Il est rare pour les automobilistes à Bordj Bou Arréridj de ne pas voir surgir au moment de garer leur véhicule des jeunes à la mine patibulaire et au regard chafouin, qui leur font payer leur stationnement dans les lieux libres où aucune indication ne montre qu'ils sont réglementés en ce sens par qui que ce soit. Les plus crédules ou les plus pressés paient sans broncher les 30 DA exigés. Les plus récalcitrants se voient menacer sourdement dans leurs biens. « Rien donc ne vous assurera que votre voiture ne sera pas dévalisée », leur rétorquent souvent et sournoisement ces « nouveaux gardiens » improvisés... Quelles conclusions faut-il en tirer ? Ce phénomène dans la ville de Bordj est vraiment nouveau et inquiète de plus en plus. Il est apparu il y a à peine un mois, et tend à se généraliser surtout dans les espaces libres aux alentours des marchés, des mosquées, des magasins et un peu partout dans les quartiers. Par ailleurs, il faut bien noter que le stationnement payant couvre pratiquement tous les espaces utiles attenants aux administrations, aux marchés, centre-ville ... à telle enseigne que les rues sont devenues presque toutes la propriété de ces nouveaux « concessionnaires » du stationnement payant. Non seulement la plupart des rues et des aires de stationnement sont données en « concession » par on ne sait quel contrat réglementant cette pratique ; mais encore beaucoup d'espaces destinés à devenir « verts » et les aires de jeux des cités sont tout à coup clôturés et grillagés pour servir de parkings payants. A défaut d'entreprises de production, les parkings payants poussent comme des champignons à Bordj Bou Arreridj ! Interrogés à ce sujet, ces « concessionnaires » de l'espace urbain nous répondent à chaque fois : « Il faut parler à tel ou tel de l'APC. » Qu'en est-il vraiment de cette nouvelle tendance à s'approprier les lieux publics massivement et sous quel type de réglementation ? Qui décide de l'utilisation rationnelle ou anarchique du stationnement payant (ou libre), ses prix, ses prestations, etc ? Y a-t-il une véritable gestion de la circulation à Bordj Bou Arréridj et quelles sont les parties impliquées dans sa mise en place et son contrôle ? Autant de questions qui mobilisent les interrogations de l'opinion inquiète devant ces nouveaux phénomènes. Par ailleurs, d'autres exemples nous sont signalés par des taxis en ce qui concerne leurs aires de stationnement (notamment celui de l'hôpital et du centre-ville) qui sont devenus tout à coup payants ; les plaques de signalisation ayant déjà été, à la surprise de tous, badigeonnés un beau matin par quelques mains occultes ! Les seuls trottoirs libres qui restent pour les automobilistes sont à leur tour pris en apanage par des centaines de « fraudeurs » H24 (enseignants, fonctionnaires, retraités, chômeurs... ) qui les occupent sans coup férir et interdisent toute incursion des autres. Si l'on ajoute l'état désastreux du réseau routier, la multitude des dos d'âne et la dégradation et la défaillance de la signalisation routière, faut-il penser que l'espace urbain est devenu un enfer à Bordj Bou Arréridj. Mais derrière ce constat amer se pose en profondeur la question de la gestion moderne de la ville livrée à l'improvisation et à la gabegie ; car au moment où sous d'autres cieux on pousse la réglementation jusqu'aux diamètres des aiguilles, on assiste chez nous à cette impuissante volonté des pouvoirs publics à organiser la cité dans les moindres de ses proportions spatiales. Que dire alors de ses dimensions temporelles ?