Les fournitures scolaires sont écoulées, pêle-mêle, à même les trottoirs de Bordj Bou Arréridj aux mêmes prix ou, bizarrement, moins chères que chez les papetiers ayant pignon sur rue, a constaté le correspondant de l'agence de presse algérienne à Bordj Bou Arréridj. Ce marché informel des cahiers, protège-cahiers, compas, équerres, crayons et autres a gagné même les quartiers périphériques de la ville où l'on propose le cahier de 32 pages à 15 dinars, celui de 48 pages à 20 dinars, de 96 pages à 25 dinars, soit une réduction d'environ 10 à 20 dinars, selon le cas, par rapport aux commerces réglementairement établis. Plus encore, les prix affichés à même le sol sont négociables auprès de ces vendeurs qui peuvent vous consentir, après habile marchandage, des rabais allant jusqu' à 30%. Passablement dépité, un gérant d'une librairie-papeterie implantée depuis des générations au centre-ville de Bordj Bou Arréridj, avoue «ne pas pouvoir lutter contre le marché informel des fournitures scolaires, alimenté d'ailleurs par certains commerçants qui se sont approvisionnés en grandes quantités et qui utilisent sans vergogne des jeunes désœuvrés pour écouler, moyennant quelques dizaines de dinars, leurs marchandises dans les rues de plusieurs localités de la wilaya». Ces papetiers et leurs jeunes «sous-traitants» ou «dealers» se partageant ensuite les bénéfices, vu que la demande en cahiers et autres fournitures scolaires connaît un énorme «boom» pour un laps de temps très court, soit une semaine ou, au plus, dix jours après la rentrée scolaire, selon le libraire que le spectacle de centaines de cahiers alignés à même les trottoirs semble révulser au plus haut point. «La forte demande sur ces articles scolaires fait que les papetiers, pour se débarrasser rapidement de leurs stocks, et pour éviter la cohue dans leurs locaux, recourent sans état d'âme aux revendeurs occasionnels et n'hésitent pas à casser les prix», se plaint-il. Du côté de ces «trabendistes» du cahier, on soutient que les fournitures scolaires sont fournies «à crédit» par les grossistes «qui acceptent de ne se faire payer qu'après la vente». L'un de ces jeunes revendeurs, très affairé avec une clientèle nombreuse agitant à bout de bras les listes des fournitures, a même trouvé une astuce consistant à mettre dans des sacs à dos de bas de gamme (qu'il arrive ainsi à vendre plus facilement) les fournitures par palier scolaire. Il crie à qui veut l'entendre que les cahiers qu'il vend sont de «la meilleure marque et les moins chers en Algérie». Le jeune homme avoue sans se faire prier que toutes les fournitures scolaires exposées au marché populaire ou dans les rues de Bordj Bou Arréridj ont été «achetées chez de grands libraires-papetiers, ici même à Sétif ou à M'sila, et permettent la réalisation de bénéfices que (nous) partageons avec les commerçants». Avec ce stratagème, les commerçants dûment établis jouent sur deux fronts pour écouler rapidement la marchandise, plutôt que d'avoir à gérer de longues files d'attente dans leurs magasins. Un père de famille de quatre enfants scolarisés est, quant à lui, scandalisé et n'arrête pas de fulminer au sujet des prix : «Comment se fait-il qu'un cahier de 192 pages, sortant de chez un papetier, soit vendu deux fois moins cher dans la rue que sur le comptoir de ce même commerçant ?» Il y a assurément quelque chose que ce brave homme ne parvient pas à expliquer. Mais il semble bien seul à vouloir comprendre : des centaines d'autres pères de famille avouent simplement ne pas avoir besoin d'explications. Dans la rue, ils peuvent acheter moins cher, et cela suffit à leur bonheur. Les effets néfastes du marché informel sur l'économie nationale ne semblent pas, malheureusement, figurer en tête de leurs préoccupations. R. N.