Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Initier les nouvelles générations à la culture et leur apprendre à en apprécier les diverses formes d'expression n'est pas une entreprise aisée dans un environnement où tout a été bouleversé pour déprécier des valeurs qui, pourtant, ont fait leurs preuves. La culture reléguée, voire expulsée, n'a presque plus droit de cité dans la société prise dans le tourbillon de cette modernité stérile qui ne «s'embarrasse» plus de ses «classiques» et parfois même de ce qui est prétendument admis comme contemporain. Ainsi, dans les milieux de la jeunesse, c'est la culture du fast-food, du DVD, du MP3 et du portable qui a supplanté le livre, les arts dans toutes leurs expressions, le théâtre, les musées, le cinéma et ces récitals poétiques qui tiraient nos étudiants de leurs traités de mécanique ou de métallurgie pour les ramener à leur condition première : juste des hommes. La lecture est le premier terreau de la culture, c'est le lit sur lequel elle repose pour créer, inventer, s'élever, se surpasser ; elle est la première clef qui ouvre la grande porte pour aller à la découverte de l'Autre à travers un écrit, le comprendre, capter et capturer ses émotions, les ressentir, communier avec lui et peut-être devenir à son tour producteur. Hélas, ce n'est plus le cas aujourd'hui, cette flamme s'est étiolée et ne suscite presque plus d'intérêt chez les jeunes, les nouvelles générations n'en apprécient guère l'utilité et s'en détournent pour s'occuper d'autres choses «plus importantes» et être ainsi «dans le vent». A Annaba comme partout ailleurs en Algérie, on essaye tant bien que mal de raviver la flamme de la culture véritable en élaborant des programmes à destination des jeunes pour réimplanter et faire croître cet intérêt et, ainsi, le perpétuer. Dans les écoles, cette mission difficile est confiée aux bibliothèques qui, récemment, ont bénéficié de nouvelles acquisitions pour, nous dit-on, «intéresser encore plus nos enfants à la découverte à travers la lecture, c'est le meilleur moyen de les initier et de les pousser à se former par eux-mêmes. Plus tard, ils feront seuls leurs propres recherches parce qu'on aura semé en eux ce désir de lire et de découvrir, la culture, c'est la fermentation de tout cela.» Pour le moment, les 3 bibliothèques de la ville (2 autres sont en construction), sont mieux fréquentées qu'avant mais c'est surtout pour effectuer des travaux de recherche dans des domaines strictement scientifiques, rares sont ceux qui ont dans les mains une œuvre littéraire. «C'est toujours ça, nous confie un bibliothécaire, l'essentiel est qu'ils sont à lire, à travailler, nous sommes dans l'écrit, c'est une bonne chose, c'est le tremplin vers la culture.» Les autres manifestations culturelles, et elles sont très rares, sont les différents concours de rédaction entre élèves qui ont été pour la première fois organisés cette année. Cela a donné lieu à des productions écrites qui ont été très appréciées et des prix ont été décernés aux lauréats. « Ecrire, nous déclare un responsable, c'est être dans l'intertextualité, c'est avoir des référents culturels, on ne fait que reproduire ce qui a été dit mais en lui donnant une forme propre à sa vision, à son appréhension de la réalité et nous voudrions par ces concours donner l'occasion à nos enfants de s'exprimer, de donner libre cours à leurs pensées et de produire du texte. Cela stimulera les autres et créera une sorte d'émulation qui ne pourra être que bénéfique pour tous parce que, pour bien écrire, il faut d'abord lire et donc on revient toujours à la lecture et c'est notre objectif.» Le théâtre pour enfants apporte, lui aussi, sa contribution à la formation des jeunes générations. La culture qu'il apporte est vivante, elle se meut sur une scène où les enfants sont eux-mêmes des spectateurs-acteurs. L'effet cathartique est garanti, cette catégorie étant très attentive et très réceptive. Les quelques rares pièces qui ont fait le bonheur des enfants de Annaba et qui ont drainé des centaines de bambins ont quelque peu réanimé le théâtre régional dont les travées ont été emplies de leurs rires innocents. Cela avait donné lieu à une véritable fête qui s'est prolongée jusque dans les maisons, les enfants ne parlaient que de cela et certains sont même allés jouer des scènes interprétées par leurs aînés. C'est déjà une petite victoire, c'est un petit plant de culture qui croîtra, se développera et s'épanouira.Les visites guidées à l'occasion d'excursions organisées par les collèges ou les lycées sont peu fréquentes. Le musée de la Coquette chôme presque 9 mois par an, seuls quelques touristes étrangers viennent se recueillir sur les lieux où saint Augustin a vécu et officié. A part le conservateur du musée, archéologue de formation, qui présente les pièces et explique aux visiteurs, il n'y a pas à vrai dire de guide touristique qui pourrait orienter, fournir des informations ou faire découvrir aux jeunes la beauté de telle ou telle pièce, sa rareté ou sa valeur.