Le discours de M. Bouteflika devant les élus locaux, diversement analysé, s'est inscrit de toutes les manières comme une halte critique, très critique même, susceptible de générer un changement de cap, donc forcément un changement d'hommes. C'est du moins ce que souhaitent de nombreux commentateurs, des secteurs importants de l'économie nationale et parmi les acteurs politiques. Des changements de stratégie, au niveau des mécanismes, dont certains sont périmés, de la gouvernance, des systèmes bancaire, éducatif, culturel et sportif peuvent constituer un électrochoc en renforçant les liants entre gouvernés et gouvernants. Les différentes politiques industrielles actées depuis une décennie ont été un échec, autant que les velléités avortées ou perverties relatives à des privatisations tantôt annoncées, tantôt reportées, sinon annulées brusquement en créant une atmosphère d'incohérence, d'improvisation susceptible d'invalider les meilleures intentions du monde. Mais quelques semaines après le réquisitoire du président de la République, des pratiques inacceptables et surtout contre-productives sont toujours à l'œuvre. Des réflexes de dominés sont réactivés et des secteurs porteurs chez nos proches voisins sont à la peine malgré des atouts et des potentialités évidents. A l'évidence, des pesanteurs socioculturelles, des réseaux rentiers, dopés à l'informel, à l'esquive de l'impôt, au mépris de l'environnement, des normes, du respect des libertés individuelles, sont mis en branle pour ramener les sévères lectures de M. Bouteflika à un simple discours électoraliste. «Non-assistance à personne en danger !» Comment appréhender autrement l'indifférence incroyable devant la grève de la faim des enseignants contractuels ? L'attitude du gouvernement dans cette affaire a déjà causé des dommages collatéraux à côté des risques qui pèsent sur la santé d'éducateurs sur lesquels planent d'éventuelles séquelles. La posture des pouvoirs publics introduit, à l'occasion d'un simple conflit social qui exige, comme tout conflit, dialogue et franche négociation, une internationalisation comme si elle était recherchée, alors que le pays peut s'en passer. Qui pousse les grévistes et leurs soutiens au désespoir ? Des cabinets étrangers sont sollicités pour penser et rédiger une ordonnance pour soigner tous les maux nés d'une série de «reconstructurations» de l'économie et de l'industrie algériennes. Pourquoi ne pas aller au bout de cette dépendance et désigner des ministres dont les noms résonneraient européens, américains, chinois ou japonais ? Ainsi, il s'avère que, dans les entreprises et les universités, au pouvoir et dans l'opposition, en Algérie et à l'étranger, l'Algérie n'a pas d'experts, de chercheurs et de managers susceptibles de s'enfermer durant trois jours et trois nuits pour proposer des consensus et donner de la chair aux propos de M. Bouteflika en activant des politiques alternatives à celles choisies depuis dix ans et qui ont échoué. Là aussi, il y a des forces qui esquivent de bonnes solutions consensuelles pour refaire l'échec. A chaque été, les vacances, leur coût, le tourisme national et international reviennent dans la presse et les médias comme des incantations magiques. A la rentrée, on parlera d'autre chose comme si le tourisme n'était pas envisageable durant quatre saisons. On aura beau aligner des chiffres, le nombre de lits, les kilomètres de routes construites, la propreté des ports et aéroports, le véritable acteur déterminant n'est toujours pas cité à comparaître. Il s'agit de la mentalité, celle qui appréhende, reçoit et traite le touriste pour ce qu'il est : un investisseur de passage qui peut revenir pour une durée limitée. Cette mentalité peut se résumer à de simples choses comme prendre une boisson alcoolisée n'importe où sur le territoire national, au port, à l'aéroport pour un national ou un étranger, et n'importe quand. Le chemin est trop long et aucun ministère ne peut le faire tout seul. Et pourtant, cette économie prospère chez nos voisins. A la veille de la rentrée, il manque le passage à l'acte. A. B.