Il a suffi de trente minutes de tête-à-tête avec le général quatre étoiles Stanley McChrystal pour que le président Barack Obama le limoge mercredi, en marge de la réunion mensuelle sur l'Afghanistan et le Pakistan. La décision de renvoyer le commandant des forces alliées et de l'Otan en Afghanistan et de ses assistants a été prise après que des extraits d'un article du magazine Rolling Stone, publié hier, ont été rendus publics lundi. L'intéressé et ses collaborateurs se sont laissé aller à des révélations explosives, montrant le peu d'estime qu'ils ont pour le président Obama et son Administration, avec des propos particulièrement désobligeants pour le vice-président des Etats-Unis, Joe Biden. Promu il y a à peine un an à son nouveau grade, architecte de la contre-insurrection qui peut se vanter de la capture de Saddam Hussein en Irak, le général McChrystal a toujours eu des relations difficiles avec Obama et son équipe. À peine installé dans ses fonctions en Afghanistan, il avait réclamé un renfort de 40 000 hommes et avait engagé un bras de fer avec le vice-président des Etats-Unis qui ne partageait pas sa stratégie. La nomination du général David Petraeus met en évidence la volonté du président américain de ne pas remettre profondément en cause la stratégie mise en place en Afghanistan. Chef du commandement central pour le Proche et le Moyen-Orient, le général Petraeus a largement contribué à l'orientation des opérations en Afghanistan. De plus, il a l'avantage d'être un fin diplomate et de connaître parfaitement le président afghan Hamid Karzaï. “Il s'agit d'un changement d'homme et non d'un changement de stratégie”, a précisé le locataire de la Maison-Blanche dont les propos ont été confirmés par Anders Fogh Rasmussen, secrétaire général de l'Otan, qui a affirmé à son tour que “la stratégie pour l'Afghanistan restait inchangée”. En fait il s'agirait d'un changement dans la continuité puisque le président Obama se sépare du général McChrystal mais garde sa tactique de guerre. La stratégie de Stanley McChrystal consistait à frapper les talibans là où ils sont les plus forts, c'est-à-dire à Kandahar et dans le sud du pays Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, abonde dans le même sens en confirmant que le choix de Petraeus, qui sera auditionné mardi au Sénat, “comprend cette stratégie puisqu'il a contribué à la formuler” et qu'il constitue “la meilleure solution possible à une situation épouvantable”. Le secrétaire à la défense a, par la même occasion, rejeté la notion de “bourbier” très souvent appliquée à l'Afghanistan ces dernières années. “Je ne crois pas que nous soyons embourbés. Je crois au contraire que nous enregistrons des progrès. Mais c'est plus lent et plus dur que nous l'avions anticipé”, a-t-il déclaré. De même, le patron du Pentagone a réfuté les rumeurs insistantes selon lesquelles le désarroi aurait gagné les troupes américaines installées en Afghanistan. Il n'en demeure pas moins que la situation est loin d'être de tout repos pour les forces alliées. L'année dernière 521 soldats y ont laissé la vie et cette année, en moins de six mois, 300 autres y ont péri. Sans compter les trop nombreuses victimes civiles. Bien sûr, les pertes talibanes sont encore plus importantes, mais l'organisation insurrectionnelle ne cesse de monter en puissance. Loin de faiblir, elle réussit de plus en plus ses attentats et autres opérations sanglantes.