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Les conséquences de cette foi qui s'ébranle !
Des signes récurrents nous le font craindre
Publié dans La Tribune le 23 - 09 - 2010

La presse n'avait pas fini de parler de la chose qu'elle arriva au cœur d'Alger. Rue Abane Ramdane, vers les heures médianes de la journée, tout juste en face du palais de justice – quel symbole ! – un homme défaille. Les passants et les jeunes du quartier entendent la question en une fraction de seconde. Vite, de l'eau et du sucre. En cette journée de jeûne, du mois de Ramadhan correspondant à août 2010, cet homme risquait le coma diabétique. Est-ce l'expression exacte ? Les gens l'entourent, le secourent, le font boire en urgence. Depuis le temps que nous gérons tous des parents ou des amis diabétiques, nous connaissons au moins par
ouï-dire les symptômes, le diagnostic et le remède. Ainsi fut fait ! En plein jour, devant Dieu et devant les hommes, des personnes charitables ont secouru un passant en difficulté en le faisant boire sucré en plein carême. Le palais de justice touche le Sénat et ces deux lieux emblématiques de la loi et de la République expliquent la forte présence policière. Or la force publique n'est pas intervenue pour empêcher que soit commise, en ces lieux plus parlants que d'autres, une éventuelle atteinte à l'Islam, voire à l'ordre public. Pourtant – et cela ne pouvait pas rater – un quidam, bien en barbe et en signes extérieurs de la piété militante, qui passait à ce moment, n'a pas manqué de vilipender le malade et de souligner l'outrage qu'il faisait à la religion ainsi de boire en public. Les jeunes gens du quartier ne se sont pas privés de le rabrouer mais en s'expliquant. Le quidam, superbe, leur rétorqua que dans ce cas le malade devait se protéger. Le mot arabe «yestar rouhou» est difficilement traduisible. Le sens dépend strictement du contexte. L'expression veut dire se protéger, se cacher. Mais ici, on ne le comprend que dans le sens de se dérober aux regards, non pas se cacher mais cacher de soi quelque chose. Nous le pratiquons dans ce sens depuis si longtemps. «Es star rouhek», cache ta honte, cache ta conduite honteuse. Ainsi la conduite du malade surpris par le malaise dans la rue est une honte et il existerait des circonstances religieuses ou sociales ou culturelles dans lesquelles la maladie engendre la honte de ses conséquences. Est-elle si loin la vieille idée médiévale que la maladie est une forme de punition mais qu'elle est aussi pour le malade une expiation ? Ce rapport à la maladie devrait en toute logique exclure le recours aux soins pour bénéficier du maximum de report de péchés. Et tout autour de nous, nous entendons cette explication que la souffrance allège le poids de nos transgressions et donc qu'elle devient, en toute logique expiatoire, souhaitable. Ne vous préoccupez pas de l'autre logique qui a mené nos ancêtres en Islam à produire une médecine et une pharmacopée de référence avec Ibn Sina que nous présentons comme une fierté de notre civilisation arabo-islamique. Bienvenue
sur ces terrains idéologiques et culturels qui ne craignent pas la contradiction. Retenons que pour le quidam, l'assistance à personne en danger et les soins urgents relèvent de la honte. Notez qu'il aurait pu s'enquérir des raisons qui poussaient tant de personnes à l'encourager dans l'outrage. Non, il ne le fait pas. Il englobe tout le monde dans la réprobation en faisant le reproche de boire à une personne qu'il ne connaît pas et dont il ne cherche pas à saisir les raisons d'une telle conduite. Il y a quelque chose qui cloche dans cette attitude. Spontanément, il considère les gens attroupés comme des handicapés mentaux, incapables de discerner le mal en train de se faire. Sinon, il leur aurait demandé ce qui se passait. Il ne le fait pas et donc la logique sous-jacente de sa conduite est qu'ils sont en incapacité de discernement. Alors, il admoneste tout le monde en stigmatisant le «déjeûneur». Nous avons pris l'habitude de ce genre de personnages depuis les années 1980. Ils nous attendaient dans les cimetières pour nous rappeler à la peur de Dieu et des tourments de la tombe. Puis, ils ont captivé les âmes des enfants dans les écoles et leur ont enjoint de dénoncer leur père et mère qui ne s'appliquaient pas strictement à leurs devoirs religieux. Il fallait pour les sauver de la géhenne les admonester à temps. Puis, ils leur ont enjoint d'égorger père et mère récalcitrants pour ne pas payer pour eux et sauver leur propre âme de la géhenne. Puis, ils ont égorgé les enfants pour leur éviter cette vie de péchés à la base et les envoyer directo des utérus au paradis. La vie entre les deux est peut-être une erreur et les prescriptions pour la vivre dans le droit chemin sont peut-être superflues ? Puis, ils finirent par tuer en masse et sans distinction les gens de tous âges.Le poète turc a raison de nous appeler à ne pas «être comme le poisson / qui vit
dans la mer/ sans connaître la mer/…» (Nazim Hikmet) mais il est si difficile de comprendre cette mer humaine qui nous baigne et qui est nous-mêmes. Etre familiers du phénomène ne veut pas dire le comprendre. Il existe une continuité compacte entre l'admonestation du malade et le couteau sur la gorge des bébés. Elle est compacte mais facilement mise à jour. Si le quidam s'est permis cette attitude devant tant de personnes, c'est qu'il sait à notre place ce qui est socialement convenable. C'est lui qui sait comment nous devons adorer Dieu, Le prier, Lui rendre grâce etc. Il est porteur de la vérité religieuse. Il est le modèle. Et s'il nous montre le droit chemin, c'est qu'il y est. Et il est dans la certitude d'y être. Et s'il sait quelle route mène au paradis c'est qu'il est autorisé entrer même s'il proteste que ses portes ne s'ouvre que par la grâce de Dieu car protester, c'est être sur le chemin et rajouter aux bonnes actions la bonne conduite. Dans toute cette conduite, seule la sanction obnubile le prêcheur, Dieu devient une suite de formalités. Admonester reste le premier pas, celui qui mène à la sanction. Au bout, le pécheur sera sauvé s'il revient dans le droit chemin ou puni, s'il persiste dans le mal. Non seulement notre quidam, prêcheur est le modèle à suivre, l'assuré d'être sur le bon chemin, il énonce et exécute la sanction. Pourquoi les milices religieuses et les groupes terroristes portaient les germes de sa défaite ? Parce qu'il était ce prêcheur. Il était un méga-prêcheur. Et il est allé partout pour remplir son rôle de rédempteur de la société. Il est allé dans les maisons, il a installé ses milices religieuses et fouetté les ivrognes de passage. Et comme seul programme politique, il a proposé l'observance des devoirs religieux qu'il a confondus avec un programme politique. Les chefs en avaient peut-être un. La base et les cadres moyens ne voulaient que s'assurer de la victoire absolue des préceptes religieux. Nous devions entrer, tous, dans les registres de la sainteté. Satan devait trouver la mort en Algérie. En chaque pécheur redressé, Satan perdait une âme et une bataille. Il a fallu tuer beaucoup de gens pour tuer Satan. Et comme on n'est jamais sûr de l'avoir bien tué dans le pécheur égorgé, on mutile le cadavre du pécheur. La mutilation reste la seule preuve de sa mort. Elle reste surtout la seule preuve que le pécheur est bien poursuivi après sa mort. Le pécheur ne peut pas s'en tirer aussi facilement. Alors, on s'acharne. Le raffinement dans la cruauté n'est jamais gratuit. Il ne concerne plus que les désirs –ou plutôt que le désir- de l'assassin. Car en tuant le pécheur, le prêcheur devient un assassin. Il lui faut absolument pour rester dans la logique de l'au-delà poursuivre le mort dans l'au-delà et entamer le travail d'Azraël. Il lui faut devenir lui-même un élément de l'au-delà. Nous sommes en plein délire. C'est pour cela qu'il est si difficile de parler avec un terroriste de la logique de ses actions. Et pourquoi, il est si difficile de l'imaginer. On reste avec des questions insolubles dans la tête : «Pourquoi, ont-ils tué des bébés et pourquoi de pauvres villageois et pourquoi de pauvres gens», etc.
La logique du rédempteur est une logique de mort. Quel qu'il soit. Car il faut être bien fragile pour manifester tant de peur pour notre religion devant une transgression. Racontons une histoire pour l'expliquer. La guerre d'Algérie battait son plein quand ma génération
entrait à l'école. Pour la majorité écrasante, c'était l'école indigène. Le Ramadhan était dur, très dur. Aucun aménagement horaire n'allégeait l'épreuve et vers les années cinquante, cela se passait en été, je crois. Et tous les jours que Dieu faisait, les paras, les appelés ou les territoriaux nous en faisaient baver. Nous étions souvent obligés d'amener le repas de la rupture sur le lieu de travail pour les ouvriers postés comme les receveurs ou chauffeurs des transports algérois. Dans cette lutte féroce, vous le savez qu'elle a été féroce, ces soirées de Ramadhan, on nous parlait de religion et on nous parlait de Meriem-Marie. Avec quel ravissement religieux, nous racontait-on le miracle de La Vierge mais aussi avec quel sérieux nous racontait-on le droit des gens du livre sur les gens du Livre. Quelques enfants algérois ont peut-être eu aussi l'insigne privilège d'être conduits par une grand-mère dans la cathédrale de Notre- Dame d'Afrique pour voir le Christ et pour voir sa mère. Ils ne s'effrayaient pas de la foi des autres ; ils avaient la leur consistante pour l'accepter tranquillement. Comment nos parents ont-ils réussi dans cette adversité qui visait aussi leur foi à rester inébranlables dans leur piété ? Pour la seule raison qu'en leur cœur, leur foi était dans une solide demeure. Elle ne s'ébranlait pas si facilement. Elle a même été solide comme du roc. A contrario, ce quidam, come ceux qui surveillent si des maçons chrétiens boivent dans l'intimité d'une carcasse en chantier, ont la foi bien fragile. Très fragile. Ils ont besoin de l'aide de l'Etat, appareil policier et appareil judiciaire en tête, pour la conforter. Les malades ont le droit de ne pas jeûner et les chrétiens n'ont aucune obligation d'observer le jeûne. Cette fragilité de la foi nous interpelle tous sur ses significations profondes. Sur celles qui nous ont menés sur les voies d'une tragédie qui se perpétue et sur celles d'une nouvelle tragédie. Les pouvoirs publics ont le devoir de mesurer dans quels périls nous emmènera la traque des chrétiens et des musulmans distraits de leur devoir. Poursuivre des gens dans leur intimité reconduit les procédés qui ont été mis en place par les milices religieuses des années rouges. Les gens ont raison de dire que la logique de ce processus sera ensuite de vérifier si les gens font leurs prières, puis s'ils vont à la mosquée, puisque tous les actes de la foi doivent être publics pour être vérifiés et contrôlés. Ibn Toumert l'a fait. Mais l'inquisition espagnole l'a fait aussi pour les morisques. Ce n'est pas nouveau. Et c'est ce qui rend le dérapage inexcusable. Et encore plus inexcusable dans ce contexte général de défis multiples, dont le défi de la cohésion nationale. Il serait dramatique pour nous musulmans - et pour notre pays avec toutes ses confessions – d'accompagner un retour subreptice des délires meurtriers.
M.B


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