Le procès en cassation du naufrage du navire le Béchar et de l'échouage du Batna s'est enfin ouvert, hier, devant le tribunal de la cour d'Alger après deux reports et un changement de président de la séance, à la demande de la défense qui avait, rappelons-le, évoqué le fait que ce dernier a fait partie de la composante de la chambre d'accusation, ce qui est contraire à la loi. Après la lecture de l'arrêt de renvoi qui a occupé toute la matinée, Ali Koudil, l'ex-P-DG de la Cnan, a été le premier des six accusés ayant introduit une cassation à être appelé à la barre. Détenu depuis déjà six ans, Ali Koudil semble bien maîtriser sa défense, contrairement à son premier procès en 2005. Il dira même, à ce propos, au président de la séance, M. Boubetra, avoir eu cinq ans pour décortiquer les accusations retenues contre lui. Ainsi, Ali Koudil commencera par expliquer au juge qu'il n'a pas qualité d'armateur : «Je suis salarié auprès de la Cnan et la loi maritime définit clairement la qualité de l'armateur.» Le juge l'interpelle alors : «Vous êtes salarié, mais êtes-vous également ordonnateur ?» A cet instant précis, avant même que l'accusé n'ait eu le temps de répondre, le juge interpelle l'un des avocats de l'accusé qui venait de lui susurrer quelque chose à l'oreille : «Vous connaissez les procédures. Eloignez-vous tous de l'accusé.» Une interpellation qui n'a pas été appréciée par Me Miloud Brahimi qui a eu une prise de bec avec le juge, lui lançant : «Pas d'intimidation, ça ne marchera pas !» M. Boubetra se lève, suspend la séance et quitte la salle. Il aura fallu attendre plus d'une heure de temps pour que l'audition de Ali Koudil reprenne enfin. Ce dernier commence doucement, mais sûrement à décortiquer toutes les accusations retenues contre lui. En premier lieu, il fera savoir que c'est la Cnan qui a la qualité d'armateur. Il reviendra ensuite sur le fait que les navires Béchar et Batna n'étaient pas en état de navigation comme spécifié dans l'arrêt de renvoi et, de ce fait, l'article 479 du code maritime, sur la base duquel il est poursuivi, ne peut lui être appliqué : «Un bateau en rade n'est pas en état de navigation. Le Béchar était à l'arrêt depuis huit mois et le Batna depuis déjà trois ans. Je rappelle également qu'il y a un arrêté du ministère des Transports qui spécifie clairement que les bateaux en rade sont sous la responsabilité du port.» L'ex-patron de la Cnan précisera ensuite au tribunal que les deux bateaux en question devaient rejoindre le chantier naval de Béjaïa le 25 novembre 2004, et que le contrat pour cette réparation avait été signé le 11 novembre de la même année, soit deux jours seulement avant le drame, «ce qui prouve encore une fois qu'ils n'étaient pas en navigation». Concernant l'accusation de manquement d'armature de ces navires, l'ex-patron de la Cnan expliquera que, sur ce point, trois reproches sont consignés dans l'arrêt de renvoi. En premier lieu, le renouvellement des attestations de ces navires qui «ne pouvait se faire qu'une fois le bateau mis au port sec, donc au niveau du chantier de Béjaïa», le non-respect du nombre minimal de l'équipe de sécurité qui doit être sur un bateau : «Comme ces bateaux n'étaient pas en navigation, le nombre minimum qui devait être consigné à bord est de moins de quatorze personnes. Nous avons appris, après la catastrophe, que le commandant avait libéré des marins pour leur permettre de passer l'Aïd avec les leurs, mais nous ne pouvions le savoir avant.» Il a été reproché à Ali Koudil le manque de qualification du personnel de l'équipe de sécurité et, à ce sujet, il lance étonné : «Est-ce que la Cnan forme ce personnel ? Est-ce que la Cnan donne les diplômes à ces gens ?» Revenant sur l'accusation portant sur un problème de fonctionnement au niveau du groupe électrogène qui a dépassé sa période de fonctionnement, l'accusé explique qu'«au niveau du Béchar, il y avait deux générateurs qui fonctionnaient, et c'est la norme à respecter en cas de navigation. Le Béchar était en rade, mais deux de ses générateurs fonctionnaient. Certes, ils ont dépassé les 10 000 heures de fonctionnement spécifiées par le constructeur, mais il est bien indiqué que la révision du générateur doit se faire en fonction du rythme et de la qualité des lubrifiants. En ce qui concerne le rythme, vous savez que le bateau était en rade depuis déjà huit mois, donc à un rythme réduit. Pour les lubrifiants, nous utilisons les meilleurs au monde, ceux de Sonatrach. Avec 500 heures de dépassement pour le Béchar et 700 heures pour le Batna, cela ne pouvait pas représenter un risque». Ali Koudil insiste et ajoute : «En plus, le générateur ne sert plus une fois le moteur en marche, et nous savons tous que le défunt commandant du Béchar a, dans une de ses communications, affirmé : ‘‘Je suis en avant toute, mais je n'arrive pas à lever l'ancre''». Il expliquera ensuite que la fuite d'une des pompes, qui aurait empêché la levée de l'ancre, n'est pas justifiée du fait qu'il existe deux pompes sur le navire : «On aurait pu utiliser la deuxième pompe. En plus, le commandant aurait pu éjecter en dernier lieu l'ancre. Donc, il n'y a aucune insuffisance technique à l'origine du drame.» Continuant à démonter les accusations, Ali Koudil arrive à la partie qui stipule que l'événement était prévisible. «Quel intérêt aurai-je eu à risquer la vie de l'équipage et du bateau ?» s'interroge-t-il avant de dire : «Si l'événement était prévisible, la première personne à s'en rendre compte est bel et bien le commandant du Béchar. Ce dernier n'a demandé de l'aide qu'à 16h30. Il a bien reçu le BMS et dans un cas pareil, il est tenu de vérifier ses machines, de changer de point de mouillage s'il considère que ce dernier peut représenter un risque.» Le commandant du Béchar, précisera l'accusé, avait même, cinq jours avant le drame, envoyé une lettre au P-DG de la Cnan, assurant pouvoir se rendre avec le Béchar jusqu'au port sec de Béjaïa. «Pensez-vous qu'il l'aurait demandé si le navire n'avait pas de générateur, de pompe et qu'il n'était pas en état de navigation ?» se demande Ali Koudil qui ne finira pas son intervention avant de préciser au tribunal que les témoignages, sur la base desquels ont été portées les accusations, ne sont pas crédibles : «Le témoignage d'un commandant de bord, qui a été révoqué un mois avant le drame par la Cnan, a été considéré comme celui d'un expert. Il s'agit là d'une pure vengeance.» Pour Ali Koudil, les causes du naufrage du Béchar et de l'échouage du Batna ne sont dues qu'à l'extrême violente tempête qui a frappé, le 13 novembre 2004, les côtes algéroises et au non-changement du point de mouillage. A-t-il réussi à convaincre le tribunal ? Pas si sûr puisque le procureur de la République semblait impatient de prendre la parole pour contre-attaquer. Ce procès, comme en 2005, s'annonce long. Rappelons juste que cette affaire repasse devant la cour après la cassation introduite par cinq accusés auprès de la Cour suprême. Il s'agit de l'ancien P-DG de la Compagnie nationale algérienne de navigation (Cnan), Ali Koudil, et de ses quatre proches collaborateurs, Mohand Amokrane Amour, Kamel Ikhadadène, Salah Zaoui et Mustapha Debah, qui ont tous écopé, lors du procès de 2005, d'une peine de quinze ans de réclusion criminelle après avoir été reconnus coupables, en qualité d'armateurs, d'avoir mis à la disposition de l'équipage un navire n'étant pas dans de bonnes conditions pour naviguer et, par conséquent, de la mort de seize personnes à bord. H. Y. Le secrétaire adjoint américain à l'Economie à Alger du 29 novembre au 3 décembre Le secrétaire adjoint américain à l'Economie, à l'Energie et aux Affaires commerciales, Jose W. Fernandez, se rendra à Alger du 29 novembre au 3 décembre, pour prendre part à la conférence sur l'entrepreneuriat Etats-Unis - Maghreb qui se tiendra les 1er et 2 décembre prochain, a annoncé hier le département d'Etat américain. M. Fernandez sera le représentant du gouvernement des Etats-Unis lors de la conférence d'Alger où il abordera les opportunités de partenariat entre les Etats-Unis et l'Afrique du Nord pour l'expansion économique ainsi que le suivi des initiatives, selon la même source. La conférence d'Alger, «qui réunira des chefs d'entreprise, des jeunes et des entrepreneurs d'Afrique du Nord, ainsi que la diaspora nord-africaine des Etats-Unis, prévoit des discussions sur des questions-clés et des défis pour faire progresser l'esprit d'entreprise, améliorer l'accès aux financements, promouvoir les PME, catalyser l'entrepreneuriat des jeunes, promouvoir les initiatives transfrontalières de partenariat d'affaires, réseauter les affaires transatlantiques, développer la culture d'innovation et d'incubation de la technologie, et explorer les occasions d'affaires dans les industries créatives», précise le département d'Etat. Il est à rappeler que la conférence d'Alger assure le suivi du sommet présidentiel sur l'entrepreneuriat organisé par le président Barack Obama en avril dernier à Washington. Après son séjour de cinq jours à Alger, le secrétaire adjoint américain se rendra également en Tunisie (3 et 4 décembre), en Libye (4 au 6 décembre) et au Maroc (6 et 7 décembre).