Il était doublement heureux, le jeune Amine. A 28 ans, il entre de plain-pied dans le monde de la paternité. Le 22 juillet dernier, sa femme Lynda accouche de son premier enfant. Une fille. Il la prénomme Melissa Maya. C'est la première origine de sa joie. La seconde raison, une fois n'est pas coutume, fait suite à une formalité administrative. En se présentant à la mairie d'El Biar pour inscrire la nouvelle Algérienne sur le livret de famille et, par là, à l'état civil, le jeune médecin reçoit un billet de félicitation. Une petite carte de vœux de bonheur et de santé pour le bébé et pour la maman. «Cela m'a profondément touché. C'est un petit geste mais qui pèse lourd», témoigne-t-il. Un sentiment profondément partagé par la jeune maman qui exhibe le carton à toute la famille. Ce geste de l'APC d'El Biar est d'un raffinement remarquable. D'autant plus que les statistiques réalisées par différents organes s'accordent à dire que la population algérienne commence à prendre un coup de vieux. Les avancées enregistrées ces dernières années dans différents secteurs, notamment ceux de la santé et de l'éducation, sont perceptibles à ce niveau. Au détriment de la natalité, pourrait-on constater. Si l'espérance de vie des Algériens a atteint 76,1 ans, la tranche d'âge des plus de 60 ans opère une avancée rapide. Celle des moins de 10 ans, par contre, régresse sensiblement. Selon une enquête réalisée en 2006 par l'Institut national de la santé publique (INSP), les enfants de moins de 5 ans représentent 8,5% de la population contre 7,6% pour le troisième âge (plus de 60 ans). Le dernier recensement de la population algérienne effectué par l'Office national des statistiques en 2008 vient confirmer cette tendance en révélant que la baisse du taux de croissance annuel (1,72% en 2008 contre 2,15 en 1998) s'explique par la réduction du taux de natalité. Le nombre moyen de personnes par ménage est passé de 6,6 en 1998 à 5,9 en 2008. Le premier rapport (INSP) établit l'indice conjoncturel de fécondité à 2,27 enfants par femme en 2006 et un âge moyen de maternité de 31,02 ans. Mais à quoi est dû ce recul du taux de natalité ? Pourtant, à entendre les klaxons des cortèges dans nos rues et au vu des faire-part qu'on reçoit en nombre dès que l'été approche, on se dit que les mariages sont nombreux. Une moyenne de 150 000 unions chaque année, un accroissement de 5,6% en 2006 par rapport à l'année précédente. Les chiffres sont là pour confirmer que les Algériens se marient toujours ! Qu'est-ce qui ne va pas alors ? Plusieurs raisons. Sociologiques, économiques et sociales. D'abord, il y a une certaine évolution des mentalités chez le citoyen algérien. La démocratisation du système d'éducation nationale a fait que le niveau d'instruction de la population a connu une nette progression. Le constat est d'autant plus remarquable chez les femmes. 41,9% de celles-ci ont au minimum un niveau secondaire. Avec ce bagage, elles investissent de plus en plus le marché du travail. Sur plus de 700 000 demandeurs d'emploi, 23,10% sont des femmes. De 15% de la population active en 1998, elles représentent actuellement près de 18%. La femme active en Algérie est généralement jeune et célibataire. Seul 36% d'entre elles sont mariées. Devenue donc ambitieuse et carriériste, l'Algérienne se marie tardivement. L'âge moyen au premier mariage est passé de 18,3 ans en 1966 à 29,9 ans pour les femmes. Il ne faut pas pointer du doigt seulement la partie féminine de la population, les hommes ne sont pas en reste. Ces derniers ne se laissent passer la bague au doigt qu'à la trentaine passée. La moyenne d'âge au premier mariage pour les hommes est de 33,5 ans. L'éducation nationale a joué un autre rôle dans la baisse de la natalité. Durant les années 1980, les professeurs d'histoire et de géographie s'attelaient à enseigner aux élèves que l'un des plus grands problèmes que rencontrait l'Algérie se trouvait être la croissance démographique rapide. La leçon a été pleinement assimilée par les élèves. D'ailleurs, il est remarqué que plus les parents en général et l'épouse en particulier sont instruits, moins ils ont d'enfants. Par ailleurs, les différents programmes de maîtrise de la croissance démographique et de la planification familiale ont, apparemment, donné des résultats. La prévalence contraceptive chez les femmes mariées âgées entre 15 et 49 ans est estimée à 61,4% (52% utilisent des contraceptifs modernes et 9,4% des méthodes traditionnelles). D'autres phénomènes sociaux viennent se greffer sur ces facteurs pour aboutir à la régression du nombre de naissances en Algérie. Le taux de mortalité infantile qui est de 24,7 pour 1 000 naissances, la promiscuité dans les foyers, la crise de logement, le chômage, l'indisponibilité des structures de gardiennage pour enfants (crèches, maternelles…) et le pouvoir d'achat qui régresse se conjuguent pour faire de la paternité ou de la maternité un bonheur à consommer avec modération.