Photo : Riad Par Ghada Hamrouche Le Ramadhan 2010 est-il différent des Ramadhans passés? Logiquement, il n'y a aucune raison pour que ce mois de jeûne crée davantage d'appréhensions que celles qu'il suscite habituellement chez le commun des Algériens. Et pourtant !Celui qui déambule dans les rues des villes algériennes y remarque une frénésie peu habituelle. Une agitation qui se fait sentir un peu plus dans les marchés et les grandes surfaces de distribution. Un seul mot est dans toutes les conversations et de toutes les polémiques : Ramadhan. Tout le monde se prépare pour l'arrivée de ce visiteur d'un an. Un visiteur décidément pas comme les autres. Gouvernants comme gouvernés s'y préparent comme si l'on allait mener une guerre. La guerre de la consommation. Si les pouvoirs publics tentent, sans succès chaque année, de freiner la frénésie des prix, les citoyens, quant à eux, s'y prennent autrement. C'est la course contre la montre pour stocker ce qui peut l'être avant que la folie ne gagne les étals et ne brise le vœu pieux des pouvoirs publics de la prévenir. «Qu'on le veuille ou non, ce mois chamboule toute notre manière de vivre. Il instaure une nouvelle manière d'approcher le quotidien», s'accordent à dire tous les Algériens sans exception. Cette année, plus que celle écoulée, le mois de Ramadhan s'installe de plain-pied au beau milieu de la saison estivale. Les aoûtiens, déstabilisés par cette intrusion, pour le moins prévisible, dans un mois qui signifiait habituellement la villégiature, se trouvent confrontés à continuer à reporter leurs vacances à une date ultérieure. D'autres, préfèrent quand même rester chez eux ce mois-ci pour éviter les désagréments du jeûne. Mais tous appréhendent les vagues de chaleur et la canicule qui risquent de rendre l'accomplissement de ce devoir religieux beaucoup plus difficile que de coutume. Est-il indispensable de laisser les gens discourir sur ce mois ? Un tour dans les rues de la capitale suffit pour constater que tous ont une seule destination : les marchés. Les retardataires qui n'ont pas encore fait leurs emplettes sont confrontés à des étals vides bien avant midi. «C'est avec la même stupeur que nous assistons chaque année au même scénario, du déjà-vu qui caractérise les comportements de tous les acheteurs.» Comme un rituel, ceux-ci font provision de fruits secs, pois chiches, viandes et de tout ce qui peut être acquis avant le début du mois sacré pour la simple raison qu'ils savent pertinemment que les prix vont connaître une flambée toujours vertigineuse avant même le début de la première semaine de jeûne. «Rien ne peut modifier ce comportement», reconnaissent-ils non sans préciser que la confiance n'est pas de mise entre consommateurs et commerçants. «Les gens achètent plus que de raison pour stocker et éviter la flambée des prix que tout le monde redoute tout en sachant que déjà les prix ne font que poursuivre leur escalade vertigineuse». Souci partagé. Même si tout le monde n'est pas un consommateur qui perd tout sens de la mesure à l'approche du Ramadhan, il n'empêche que presque tous cèdent à la fièvre acheteuse. Le Ramadhan, c'est malheureusement, aussi, le mois qui met à rude épreuve la population dont le pouvoir d'achat est déjà éprouvé par le rythme infernal de l'inflation. Les chaînes de solidarité, où qu'elles soient à travers le territoire, deviennent les lueurs d'espoir sur lesquelles les regards des démunis sont braqués. Plus que lors de n'importe quel autre mois, les Algériens, avec ces factures exagérées, se trouvent dans une situation de plus en plus précaire et supportent péniblement les rigueurs de la vie. Ils gardent toutefois cette lueur d'espoir : le réveil des consciences. Ils souhaitent aussi que les pouvoirs publics accomplissent leurs devoirs en leur âme et conscience.En parallèle, les Algériens ne manquent pas de mots pour décrire leur propre comportement au cours de ce mois sacré. Il y a d'un côté ceux qui dorment tôt, reconnaissables à leur fraîcheur physique et leur présence d'esprit, affirme-t-on, et de l'autre les noctambules qui, en bâillant, ont dès le matin des yeux tout rouges par manque de sommeil, de caféine ou de nicotine. Il est de notoriété que, durant le mois de carême, la productivité diminue, les dépenses s'accroissent et les femmes redécouvrent l'art culinaire. Les nerfs sont à fleur de peau et le carême a toujours bon dos. Durant ce mois également, si on n'est pas acheteur, on est forcément vendeur. Ainsi, la journée de Ramadhan commence au ralenti le matin et amorce un début d'animation le soir. Immédiatement après la rupture du jeûne, c'est la déferlante vers les grandes artères des villes et les cafés maures des villages. La table du f'tour baigne toujours dans la pure tradition algérienne. Elle continue, heureusement, à réunir tous les membres de la famille que les tables des jours ordinaires sont incapables de rassembler. Après le ftour, les mosquées se remplissent de fidèles, les cafés regorgent d'amateurs de cartes et de dominos et les espaces s'avèrent trop exigus pour contenir tout ce beau monde.