Polémique sur un film qui n'est pas encore sorti, déclarations politiques alambiquées et tentatives avérées de changer les faits de l'Histoire. Rien ne dévie désormais les nostalgiques de l'Algérie française de leur volonté de renier, voire d'occulter une histoire faite de drames, de spoliations et de torture. Et il est presque naturel que les vieux démons ressurgissent, 65 ans après la victoire des alliés contre le régime nazi. Naturel, dans la mesure où la France n'arrive toujours pas à assumer l'héritage de la France coloniale qui, contrairement aux autres alliés qui savouraient une victoire arrachée de haute lutte, s'était presque vengée de populations algériennes désarmées. Cela est le fait de l'histoire. Mais voilà qu'un film, dont le réalisateur, franco-algérien, décide de rétablir «la vérité historique» réveille les vieux démons et fait sortir, encore une fois, les milieux hostiles à la vérité historique de leurs tanières. Tout y passe : dénigrement, menaces et même usage des institutions officielles. Le tout dans le seul but de museler un produit artistique qui, en temps normal, ne doit sortir de son seul cadre de fiction. Car, comme toutes les œuvres cinématographiques, le film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb n'a pas la prétention d'être une œuvre d'histoire. Des œuvres telles La chute, qui traite des derniers mois du funeste Hitler, ou d'autres encore, ont suscité quelques polémiques. Mais il s'agit surtout d'aspects techniques et de personnages. Or, dans le cas de Bouchareb, nous sommes face à un acharnement en règle. C'est ce que confirme, hier, un rapport de l'Armée française, qui «accable» le film de Bouchareb. Il ne manque plus qu'à l'attaquer en justice pour «diffamation». D'autant que, comme le fait si souvent l'extrême droite, on tente de nier même les massacres de Sétif, Kherrata, Guelma et le reste des villes algériennes meurtries par une répression aveugle. On se concentre sur la mort de quelques colons, essentiellement des miliciens recrutés par l'armée dans le but de mâter des volontés de manifestations d'Algériens. Là aussi le discours est rôdé : «Nos morts sont plus valeureux que les vôtres». Du pur cynisme ! C'est ce que confirment d'ailleurs ces assertions de plusieurs milieux, notamment de droite et d'extrême droite, qui veulent faire croire à l'idée qu'il n'y avait pas eu de morts algériens. Ou en tout cas «pas beaucoup». Ironie de l'histoire, c'est un ambassadeur de France, Hubert Colin-de-Verdière qui, en déplacement à Sétif en mai 2005, avait qualifié le massacre de Sétif de «tragédie inexcusable».Malgré les innombrables ouvrages d'historiens français, les tenants du pouvoir en France, trop pressés par les milieux des anciens harkis et d'associations de pieds noirs, n'arrivent toujours pas à voir la vérité en face et reconnaître que la France coloniale n'avait pas accompli une œuvre de civilisation mais une mission de destruction et de «génocide identitaire» pour reprendre le président Abdelaziz Bouteflika. Le bout du tunnel n'est malheureusement pas pour demain. Car, depuis l'annulation de la fameuse loi sur «les bienfaits de la colonisation» du 23 février 2005, rien n'a vraiment changé. A peine si le président Nicolas Sarkozy admettait, le 2 décembre 2007 à Constantine, que le «système colonial était profondément injuste». Cela est vrai. Mais cela ne suffit pas. Car, reconnaître les «méfaits» de la colonisation est le début à toute normalisation des relations entre les deux pays. C'est cela le vrai poison. A. B.