalement ou partiellement au JO de la RADP et une copie doit être transmise par la Cour des comptes à l'institution législative. Il faut rappeler qu'après son institution par le président Chadli Bendjedid, la Cour des comptes avait beaucoup fait parler d'elle au milieu des années 1980 avant de sombrer dans la léthargie jusqu'à la venue de Liamine Zeroual, qui l'a réorganisée par l'ordonnance 95/20 du 17 juillet 1995, en lui donnant un beau siège et de larges attributions. Mais depuis cette année, ce sont 15 rapports qui auraient dû être publiés, par la force de la loi ; or, les archives du Journal officiel peuvent témoigner qu'il n'y a aucune trace de ces rapports depuis au moins 13 ans. Ainsi, l'organe national mort-né, la Cour des comptes liquidée, avec quoi veut-on empêcher la corruption et renforcer la dynamique de la démocratie et de l'Etat de droit ? Qui est derrière ce blocage ? Qui avait intérêt à ce que meure la Cour des comptes et qui l'a enterrée ? Comment faire face à l'avidité de la mafia et de ses tentacules ? Pas avec des discours, ni avec des textes en tout cas. Le fléau de la corruption, qui semble avoir encore de beaux jours devant lui, constitue une sérieuse menace sur le devenir des institutions de l'Etat et de générations d'Algériens.Une dernière question : pourquoi maintenir sous perfusion la Cour des comptes, payer ses employés avec l'argent du contribuable si celle-ci ne rend aucun service à la nation ? Est-ce juste, encore une fois, pour la galerie ? Si l'argent de la Sonatrach, cette entreprise mère nourricière de l'Algérie, est aujourd'hui entre les mains de la mafia, le passage à l'acte des gouvernants doit se faire «hier», manière de dire que l'Etat est déjà en retard pour réagir face au fléau de la corruption. Car, aujourd'hui, la dilapidation des deniers publics, l'abus de biens sociaux, le délit d'initié –la liste n'est pas exhaustive– saignent comme jamais auparavant l'économie nationale et sapent le moral de la nation, à l'ombre du silence complice des institutions de l'Etat, notamment les assemblées élues. Pourquoi si peu d'impact et pourquoi tous ces blocages des mécanismes anticorruption ? A quel point les enjeux du phénomène déterminent-ils la conduite des gouvernants ? H. Y.