Nommé pour appliquer la stratégie qu'il avait mise en œuvre avec succès en Irak, le nouveau commandant des forces alliées en Afghanistan, le général américain David Petraeus, qui est arrivé à Kaboul vendredi dernier, va avoir fort à faire avec l'insurrection des talibans. Pour preuve, le jour même de son arrivée, les talibans ont montré qu'ils pouvaient agir en dehors de leur bastion. Juste avant l'aube, ils avaient attaqué les bureaux d'une organisation américaine d'aide au développement à Kunduz. L'opération spectaculaire a donné lieu à sept heures d'affrontements. Mais en acceptant cette nomination, David Petraeus connaissait les défis à relever : conduire l'offensive dans le Sud et convaincre les Afghans de sa bonne volonté. Avant de mettre le pied sur le sol afghan, le général américain a commencé par rassurer les Européens que le changement d'hommes au sommet de l'état-major n'est pas un changement de stratégie. Plusieurs capitales européennes ont été froissées de ne pas avoir été consultées par Washington sur un remplacement au pied levé. Cette assurance posée, le général s'est alors adressé à un parterre de 1 700 personnalités réunies à l'ambassade des Etats-Unis à l'occasion de la fête nationale américaine du 4 Juillet appelant à «l'union des efforts» pour combattre l'insurrection. «Nous devons parvenir à unir nos efforts et à atteindre un but commun. Civils et militaires, Afghans et étrangers, nous faisons partie d'une même équipe avec une seule mission», a déclaré le général Petraeus lors de sa première apparition à Kaboul. «Dans cet important effort, la coopération n'est pas une option», a-t-il ajouté. «C'est une mission difficile [...] Mais en travaillant ensemble, nous pouvons faire des progrès et atteindre notre objectif commun», a dit le général. Ce dernier commence sa mission à un moment particulièrement difficile pour la coalition internationale : les pertes alliées ont doublé durant les six premiers mois de 2010, et le mois de juin s'est imposé comme le plus meurtrier, avec 102 morts dans les rangs des forces internationales. Mais Petraeus a été choisi justement pour faire face à cette situation. L'homme est un praticien de la guerre anti-insurrectionnelle et a déjà des succès à son actif. De 2003 à 2004, il a commandé le secteur de Mossoul. Prenant langue avec tous les chefs tribaux des différentes communautés pour les associer à son travail de pacification, le général est parvenu à maintenir un minimum d'ordre dans les rues. Dans tous les postes militaires avancés de son secteur, une affiche interpellait soldats et officiers : «Qu'avez-vous fait aujourd'hui pour gagner les cœurs et les esprits de la population irakienne ?» Aujourd'hui, Petraeus préfère ne pas se prononcer sur le temps qu'il lui faudra passer en Afghanistan. Le nouveau chef allié se contente d'énoncer la condition du succès: ce sera lorsque l'armée afghane aura les moyens d'assurer seule la sécurité du pays. Ce général quatre étoiles qui remplace à la tête de la coalition en Afghanistan le général Stanley McChrystal, limogé par le président Barack Obama après la publication dans la presse de propos critiques à l'égard de plusieurs responsables américains, devra opérer, selon des analystes, des ajustements rapides pour inverser la situation actuelle qui semble tourner à l'avantage des talibans. Selon le politologue Haroun Mir, la réputation du général McChrystal a souffert de l'échec de l'offensive lancée en février dans le secteur de Marjah, dans la province méridionale du Helmand. Les relations du général Petraeus avec le président Hamid Karzaï seront aussi déterminantes, estiment analystes et diplomates. «Etre capable de travailler avec le partenaire afghan est une question cruciale dans ce conflit», a souligné l'universitaire Wadir Safi. H.Y.