Photo : M. Hacène De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar Le musée, ce n'est pas seulement un étalage d'œuvres et de pièces rares qu'on se propose de faire découvrir aux visiteurs curieux. Cela ne doit pas fonctionner comme une boutique où l'on se met derrière le comptoir en attendant que la clientèle nous vienne. C'est une institution culturelle et scientifique qui a une mission d'instruction publique à remplir. L'institution muséale doit, de ce fait, prendre des initiatives pour organiser des événements, encourager le débat et s'ouvrir sur l'environnement associatif et social. Sans programmation scientifique ou artistique élaborée (choix et organisation des contenus), ni programmation technique avancée (ambitions, rôle et fonctionnement), ni interactivité avec leur milieu environnant, la majorité des musées existants en Algérie évoluent en marge des préoccupations du grand public, plutôt enclin à bouder ce genre d'établissement. La muséologie, science du musée dont le champ de recherche comprend l'histoire et la fonction sociale de cette institution, analyse la gestion et la politique du musée, à savoir le choix des collections destinées aux présentations permanentes et les thèmes des expositions temporaires ; les méthodes et les techniques mises en œuvre pour la conservation, le classement et la mise en exposition ou en réserve des collections, et surtout la communication et les activités promotionnelles. Le reproche qu'on fait constamment à nos conservateurs, c'est bien leur passivité et leur manque d'initiative pour se faire une place sur la scène. Cela ne coûte presque rien de réaliser des prospectus, d'abriter les activités du mouvement associatif qui seraient en rapport avec leur vocation, de donner la parole à des spécialistes en organisant des conférences et des rencontres thématiques, d'aller vers les écoles et les établissements de l'enseignement. Tous les moyens sont bons pour «promouvoir» le produit culturel dont ils sont les véritables dépositaires, mais aussi pour consolider leur place dans le paysage culturel. Il faut souligner, à ce propos, que les associations culturelles et scientifiques se montrent aujourd'hui, plus que jamais, disposées à agir dans ce sens. A Béjaïa, par exemple, de nouvelles institutions ont récemment vu le jour grâce justement à l'action du mouvement associatif. L'association Gehimab a énormément concouru à l'ouverture du musée géologique de Sidi Ouali en 2008. Egalement parrainé par la PNG, le Craag, l'école polytechnique d'El Harrach et l'université de Jijel, l'établissement - unique en son genre en Algérie - dispose aujourd'hui d'une riche collection géologique et d'un fonds documentaire exceptionnel mis au service des chercheurs et des étudiants. En plus de son utilité pédagogique pour les lycéens et les universitaires, le musée se propose de conserver, de valoriser et de vulgariser le patrimoine naturel et scientifique de la région. On pourrait dire autant pour le musée de l'eau, domicilié dans la localité de Toudja. Là aussi, c'est la dynamique associative qui a été à l'origine de la mise en place de cet espace consacré aux métiers de l'eau et aux techniques de son exploitation et de sa gestion à travers les âges. L'entreprise des associations locales a vite séduit les pouvoirs publics et les mécènes qui ont également contribué à concrétiser le projet. Dans la commune d'Aokas, des collectifs culturels, soutenus par l'université de Béjaïa, militent pour la reconversion du Château de la comtesse - actuellement à l'abandon - en musée de la mer. Même l'ancien musée archéologique de Bordj Moussa a aussi bénéficié de cette attention ambiante pour enrichir ses collections. Ceci pour souligner l'intérêt réel des citoyens pour les activités muséales. Il est ainsi clair que les dysfonctionnements se situent dans la gestion et la promotion de ces établissements. On assiste ces derniers temps à l'émergence d'un tissu associatif relativement dense qui se consacre à la protection et à la sauvegarde du patrimoine. Les conservateurs doivent sortir de leur autarcie pour tirer avantage de cette dynamique.