Mardi dernier, la troupe du théâtre des Amis du centre Larbi-Tebessi de Chlef a présenté, sur les planches du Théâtre national algérien (TNA) Mahieddine Bachtarzi, El Ayta (le cri), pièce adaptée de l'œuvre éponyme de M'hamed Benguettaf et mise en scène par Missoum Laaroussi assisté par Rachid Djerrourou. Durant plus d'une heure, les amateurs du quatrième art présents ont été conviés à assister à une représentation de qualité tant sur le plan de la mise en scène que sur celui de l'excellente scénographie signée Hamza Djaballah, de la musique de Mohamed Hamaidi Zerrouki sans oublier l'interprétation de la dizaine des comédiens, en l'occurrence Abdelrazzak Hamani, Mouloud Ben Ghaliz, El hadi Sachi, Abderrezak Kouasmi Fethi Ben Aicha, Linda Ardjane, Djamila Benahmed, Arbia Azaiz, Djamel Hamel et Toufik Kaoudri Boudjalaia. Il y a quelque mois, Missoum Laroussi, président du théâtre des Amis du centre Larbi-Tebessi de Chlef, avait organisé des ateliers d'art dramatique animés par des spécialistes venus d'Alger et de Mostaganem. Après ce stage, un deuxième sélectionnera les comédiens qui joueront la pièce. Les comédiens entièrement vêtus de noir, gantés et chaussés de blanc, ont su maîtriser l'expression corporelle et l'occupation de l'espace scénique comme de véritables professionnels, insufflant une énergie captivante. A travers le personnage d'El Djemii et celui du magicien accompagné de ses disciples, El Ayta garde toute sa fraîcheur narratrice et la force du texte dénonçant les maux socio-politiques. Ainsi, le chômage, les conséquences d'une privation tous azimuts, la corruption, l'appât du gain, la lâcheté, l'hypocrisie sociale, les manipulations des masses et la censure des médias sont au cœur de cette diatribe qui, plus de 20 ans après sa première représentation, demeure toujours d'actualité. Pour rappel, la pièce a été jouée la première fois sur les planches en 1989 par la compagnie Masrah El Qalaa, avec dans le rôle principal le regretté Azzedine Medjoubi, qui a été au centre d'un hommage à l'occasion du 15ème anniversaire de son assassinat, le 13 février dernier. L'émotion était fortement présente, quatre jours à peine après cet hommage, mais le public malheureusement n'était pas fortement présent. El Ayta, primé en 1989 du grand prix de Carthage, avait été annulé à Msila la même année pour «cause de menace» qui ciblait principalement l'acteur principal de la pièce Azzedine Medjoubi. 20 ans après et 15 ans presque jour pour jour après l'assassinat de ce grand homme du théâtre algérien, la pièce est une nouvelle fois victime de l'indifférence. Heureusement que quelques irréductible amateurs du 4ème art étaient présents et que la troupe a donnée le meilleur d'elle-même. Espérons que la tournée nationale prévue pour la pièce aura plus d'écho et drainera un public plus nombreux de l'«anza» (cri de celui qui est mort de mort violente, lancé chaque année à l'heure et à l'endroit de son assassinat) de Medjoubi a trouvé un écho auprès de cette jeunesse à travers El Ayta lancé sur les planches du TNA. Ils ont prouvé encore une fois que ni les balles assassines ni l'indifférence ne vaincront la force créatrice de ceux qui ont tout sacrifié au nom de la culture. S. A.