La suspension d'un mouvement de grève ne signifie pas qu'une solution ait été trouvée à un vrai problème posé par des organisations syndicales très représentatives. Cela vient de se vérifier dans le débrayage, qui a duré plus de trois mois, dans le secteur de la santé. Il n'y a pas eu vraiment de solutions dans le sens que les réponses n'ont pas été apportées aux revendications des praticiens de la santé publique. Même si les revendications sont reconnues légitimes par les tutelles concernées, la réponse qu'on leur réserve participe souvent dans le renforcement du statu quo. Le secteur de la santé ne va pas s'apaiser dans la durée. Il vivra une accalmie précaire. Les syndicats, qui formulent manifestement une attente sociale, l'ont bien compris en maintenant d'autres formes de contestation. C'est une manière de dire que les vraies questions posées n'ont eu droit qu'à de faux remèdes. Ce serait donc de la naïveté que de miser sur une pacification du front social. La tension sera vive dans la santé pendant que le secteur de l'éducation nationale, où les vraies solutions sont renvoyées aux calendes grecques, pourrait s'accorder des vacances estivales. L'alerte est vite donnée par le syndicat représentant le personnel de l'administration publique qui annonce des débrayages cycliques à partir de demain. Ce débrayage peut être jumelé à celui des conducteurs de train qui ont paralysé hier les gares de la capitale. Ce n'est pas la première fois que le transport ferroviaire vit la contestation salariale de ses conducteurs. Le problème est récurrent tant que les solutions n'ont pas encore été inscrites à l'ordre des préoccupations des responsables. L'impact est pourtant lourd puisque des milliers de fonctionnaires ne pourront pas arriver sur le lieu de travail à temps. La persistance des mouvements de grève est incontestablement révélatrice de l'échec de l'administration qui ne cherche jamais une solution aux problèmes posés par les grévistes. La hiérarchie des objectifs de nos ministres semble très claire : il est plus urgent de pousser les syndicalistes au gel de la grève que de s'efforcer de trouver les solutions pérennes aux revendications formulées.La décision des syndicats de la santé publique de suspendre la grève ne traduit pas uniquement la maturité des organisations qui observent une halte pour mieux organiser la contestation. Elle traduit aussi l'inertie qui a atteint nos institutions incapables de mener un dialogue sérieux, responsable et fructueux. En recourant à la menace contre les médecins grévistes, les pouvoirs publics sont en train de programmer de futures colères sociales alors que leur mission consiste à anticiper sur ce genre de situation. Le credo qui dit que «gouverner, c'est prévoir» aura du mal à se faire une place dans la gouvernance de nos dirigeants. Ces derniers préfèrent maintenir irrésolus de vrais problèmes pour servir de fausses solutions. A. Y.