Jouée il y a plus de dix ans par Azzeddine Medjoubi, El Aïta (Le Cri) a été interprétée, la semaine dernière, par la troupe théâtrale de l'association Les amis de Chlef. Comment faire vivre l'oeuvre d'un auteur, d'un dramaturge ou d'un artiste, au fil des années? Coopérative du théâtre régional de Chlef, dirigée par le metteur en scène Missoum Laroussi. En effet, pour rendre hommage à Azzeddine Medjoubi, le monstre sacré du théâtre algérien, de jeunes comédiens sont montés, la semaine dernière, sur les planches du Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi d'Alger, pour rejouer El Aïta. Dans cette pièce, mise en scène par Missoum Laroussi, le problème majeur de El Djami Ben Mohamed Ben El khaïr, le principal personnage de El Aïta, semble toujours être un misérable petit boulon qu'il n'arrive pas à trouver. Voulant à tout prix le retrouver afin de solutionner un problème dans l'usine où il travaille, ce personnage se lance dans une quête mystérieuse qui l'entraîne au plus profond de la société algérienne. C'est au cours de ses recherches, que les spectateurs pourront découvrir une Algérie en pleine transition... une transition qui ne sera pas tout à fait bénéfique. Ecrite à la fin des années 1980 par Mohamed Benguettaf, et mise en scène à l'orée des années 1990 par Ziani-Chérif Ayad, El Aïta, dresse un portrait peu reluisant d'un pays, qui, à peine sorti d'une période marquée par un socialisme désastreux, plonge dans un libéralisme sauvage. A travers les péripéties du jeune El Djami, Benguettaf aborde des questions qui taraudaient l'esprit de plus d'un à l'époque. Ce dramaturge exprime, à travers son texte, son rejet total du libéralisme sauvage, sans règles, sans lois et sans garde-fous. Un libéralisme aux effets pervers sur la société, qui décapite tout ce qui est bénéfique culturellement. Même si elle fut écrite en 1988, cette pièce reste toujours d'une brûlante actualité. Après plus d'une vingtaine d'années, l'Algérie souffre des mêmes maux et subit les conséquences des mauvais choix et des faux départs décidés par les dirigeants de l'époque: le capitalisme sauvage, la privatisation tous azimuts et le licenciement des travailleurs. Dans El Aïta, le dramaturge traite également du défaitisme de ses concitoyens et critique leur inertie et leur incapacité à se révolter contre l'injustice. «Même les fourmis ne supportent pas l'injustice», dira El Djami au cours de la pièce. El Aïta, jouée par trois comédiens à l'époque: Medjoubi, Sonia et Benguettaf, a été interprétée, la semaine dernière, par une dizaine de jeunes amateurs, dont Hamrani Abdelkader, qui interprète le rôle principal. Ce point constitue d'ailleurs, la seule différence entre El Aïta des années 1980 et celle de 2010.