C'est à la salle de cinéma Sierra Maestra, fraîchement restaurée, que plusieurs figures du 7ème art algérien ont rendu samedi dernier un vibrant hommage à ce pilier du cinéma national qu'est Keltoum. La célébration a été organisée par l'association de cinéma «Lumières» qui, par la même occasion, a soufflé sa 12ème bougie. La cérémonie s'est ouverte sur les notes d'une zorna. La salle est comble. Comédiennes, réalisatrices, responsables d'APC et de nombreuses personnes du domaine audiovisuel et artistique ont fait le déplacement. L'allocution d'ouverture est confiée au vice-président de l'association, le comédien Mohamed Adjaïmi, qui a déclamé un poème dédié à Keltoum. L'écran s'illuminera par la suite. Un documentaire réalisé par Omar Rabia sera projeté. Un fort moment d'émotion durant lequel plusieurs amis et confrères de carrière de Keltoum ont témoigné de leurs respect, amour et amitié pour cette grande dame du théâtre et de cinéma, aujourd'hui gravement malade. Âgée de 94 ans, l'artiste pluridisciplinaire Keltoum dont la santé se détériore de jour en jour n'a pu se déplacer pour assister à son propre hommage. Elle se fera représenter par son fils. Sur l'écran, le public découvre plusieurs visages connus, à l'image de Farida Saboundji, de Mohamed Helmi et de Fatiha Berbere. Leurs témoignages sont émouvants, sincères, ponctués d'anecdotes. En 52 minutes, ils rapportent tout le plaisir qu'ils ont eu à travailler et à côtoyer Keltoum. On retiendra l'intervention de Mohamed Helmi. «J'ai commencé le métier de comédien à l'âge de 12 ans. Etant orphelin, je ne connaissais pas la valeur du mot mère. J'ai eu l'honneur de jouer le rôle du fils avec Keltoum. Elle m'a pris dans ses bras et elle m'a appelé oulidi [mon fils] et c'est à ce moment-là que j'ai réussi à prononcer le mot mère avec tous les sentiments qu'il porte. Elle a réussi à me transmettre une grande émotion», dira-t-il, les yeux embués de larmes. Fatiha Berbere pour sa part, remerciera Keltoum pour son combat et son courage. «C'est la première femme algérienne à avoir intégré le théâtre et le cinéma durant les temps durs. C'est elle qui a ouvert les portes aux femmes comédiennes», dira-t-elle. Des séquences de ses plus grandes pièces sont projetées entre chaque témoignage. Le public redécouvrira tout le savoir-faire de Keltoum, idole de toute l'Algérie, une femme qui en a fait pleurer et rire plus d'un. Farida Saboundji reviendra sur son amitié avec la comédienne. «Nous sommes amies depuis 1964 et j'espère que cela durera encore des années. Je lui souhaite un bon établissement», dira-t-elle. Keltoum de son vrai nom Aïcha Ardjouni est née en 1916 dans la Mitidja. Artiste dans l'âme, elle intègre une troupe de danse à l'âge de 12 ans. En 1936, elle est repérée par le regretté Mahieddine Bechtarzi et rejoint sa troupe de théâtre. Bravant les interdits, elle deviendra par la suite l'icône des femmes algériennes et la première actrice algérienne. Son talent est indéniable. Elle conquiert le public algérien et étranger à travers sa riche filmographie dont le Vent des Aurès (1966) et Hassan Terro (1968) de Mohamed Lakhdar Hamina, les Spoliateurs et les Déracinés de Lamine Merbah, Hassan Taxi (1982) de Slim Riad et Hassan Niya (1989) de Ghaouti Bendedouche. Au cinéma s'ajoute une carrière dans le 4ème art avec plus de 70 pièces de théâtre. W. S.