Deux syndicats de l'éducation, la Coordination nationale autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Cnapest) et le Conseil des lycées d'Alger (CLA), sont désormais unifiés dans leur combat pour le recouvrement de la dignité de ce secteur longtemps laissé à l'abandon. Les pressions, ainsi que les intimidations dont ils font l'objet depuis le début de leur mouvement de contestation n'ont rien atténué de leur détermination à faire face à la volonté du ministère de l'Education de les étouffer. Ni les ponctions sur les salaires, ni les suspensions et encore moins la répression policière qu'ils ont subie n'ont eu d'effet sur la poursuite de la grève. Bien au contraire, les deux animateurs syndicaux affirment, aujourd'hui, que la grève a été suivie dans pas moins de 38 wilayas. Ils ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin. Ils sont plus que jamais convaincus de la justesse de leur combat. M. Redouane Osmane, SG du CLA, à Liberté “Ils cherchent le pourrissement” La mesure de suspension qui vient d'être signifiée à treize enseignants d'Alger est perçue par le SG du Conseil des lycées d'Alger (CLA) comme une autre étape dans la stratégie de pourrissement adoptée par les pouvoirs publics. Liberté : treize enseignants viennent de se voir signifier la mesure de suspension de leurs fonctions par l'académie d'Alger. Votre commentaire ? M. Redouane Osmane : Cette mesure de suspension administrative a un seul objectif : intimider l'enseignant du secondaire et l'orienter vers un cycle infernal répression réaction à celle-ci ; c'est uniquement pour dévoyer le véritable débat autour de nos revendications. C'est une manière pour les pouvoirs publics de rendre opaque notre mouvement et de le pousser au pourrissement. Faut-il rappeler que des arrestations ont été opérées le 16 septembre dernier ? Il y avait aussi cette tentative d'empêcher le rassemblement du 27 septembre devant le lycée Bouâmama. Cette nouvelle phase vise donc à vider l'encadrement du mouvement. Et il fort à craindre qu'une autre charrette de suspensions ne survienne dans les prochains jours et s'étende à tout le territoire national. Il faut dire qu'elle s'ajoute à la mesure déjà décidée des ponctions sur salaires… Les ponctions sur salaires se font depuis pratiquement le mois de juin. Les pouvoirs publics essayent, si vous permettez l'expression, d'adopter la stratégie de “la faim”. Ils savent pertinemment qu'en s'attaquant aux salaires “minables” des enseignants, cela pourrait avoir des effets psychologiques. Mais mal leur en pris puisque les enseignants sont déterminés à continuer le combat pour changer leur statut social. Leur objectif est désormais clair : réduire au silence le mouvement. Vous rejoignez, aujourd'hui, le mouvement de grève de la Cnapest. Comment se présente cette journée pour vous ? Aujourd'hui, ce sont les grands lycées qui vont réagir. Il va y avoir une généralisation de la contestation. Le mouvement sera amplifié. À ce jour, le ministère de tutelle fait la sourde oreille à votre mouvement mais aussi à vos revendications. Comment expliquez-vous cette attitude ? Je sais une seule chose, son cabinet s'est contenté, dès le début, d'identifier le mouvement et d'explorer les moyens pour le briser. Le ministre, j'en suis convaincu, n'est pas maître du jeu concernant nos revendications. La solution se trouve au niveau de la chefferie du gouvernement. Il faut 3 milliards de DA pour l'augmentation des salaires des enseignants, chose qui s'inscrit en contradiction avec toutes les mesures budgétaires décidées depuis au moins une décennie. C'est pourquoi Benbouzid ne peut faire que dans la fuite en avant. Les arguments qu'il avance sont fallacieux car, son objectif à lui est de fermer le jeu au niveau syndical et de restreindre le champ de la contestation. Si on vous en contraint, irez-vous jusqu'à organiser une grève illimitée ? Jusqu'à maintenant, nous avons toujours privilégié une démarche qui n'ira pas jusqu'au pourrissement, une démarche qui tient compte des partenaires sociaux, notamment les élèves, les parents de ceux-ci, mais aussi de l'opinion publique. Mais force est de constater qu'ils essayent de nous pousser vers une démarche impopulaire. Pour notre part, nous essayons de trouver un chemin qui ne pénalise personne. Vue sous cet angle, une grève illimitée paraît comme une arme à double tranchant : elle risque de conduire le mouvement à l'essoufflement. À mon sens donc, il faut réfléchir à toutes les formes de lutte qui nous permettent de revendiquer, tout en ne désertant pas les lycées. Notre souci premier, c'est de faire aboutir nos revendications sans pour autant entraîner le mouvement dans une impasse. Et que pensez-vous de la Cnapest ? Le CLA n'entretient aucune animosité vis-à-vis d'aucun syndicat. Notre objectif, c'est d'aller vers une convergence de la lutte, sans pour autant abandonner ce qui est précieux pour nous, à savoir la démocratie, l'horizontalité de notre structuration et la diversité culturelle qui existe à l'intérieur du CLA, particulièrement militante, que nous avons acquise depuis une année, notamment sur le champ d'action (occupation des lieux publics…). Hier, nous avons rédigé un communiqué commun et nous avons installé une cellule de crise pour gérer le mouvement parce que, je le répète, notre seul souci demeure toujours l'unité du mouvement comme l'exige notre base. K. K. M. Meziane Meriane, SG de la Cnapest, à Liberté “Le ministre assumera seul la responsabilité” Le secrétaire général de la Coordination nationale autonome des professeurs de l'enseignement du secondaire et technique (Cnapest) fait porter l'entière responsabilité de la situation de pourrissement, dans laquelle s'installe progressivement le secondaire, au ministre de l'éducation. Liberté : Est-ce que la grève à laquelle vous avez appelé a été suivie ? M. Meziane Meriane : Pour la première journée d'hier, nous avons enregistré un taux de suivi de près de 95% dans les wilayas structurées autour de la Cnapest, soit 38 au total. Pour la première fois, nous avons enregistré l'adhésion des wilayas de Tébessa, d'Oum El-Bouaghi et d'El-Oued. Dans ces wilayas, le taux de suivi a atteint environ 60%. Dans plusieurs autres wilayas, comme Tipasa, Chlef, Bouira ou Mila, c'est la paralysie totale. à Oran et à Constantine, on a frôlé aussi les 100%. Toutefois, on a subi, encore une fois, des intimidations, puisque un enseignant du lycée Amara-Rachid à Alger vient d'être suspendu. À la suite de cette mesure, les enseignants ont décidé d'observer une grève illimitée jusqu'à la levée de la suspension. Confirmez-vous les ponctions sur salaires, comme mesure de rétorsion, décidées par les pouvoirs publics ? ll Oui, c'est déjà fait dans plusieurs wilayas. Dans certains endroits, ce sont six jours de retenue et dans d'autres endroits quatre jours. Ce sont des intimidations, mais sur le terrain, celles-ci ont eu un effet inverse. La mobilisation se conforte de jour en jour. Votre commentaire sur la décision de suspension qui vient de toucher 13 enseignants à Alger ? Nous avons entendu cette information, mais cela reste à confirmer. Vous semblez engagé dans un véritable bras de fer avec le ministre de l'enseignement. Si celui-ci ne décide pas à lâcher du lest, irez-vous jusqu'à recourir à une grève illimitée ? Si la situation perdure, on risque immanquablement d'arriver à une situation chaotique. Et il appartient à M. Benbouzid d'en assumer seul la responsabilité. Pour notre part, nous avons toujours demandé d'ouvrir les portes du dialogue, mais malheureusement, comme vous le savez, on nous les a toujours fermées. À ce jour, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale refuse de nous accorder l'agrément. De toutes les façons, pour répondre à votre question, nous allons observer demain un sit-in devant la direction de l'éducation de la wilaya de Bordj Bou-Arréridj, pour exiger la réintégration d'un de nos collègues frappé de suspension. À ce moment-là, le conseil national de la Cnapest se réunira et décidera si l'on opte pour une grève illimitée. Pour terminer, quels sont vos rapports avec le CLA ? Osmane est un dissident de notre mouvement et il n'a qu'à l'assumer. Lui, il ne voulait pas de syndicat, il voulait seulement un collectif. Il a piétiné les principes qu'il avait auparavant. Pourquoi ne rejoint-il pas notre mouvement ? K. K. Rebondissement dans le Bras de Fer MEN-Syndicats 13 Enseignants du Secondaire Suspendus La charge retenue contre eux est “incitation et participation à un arrêt de travail collectif en violation des dispositions légales en cours dans ce domaine”. Le moins que l'on puisse dire de la gestion du dossier des grèves des enseignants à l'appel de syndicats autonomes par le ministère de l'Education nationale est qu'elle est provocatrice. Aussi, le bras de fer entre le département de Benbouzid et les syndicats du secteur n'est pas près de s'arrêter. Après la répression de deux sit-in d'enseignants, le 5 octobre dernier, et l'embarquement par la police de 7 d'entre eux, la ponction de 6 jours sur salaires d'enseignants grévistes, la traduction devant la justice de 14 enseignants de Batna, Boubekeur Benbouzid pousse le bouchon un peu plus loin en passant à un palier supérieur dans sa politique de la terre brûlée. Pas moins de 13 enseignants de différents lycées ont reçu, hier, la décision de leur suspension. Décision qui leur a été signifiée par le département de Benbouzid. La charge retenue contre eux est “incitation et participation à un arrêt de travail collectif en violation des dispositions légales en cours dans ce domaine”. Décision qui sera de mise jusqu'à comparution des enseignants suspendus devant un conseil de discipline dont la date n'est pas encore arrêtée. Le directeur des employés au niveau de l'inspection de l'académie d'Alger, ceux des établissements où les enseignants suspendus exerçaient sont chargés par le MEN de mettre en application ladite décision. Aussi, la réaction du corps enseignant ne s'est pas fait attendre. Hier, les deux syndicats autonomes, le Conseil des lycées d'Alger (CLA) et la Coordination nationale autonome des professeurs de l'enseignement du secondaire et technique (Cnapest), la cheville ouvrière du mouvement de protestation qui a secoué, ces derniers mois, le secteur de l'éducation, se sont réunis au siège du CNES pour décider de la riposte. Dans leur communiqué commun, les deux syndicats se sont élevés contre “les mesures répressives et de pourrissement et les provocations irresponsables, comme les décisions de suspension et la traduction devant la justice, guerre qui vise les enseignants sur tout le territoire national”. Mais, les décisions du ministère sont loin d'entamer le moral et d'éroder la détermination des enseignants à mener à bien leur mouvement de protestation. “Nous rappelons à la tutelle que ces mesures ne font que nous donner de la force et de la détermination pour unifier nos rangs et continuer notre protestation jusqu'à la satisfaction de nos revendications”, est-il noté dans le communiqué. En tout et pour tout, les deux syndicats ont brandi trois revendications : l'augmentation des salaires de 100%, la diminution de l'âge de départ à la retraite à 25 ans de travail et la mise en place d'un statut de l'enseignant. Aussi, les deux syndicats n'ont pas manqué d'afficher leur soutien aux enseignants du moyen, victimes des mesures répressives. Ne se contentant point de profession de foi, les deux syndicats joignent le geste à la parole en occupant plus que jamais le terrain de la contestation. La Cnapest a appelé, hier, le corps enseignant à observer quatre jours de grève. Le mot d'ordre a été massivement suivi dans plusieurs wilayas du pays (Constantine, Annaba, Souk-Ahras, Oran...). Les enseignants et les élèves de Rouïba vont organiser, aujourd'hui, une marche pour protester contre le licenciement de M. Khezzame Ahcène. Ce sont les élèves eux-mêmes qui ont placardé, hier, les appels à la marche sur les murs de la ville. Quant au CLA de Redouane Osmane, lui-même suspendu, il a invité les enseignants de la capitale à un débrayage aujourd'hui et demain. Autrement dit, tous les lycées du pays seront paralysés ce matin. Le verdict du terrain n'est-il pas suffisant aux yeux de Boubekeur Benbouzid pour s'imposer plus de pragmatisme et se départir de son attitude actuelle, se résumant à faire la sourde oreille aux revendications largement partagées par la famille de l'éducation arguant de l'“illégalité” des syndicats qui les portent ? Cette fuite en avant n'est-elle pas le moyen tout indiqué pour mettre le feu aux poudres ? Arab Chih Benbouzid, ce père Fouettard Faut-il brûler les lycées ? Cette question, aussi saugrenue qu'elle puisse paraître, n'en mérite pas moins d'être, malheureusement, posée dans un pays où le ministre de l'Education se transforme en père Fouettard à l'égard des enseignants. Benbouzid, en l'occurrence, persiste dans l'erreur et recommence ses échecs personnels à travers sa gestion calamiteuse de la grogne sociale dans son secteur. Comme au mois de mai dernier, l'éternel ministre abat sa main lourde sur des enseignants qui n'ont strictement aucune autre voie de recours à part la rue pour faire entendre leur cri de détresse. Après la répression, l'embarquement des grévistes et autres mesures d'intimidation, le ministre met la main dans les poches des misérables éducateurs pour en extorquer une “dîme” en guise de sanction contre le recours à la grève. Benbouzid semble s'être bien inspiré de son secrétaire général du RND et néanmoins Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, qui a inventé cette histoire de ponction sur salaires en 1996. Les enseignants grévistes du CLA devraient donc payer cash les journées de leurs manifs. Le ministre a ressorti, une fois de plus, le vieux “adage”, la vieille recette qui consiste à dire que le débrayage est illégal dès lors que les syndicats ne sont pas agréés. Il s'entête à pérorer sur un légalisme de mauvais aloi, alors que la situation commande un esprit de responsabilité et le sens du devoir. Mais au lieu d'écouter la rue qui gronde plus que jamais, le néo-ministre de l'Education bouche ses oreilles et s'en va en guerre contre une corporation qui n'a, de toute façon, rien, absolument rien à perdre dans la mesure où elle n'a rien. Parent pauvre de la Fonction publique, le secteur de l'éducation est aussi malade de ses responsables successifs, avec une mention bien spéciale à M. Benbouzid qui a eu déjà à gérer le département avec les résultats que l'on sait. Qu'a-t-il donc fait pour que ces enseignants-pères de familles bouclent convenablement leurs fins de mois ? La protesta dans ce secteur est cyclique, endémique. Et Benbouzid ne fait que reconduire le système bien connu qui consiste à entretenir un semblant de dialogue social avec la docile FNTE, si prompte à jouer le pompier quand l'envie prend le ministre d'allumer le feu de la contestation. Le jumelage aujourd'hui de la grève de la Cnapest et de celle du CLA témoigne d'une détermination des enseignants à aller le plus loin possible, quitte à y laisser leurs fiches de paie. Pendant ce temps, le ministre s'accroche à la sacro-sainte loi, pour légitimer l'arbitraire, au moment où la rue a largement tranché la représentativité des grévistes. Cette démarche privilégiant la trique et le bâton qui mène tout droit vers le cul-de-sac a un nom : la pyromanie. HASSAN MOALI Débrayage des PES à Annaba Détermination des Uns, Ras-le-bol des autres Les retenues sur salaires décidées par le ministre à l'encontre des grévistes ont remobilisé les enseignants. La grève des professeurs de lycée a été, cette fois encore, amplement suivie, hier, dans la wilaya de Annaba. 29 établissements d'enseignement secondaire ont été paralysés par ce mouvement qui a trop duré, selon les uns, et qui ne fait que commencer, selon d'autres. Le taux de suivi varie de 75% (la direction de l'éducation) et 85% (la Cnapest). Dans un communiqué daté du 9 octobre, le Cnapest regrette qu'une ponction de six jours ait été opérée sur le salaire du mois en cours, retenue promise par la tutelle et dont l'effet ne s'est pas fait attendre. Loin d'ébranler les profs, cette mesure semble les conforter un peu plus dans leur action et d'autres revendications ont vu le jour dans la wilaya d'Annaba. Le même communiqué précise que “puisque l'administration semble rapide à traiter les retenues sur salaire, il serait donc temps que, selon la loi, elle s'acquitte, avec la même rapidité, du règlement des indemnités des corrections du bac, du règlement mensuel des heures supplémentaires et de la prime de rendement”. Toutes ces revendications surviennent après ce retrait des journées de grève sur les salaires. Les enseignants se disent outrés que cela ait pu se faire et de surcroît à la veille du ramadhan. La situation se détériore de jour en jour et des dissensions semblent déjà diviser les enseignants. Certains professeurs, même s'ils sont minoritaires, ont décidé de donner leurs cours. Pour eux, “la grève est un droit, certes, mais ils ne veulent pas suivre aveuglément sans comprendre”. En milieu de matinée, devant le lycée Saint-Augustin, les élèves étaient rassemblés, nullement pressés de rentrer et ravis de l'aubaine de se retrouver tous ensemble. Z'haïra, une jeune fille de 17 ans, affirme : “Ce problème me dépasse, je n'arrive pas à comprendre comment on peut décider d'arrêter les cours et ne pas se soucier des élèves. Nos professeurs nous ont laissé tomber.” Pour Arselane, “les profs ont sans doute leurs raisons, mais cela va faire six mois que nous sommes en vacances. Quand ils finiront leur grève, ils vont nous tomber dessus avec les cours à rattraper, les heures supplémentaires et les devoirs à la maison, et là, je ne suis pas d'accord. Là, ça sera nous qui ferons grève”. L'épreuve de force enseignants-ministère ne semble apparemment pas prendre en considération les autres acteurs du système éducatif, en l'occurrence les parents et les élèves. La Cnapest, à travers ses représentants, se dit plus que jamais prête au dialogue. Il est à noter que la grève a touché bon nombre de wilayas de l'est du pays. Tébessa, qui, jusque-là, n'avait manifesté aucun intérêt pour le mouvement, s'est rattrapée, avec le débrayage de sept lycées sur huit. Selon la Cnapest, des enseignants ont été poursuivis en justice par la direction de l'éducation à Sétif, à Batna et à Jijel. Ces mesures d'intimidation n'ont fait que conforter les grévistes dans leurs actions. Fatima Haddab …Et ailleurs en Algérie Souk-Ahras La Cnapest joue et gagne “Nos collègues ont été matraqués à Alger, d'autres ont été embarqués pour être retenus pendant des heures dans les commissariats et, en plus, on nous a défalqué de nos salaires les 6 jours de grève des mois de septembre et d'octobre. Le ministre ne veut pas dialoguer avec nos représentants, il préfère s'adresser à la FNTE qui n'a rien avoir avec le mouvement. Comment voulez-vous qu'aujourd'hui, on ne réponde pas présents à l'appel de la Cnapest. Nous irons jusqu'au bout !”, nous lance un vieil enseignant, visiblement outré par le comportement de la tutelle. Ce sont les mêmes propos qui nous ont été tenus dans presque tous les établissements du secondaire en grève implantés au chef-lieu de la wilaya de Souk-Ahras. En effet, ceux-ci ont suivi le mot d'ordre de grève lancé par le nouveau syndicat qui, il faut le préciser, a le vent en poupe et a réussi là où les autres organisations ont failli. À part le lycée de Merahna (25 km au sud de la ville de Souk Ahras) et le technicum Abou-Mouhadjer-Dinar, où le taux de suivi a atteint les 39%, tous les autres établissements, au nombre de 15, ont été paralysés dès 8 heures du matin. Des milliers d'élèves sont rentrés chez eux ou ont traîné dans les rues, regrettant que leurs professeurs n'aient pas assuré les cours. La veille, une lettre avait circulé dans laquelle le ou les auteurs ont essayé de briser l'élan des enseignants, en leur faisant comprendre que les meneurs ne sont pas dignes de confiance et qu'il ne faut pas les suivre. Celle-ci n'avait pas eu l'effet escompté. “Avec ou sans ce salaire, nous vivons dans la misère ! Je préfère faire grève, c'est pour moi un moyen de refuser et de m'insurger contre cette misère”, nous confie un professeur de français. Et d'ajouter : “C'est une question de dignité et nous irons jusqu'au bout, quitte à aller vers une année blanche !” Les élèves, étant pris, comme dans un étau, entre un ministère qui ne veut rien entendre et qui sévit et des enseignants auxquels il ne reste que ce moyen pour exprimer leur détresse, attendent toujours une solution définitive à ce problème. Selon nos informations, le primaire et le moyen comptent eux aussi rejoindre le mouvement au cas où le département de Benbouzid persiste dans sa position. L'école algérienne va mal, très mal, il faudrait qu'elle revoit sa “copie”. M. RAHMANI BATNA Les Lycéens revendiquent l'Introduction de Tamazight dans le cursus À l'instar des autres lycées de plusieurs wilayas du pays, ceux de Batna ont suivi largement le mouvement de grève de quatre jours auquel la Cnapest a appelé. Dans la commune de T'kout, les élèves, qui ont fait montre d'une solidarité sans faille avec le corps enseignant, ont adhéré à la contestation pour d'autres raisons, d'ordre purement pédagogique. Ceux du lycée Mustapha-Boucetta, accompagnés de leurs parents, ont battu le pavé dans la journée d'hier devant leur établissement en brandissant une liste revendicative de 13 points. Les principaux étant le départ du directeur, la réintégration des élèves de la terminale, exclus après leur échec au baccalauréat, ou encore l'introduction de tamazight dans le cursus scolaire. Vers 9h30, ils entameront une marche sur une distance de 1,5 km, jusqu'au siège de l'APC pour prendre langue avec les autorités et le chef de l'établissement concerné. Le dialogue entrepris entre les différentes parties aboutira à une impasse. D'où la décision des lycéens de maintenir la protesta jusqu'à la satisfaction de leurs doléances. L'amélioration des conditions d'accueil dans ce lycée, fréquenté par les potaches de plusieurs localités et hameaux avoisinants, dont Chenaoua, Taghit et Ghessira, demeure le cheval de bataille de toute la population de T'kout et de son mouvement citoyen. NAIMA DJEKHAR Bouira Grève suivie Le mot d'ordre lancé par la Cnapest pour une grève de trois jours a été largement suivi par les lycées de la wilaya de Bouira. Hier matin, les élèves ont été contraints de rejoindre leur domicile. Les enseignants ont tous observé l'arrêt des cours et adhéré à la plate-forme de revendications de la Cnapest. Les établissements scolaires du secondaire ont été tous paralysés par la grève qui a atteint un taux, selon les organisateurs, de 100%. Pour ce qui est des intimidations, aucun cas n'a été signalé. Les grévistes n'ont pas été inquiétés ni par l'administration ni par d'autres corps. Contrairement à la fois précédente, le moyen et le primaire n'ont pas suivi. La sourde oreille des autorités et la détermination des enseignants à poursuivre la grève ont soulevé l'inquiétude des parents. Ils souhaitent une issue urgente au conflit. Pour eux, si la situation perdure, le spectre de l'année blanche est à craindre. Il ne faut pas prendre nos enfants en otages pour satisfaire des revendications socioprofessionnelles, dira un parent d'élève. Il faut trouver un moyen de lutte sans utiliser les élèves qui doivent être loin des luttes syndicales. Pour les enseignants, tous les moyens sont bons pour faire pression sur le pouvoir qui n'écoute pas ses citoyens. A. DEBBACHE Constantine Les menaces de Benbouzid appliquées Face à l'entêtement des autorités concernées, les enseignants du cycle secondaire, affiliés à la Cnapest, au niveau de Constantine, ont observé le début de leur grève qui allait s'étendre sur quatre jours. Suite à leur préavis de grève, lancé durant la Journée de l'enseignant coïncidant avec le 5 octobre dernier, les PES de Constantine ont répondu massivement au mouvement de protestation. Hier, première journée, coup de théâtre ! Un quart d'heure (8h15) après le début du débrayage, ces derniers reçoivent des menaces nominatives sous forme de première mise en demeure. Ces notes stipulent que les enseignants seront considérés en abondant de poste s'ils ne rejoignent pas leurs fonctions. Un prof du lycée Réda-Houhou nous confia : “Nous nous attendions à une telle réaction de la direction de l'éducation, mais nous ne serons pas intimidés par ce genre de menaces.” Une collègue à lui, exerçant au lycée Houria, enchaîne : “Leurs avertissements et leurs menaces ne nous font pas peur, nous demandons un droit, et les premiers responsables doivent entendre nos revendications. S'ils veulent déclarer une année blanche dès le début de cette grève, qu'ils le fassent !” Les élèves, quant à eux, se trouvent confrontés au spectre de l'année blanche et sont contraints à choisir entre des revendications légitimes des enseignants et leur devenir pédagogique. Soumeya M. Oran Sur la lancée du 5 octobre Hier matin, les lycéens de la wilaya d'Oran, qui ont rejoint leurs établissements respectifs, ont dû faire demi-tour une heure après l'ouverture des portes et ce, dans la bonne humeur. L'année blanche ne les angoissent pas particulièrement pour l'heure, comme nous avons pu le constater chez certains d'entre eux. La Cnapest d'Oan ne cache pas, par ailleurs, sa satisfaction de voir la mobilisation des enseignants toujours aussi importante, d'autant plus que les menaces de mise en demeure ont beaucoup plus eu pour effet de durcir leur position. Du côté de la direction de l'éducation, c'est le statu quo, c'est-à-dire impossible d'obtenir la moindre information. Par ailleurs, des enseignants nous ont rapporté qu'un de leur collègue avait été approché par des policiers, puis retenu quelque temps avant d'être libéré. F. B. Sétif Débrayage sur Fond d'Inquiétude À l'instar de leurs collègues professeurs de l'enseignement secondaire à travers le territoire national, les PES de Sétif ont répondu au mot d'ordre de la Cnapest. L'appel à une grève de quatre jours a été largement suivi. Les 2 400 professeurs ont affiché une volonté d'aller jusqu'au bout pour faire aboutir leurs revendications. “Nous n'avons rien à perdre”, nous a déclaré un PES du lycée Kerouani. “Les menaces de la tutelle ne nous font pas peur, car c'est notre dignité qui est en jeu”, ajoute un autre professeur qui compte 30 ans d'expérience. Il est attendu aussi que les PES de Sétif participent à la fin de ce débrayage au sit-in qui sera observé devant la direction de l'éducation de Bordj Bou-Arréridj pour réintégrer un membre de la Cnapest. De leur côté, les parents d'élèves, eux, ont eu recours aux cours de soutien à des prix faramineux et dans des conditions qui laissent à désirer. Rappelons encore une fois que les professeurs de Sétif étaient les premiers, l'année dernière, à déclencher une grève qui détient le record de longévité : 44 jours. Faouzi Senoussaoui Skikda 1 650 professeurs à l'Arrêt À l'appel de leur syndicat national, la Cnapest, les enseignants des lycées ont suivi le mouvement de grève de 4 jours à compter d'hier. C'est ainsi que sur les 37 lycées et technicums que compte la wilaya, aucun établissement n'a fonctionné, ce qui équivaut à une grève suivie à 100%. Les grévistes réclament l'augmentation de leur salaire et la réduction de l'âge de la retraite. À Skikda, on dénombre au total 1 650 professeurs de l'enseignement secondaire pour 26 500 élèves forcés à l'arrêt des cours. Z. Réda Béjaïa Sit-in du personnel de l'intendance À l'initiative de leur syndicat (UGTA), le personnel de l'intendance du secteur de l'éducation de la wilaya de Béjaïa a observé, hier, devant le siège de l'académie, un rassemblement. Cette manifestation du personnel est motivée, selon M. Athmane Saïd, secrétaire général de wilaya de l'UGTA, par le fait que “cette corporation ne perçoit plus certaines primes d'indemnité.” Il s'agit, nous explique-t-il, de la prime d'indemnité d'expérience professionnelle et pédagogique et de celle de la documentation. Ce sont les deux revendications mises en avant par le syndicat, dont le mouvement de protestation d'hier a été d'envergure nationale. Selon notre interlocuteur, ces deux primes sont actuellement perçues par l'ensemble du personnel de l'éducation assimilé à celui du pédagogique. Le syndicat du personnel de l'intendance conteste cette décision qui les exclut. “Nous sommes dépendants aussi bien du ministère des Finances que de celui de l'Education”, souligne une des syndicalistes. “Nous devons recevoir, poursuit-elle, ces deux primes.” L. Oubira Sidi Bel-Abbès Sit-in des économes des CEM Les économes des établissements scolaires ont observé, hier, un sit-in devant le siège de la direction de l'éducation. Les contestataires ont revendiqué outre l'augmentation des salaires, la prime de responsabilité et plus de considération à leur égard. Désemparés, les économes ont manifesté leur colère quant à la hogra pratiquée par leur tutelle. Ils menacent de recourir à une manifestation de rue au cas où le ministère resterait sourd à leur plate-forme de revendications. Notons, enfin, que celle-ci a été remise au directeur de l'éducation avant de se disperser dans le calme le plus absolu tout en donnant un utlimatum de vingt jours à la tutelle locale pour faire valoir leur droit qu'ils qualifient de légitime. B. Hakim