Photo : Riad De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Ce n'est pas le fait que le mois de Ramadhan intervient, cette année, en plein été ou que leurs vacances soient écourtées qui chagrine les Algériens mais bel et bien une mercuriale déjà inaccessible aux petites bourses. «Le mois sacré peut intervenir à n'importe quelle époque de l'année, cela ne pose aucune problème. En revanche, je ne comprends pas que les prix des produits alimentaires enregistrent des bonds terrifiants à chaque veille de Ramadhan. A mon avis, seules les pratiques spéculatives, plus ou moins autorisées par un Etat passif, sont à l'origine de ce phénomène», explique Abdelkader, enseignant dans le secondaire en affirmant qu'il ne sert à rien de prévoir si le marché des produits alimentaires est aussi saignant et que le concept de solidarité nationale soit creux. «J'ai dû travailler à mi-temps cet été pour mettre de côté de quoi assurer convenablement un bon Ramadhan. Mais vu les prix déjà affichés, je sens que cela va être très difficile.» Ce sentiment est partagé par la majorité des Oranais que nous avons interrogés et qui affirment qu'il n'y aura pas une très grande différence avec les années précédentes même si nous devons jeûner en plein mois d'août. «Au contraire, se satisfait le même Abdelkader, je serai toujours en congé et je jeûnerai tranquillement, loin du stress des classes. C'est la seule satisfaction cette année.» De fait, beaucoup de travailleurs, qui reconnaissent volontiers leur réticence à se rendre au bureau le ventre vide, se sont arrangés pour prendre leur congé annuel pendant le mois sacré. «Hypocrisie mise à part, nous savons tous que le rendement est quasiment nul pendant le Ramadhan, explique Belkacem, 50 ans, employé dans une mairie. Autant être en vacances et profiter des soirées avec la famille et les copains.» L'homme ne se voit pas subir les soucis du bureau en plus «du stress des dépenses. Avec celles de la rentrée de mes trois enfants [une fille à l'université et deux au collège, ndlr] et celles du Ramadhan et de l'Aïd, la note va être très salée», ajoute-t-il avec le sourire de celui qui sait que ce n'est pas avec sa paie d'employé communal qu'il pourra assumer toutes ces charges. «Heureusement que j'ai mes petites affaires à gauche, à droite. Autrement, ce serait la catastrophe…» Une catastrophe que ceux qui ne peuvent compter que sur un salaire appréhendent à mesure que le Ramadhan approche. «Les autorités assurent que des mesures ont été prises pour que les produits alimentaires soient disponibles à des prix abordables, mais je ne peux m'empêcher de penser aux Ramadhans précédents lorsque nous avons été réduits à consommer des pâtes au f'tour», soupirent de nombreux témoins. Et à voir les prix affichés à la veille du Ramadhan, leur crainte paraît plus que justifiée… Quant au volet culturel, les autorités locales, à l'évidence encore «sous l'effet» du Panaf et du Festival international du film arabe, ne semblent pas avoir prévu un programme pour les soirées. Hormis le Festival de la chanson oranaise dont on dit (sans toutefois confirmation de la rumeur) qu'il aura lieu pendant ce Ramadhan, aucune soirée artistique n'est envisagée. «Au besoin, on aura, sans doute, recours aux incontournables soirées du hawzi ou du raï, prévoient des sources averties. Il ne faut pas espérer voir ou écouter quelque chose de nouveau, c'est le Ramadhan mais surtout ce sont les vacances.» A moins que, piquée au vif par les reproches des uns et des autres sur sa léthargie, la direction de la culture avec les associations qui lui sont proches ait décidé de concocter un vrai programme artistique pour clôturer une saison estivale qui aura été inhabituellement riche.