Dans le cadre de la compétition du Festival national du théâtre professionnel d'Alger (FNTP), La lauréate du grand prix du Festival régional du théâtre professionnel de Sidi Bel Abbès, en mars dernier, l'association El Chourouk pour la culture et le théâtre de Mascara, a présenté mardi dernier, sur les planches du Théâtre national algérien (TNA), la pièce 20 minutes coproduite par le Théâtre régional de Mascara (TRM). Mise en scène par Mohamed Frimahdi, adaptée par Djassam Kendil, d'après l'unique roman d'Oscar Wilde le Portrait de Dorian Gray, la pièce aborde la thématique de la quête absurde de la jeunesse éternelle. Une quête diabolique qui ne peut se faire qu'au prix du sacrifice des valeurs humaines et de la perversion de l'âme. Le titre de la pièce est inspiré du laps de temps où Dorian Gray, un jeune dandy, à la beauté remarquable, est quotidiennement tourmenté par des crises de folie cynique, où il se remémore ses comportements ignobles. En effet, au nom de sa beauté éternelle, il a trahi l'amour, l'amitié et tous ses principes moraux. Tout avait commencé lorsque l'artiste peintre Basil Hallward, obsédé et éprouvant une fascination ambiguë pour Dorian, peint un portrait saisissant, fidèle à la beauté parfaite du dandy. Lord Henry, un sombre personnage, insuffle l'idée à Dorian d'émettre le souhait que sa beauté et sa jeunesse ne s'altèrent jamais et que ce soit le portrait qui vieillisse à sa place. Ebloui par son propre portait, le vaniteux fit secrètement le vœu que cela soit possible. Et cela fut possible. Puis Dorian a le malheur de tomber amoureux de la douce actrice Sibyl Vane. Alors qu'il doit l'épouser, il la répudie de façon odieuse après une représentation de théâtre ratée. La jeune fille alors se suicide en se pendant au bout d'une corde. Le réalisme de cette scène a glacé le public de terreur. Malgré cela, Dorian arrive à dépasser le désespoir de cette disparition, persuadé par lord Henry que c'est un fait anodin. Suite à cela, Dorian sombre dans les abysses du mal en devenant un être aux mœurs disloquées, fréquentant les milieux du vice et de débauche. Même l'amitié de Basil ne pourra pas sauver son âme. Bien au contraire, lorsque l'artiste peintre découvre le secret du tableau et veut le détruire, Dorian l'amène à se tirer une balle dans la tête. Au final, tourmenté par le peu de conscience qui lui reste, il comprend que le seul moyen de mettre fin à cette spirale démoniaque, c'est de mettre fin à ses jours. C'est ainsi que le portait du vieil homme aux traits cruels se métamorphose en jeune éphèbe aux traits angéliques que fut Dorian avant sa perversion. A la chute du rideau, le public a chaleureusement applaudi les comédiens pour leur talentueuse représentation. Le comédien hadj El Houari Chikhaoui a su incarner avec brio le personnage de Dorian, et les comédiens Youcef Sehiri, Fatma Belarbi, Mohamed Abdelhakim Mebani et Mokhtar El Hassan ont également été à la hauteur de leurs personnages. Il est à souligner la maîtrise de la mise en scène qui a su plonger l'assistance dans l'atmosphère angoissante et tragique ponctuée par le tic-tac de la fuite du temps. La scénographie signée Abdelhalim Rahmouni a recréé cet univers soutenu par la maîtrise des techniques de la lumière et de la composition musicale d'Aminos. Ainsi, durant plus d'une heure, le public a été séduit par cette plongée dans l'aventure tragique de Dorian. Une œuvre qui aborde la problématique du sens de l'hédonisme, de l'art, de l'esthétique, de la morale, du bien et du mal et pose la question ; «Qui triomphera de l'autre : les valeurs qui font la beauté de l'âme humaine ou les apparences qui font l'esthétique de la création ?» S. A.