La grande dame du théâtre et cinéma algériens Keltoum s'est éteinte, hier matin, à l'âge de 94 ans, suite à une longue maladie. Figure emblématique du 4ème art algérien, Keltoum, de son vrai nom Aïcha Adjouri, est une pionnière qui avait défriché le chemin semé d'embûches pour les comédiennes algériennes.Dès son plus jeune âge, elle défia les préjugés sociaux et le carcan familial pour pratiquer sa passion artistique. Mais, c'est en rejoignant la troupe théâtrale de Mahieddine Bachtarzi, dans les années 1930, que Keltoum inscrit une page historique dans le théâtre algérien, démontrant par son talent et sa force de caractère la nécessité impérieuse de la présence féminine sur les planches.Elle va agir comme un catalyseur, brisant les tabous, bravant sa famille qui l'avait reniée à cause de son art, pour prouver que l'on peut être femme et artiste en toute dignité.Dès 1947, avec la création de la troupe arabe de l'Opéra d'Alger, Keltoum était cette voix féminine qui força le respect populaire grâce à ses rôles tragiques ou comiques, dénonçant les préjugés coloniaux et portant sur scène les aspirations des Algériens dans leur volonté de défier le colonialisme français. Militante dans l'âme, elle avait répondu spontanément à l'appel du FLN durant la guerre de libération. A l'indépendance, elle a aussi répondu présent pour monter fièrement sur les planches du TNA à sa réouverture en 1963 et pendant de nombreuses années auprès de Mustapha Kateb, Boudia, Kaki et Alloula. En 1965, elle renoue magistralement avec le cinéma avec Le Vent des Aurès de Mohammed Lakhdar-Hamina, dans lequel elle interprète le rôle d'une mère qui cherche désespérément son fils raflé par l'armée française. Elle participera ensuite dans de nombreux films à succès, à l'instar de Hassan Terro. Celle qui a voué plus d'un demi-siècle de sa vie à l'art algérien a été victime de l'ingratitude administrative, quand une semaine avant de donner une représentation, elle s'est vue mise à la retraite forcée. Une décision tranchante dont elle gardera un goût amer pendant longtemps.Il a fallu attendre 1991 pour que Rouiched lui offre un rôle percutant dans Les Concierges, dont la tournée a été un véritable succès, marquant une fois de plus le talent inaltéré de la grande dame du théâtre algérien. Hélas, ce fut la dernière présence de Keltoum sur la scène. Elle aura joué dans environs soixante-dix pièces de théâtre et une vingtaine de films. Elle avait aussi enregistré cinq disques en 33 et 45 tours. L'année 2010 a été marquée par de nombreux hommages à Keltoum, à l'exemple de celui qui lui a été rendu au mois de mars passé au cinéma Sierra Maestra, auquel elle n'a pas pu assister à cause de son état de santé.Hier, ils étaient nombreux, personnalités célèbres et anonymes, à venir saluer une dernière fois Keltoum au théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi.Tel un dernier geste de gratitude et de respect, la défunte a retrouvé les planches une dernière fois pour un ultime adieu. Repose en paix l'artiste, personne n'oubliera ton combat. S. A.