Photo : S. Zoheir Par Hasna Yacoub La coopérative Sarah a été créée le 4 janvier 1995 en application des dispositions de l'ordonnance n°76-92 du 23 octobre 1976 relative à l'organisation des coopératives immobilières. Elle avait à charge de construire 400 logements à Miramar, Raïs Hamidou. Quinze ans après, le chantier n'est toujours pas terminé. Certes les années de terrorisme y sont pour beaucoup mais pas seulement ! Les quelques immeubles ayant poussé sur ce site sont occupés mais le quartier est loin d'être viable. La piste permettant d'y accéder est complètement cabossée et la canalisation d'eau installée à l'extérieur pour alimenter les habitations renvoie une image hideuse du lieu. En fait, l'alimentation en eau potable est toujours collective ! Pour bénéficier de l'électricité, les locataires ont dû s'acquitter de 20 000 DA. Pour ce qui est du gaz de ville, aucun branchement ne peut être effectué pour le moment, vu que le quartier est toujours en chantier. Pourtant, des familles y habitent depuis au moins 5 ans. Vue de l'extérieur, il y a beaucoup à dire sur l'état de cette coopérative immobilière : absence de mur de soutènement, ouverture dangereuse sur une terrasse, absence d'éclairage. Cailloux, saletés et autres débris dangereux jonchent les sous-sols dont l'accès est libre. Le site est éloigné des infrastructures sociales. A l'exception d'une école primaire, il n'y a rien autour de la nouvelle coopérative qui est loin d'être sécurisée puisque, selon les habitants, de nombreuses agressions ont été enregistrées. Que fait le secrétaire général de la coopérative ou encore l'assemblée générale des sociétaires ? Au cours de la discussion avec certains adhérents à la coopérative et non moins acquéreurs de ces logements, beaucoup de manquements sont mis en avant. Selon eux, les premiers souscripteurs pour l'acquisition d'un logement type F4 d'une superficie de 117 m2 devaient s'acquitter de la somme de 153 millions de centimes. Ce prix a été à maintes fois revu à la hausse jusqu'à atteindre 250 millions en 2006. Cela n'est pas contraire au contrat signé par les adhérents avec la coopérative qui prévoit dans son article 10 la contribution du souscripteur à toute révision de prix due à l'augmentation des coûts de réalisation. Mais d'autres articles n'ont pas été respectés, à l'exemple de celui des missions de la coopérative, dont la réalisation tous corps d'état des immeubles y compris les clôtures, les VRD et la voirie. Selon les acquéreurs, dans le montant du logement, 25 millions de centimes concernent le raccordement à l'AEP, à l'électricité et au gaz. Ils s'étonnent aujourd'hui que les gestionnaires de la coopérative leur demandent de s'acquitter de 20 000 DA pour l'électricité et de quelque 100 000 DA pour le bitumage de l'accès au quartier. En fait, un article de la décision d'attribution remise aux bénéficiaires, en 2006, en même temps que les clés, précise : «Il demeure entendu que le règlement des travaux de voirie et réseaux divers n'est pas inclus dans le prix du logement et qu'il fera l'objet d'un planning de financement.» Selon les acquéreurs, ils sont nombreux à avoir revendu leur logement et nombreux aussi à souhaiter le céder et se débarrasser de cet investissement budgétivore. Mais il ne s'agit pas réellement d'une vente mais d'une cession des parts sociales dans la coopérative. Car les acquéreurs n'ont toujours pas leur acte de propriété. Pourtant, dans le contrat d'adhésion, il est spécifié dans l'article 6 les modalités de réalisation de l'acte de vente : «Après obtention du certificat de conformité de la construction et de la remise des clefs, il sera procédé à l'établissement de l'acte de propriété auprès du notaire et ce, dès que le coopérateur aura respecté toutes les conditions mises à sa charge dans le présent contrat d'adhésion.» Autrement dit, un coopérateur qui a reçu ses clefs et s'est acquitté de toutes ses redevances devrait avoir son acte de propriété. Mais cela ne semble pas être le cas à la coopérative Sarah puisque, dans les décisions d'attribution de logement, il est encore une fois spécifié que «l'acte de propriété définitif du logement interviendra une fois le certificat de conformité établi, le règlement de copropriété arrêté et le coût du logement acquitté». Comment peut-on donner des clefs de logements sans l'obtention d'un certificat de conformité ? Le certificat de conformité est un document fourni par l'administration qui confirme que l'ouvrage réalisé est conforme au permis de construire octroyé au promoteur. Le procès-verbal de prise de possession est le document qui est signé par le promoteur et l'acquéreur du bien, après la visite des lieux et la remise des clefs. Il atteste que l'acquéreur a bien pris possession de son bien et que celui-ci est conforme à ce qui a été convenu dans le cadre du contrat de vente. Ces documents sont des pièces obligatoires que le promoteur immobilier est tenu d'obtenir et d'en donner copie à chaque acquéreur. Ce sont en quelque sorte les «documents de garantie» du bien que l'acquéreur vient d'acheter. Par ailleurs, on a appris que le permis de construire de ladite coopérative n'aurait pas été renouvelé. Au niveau de la coopérative Sarah, il y a encore des immeubles à achever. Le taux d'avancement des travaux est d'à peine 20% et les bénéficiaires, dont certains ont déjà versé quelque 250 millions de centimes, risquent d'attendre longtemps la remise des clefs. Le problème qui se pose, selon des coopérateurs, c'est le renouvellement du bureau de la coopérative. A en croire certains, plusieurs réunions ont été tenues mais, faute de quorum, l'élection d'un nouveau bureau n'a pas eu lieu. Ce qui, évidemment, bloque tout le chantier. Il n'a pas été possible de contacter les représentants de la coopérative dont les bureaux étaient fermés. Le siège de la coopérative n'étant plus à l'adresse spécifiée sur les contrats d'adhésion, il a été impossible de joindre les responsables pour de plus amples informations. Il n'en demeure pas moins que la situation semble très complexe pour cette coopérative qui n'arrive pas, depuis 15 ans, à terminer son projet. Le cas de la coopérative Sarah n'est pas unique et le ministère de l'Habitat devrait se pencher sur la question pour une prise en charge sérieuse de ces constructions à l'arrêt mais surtout pour revoir la législation qui a créé ces situations alambiquées. Les souscripteurs, ignorant les textes de loi, semblent avoir été dupés et les gestionnaires, dépassés par les événements, n'offrent plus aucune alternative.