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Du discours du Caire à la bombe d'Alexandrie
L'US Qaïda envoie un message à peine codé
Publié dans La Tribune le 06 - 01 - 2011

Hosni Moubarak, le président égyptien, a immédiatement désigné une main étrangère derrière l'attentat contre une église copte à Alexandrie. Question de mains étrangères, le pouvoir égyptien parle en orfèvre. Les révélations Wikileaks ont montré à l'envi combien ce pouvoir s'est lui-même comporté en «main étrangère» en complotant avec Israël, les Etats-Unis et d'autres pays arabes les tentatives de recompositions violentes du Moyen-Orient derrière les agressions du Liban en 2006 et de Ghaza en 2009. Pour l'occasion, on peut rappeler le dépit et la colère de Condoleezza Rice à l'endroit des dirigeants arabes qui cachaient en public les alliances avec Israël qu'ils montaient en secret sous l'aile américaine. La ministre américaine, qui a réuni à plusieurs reprises les chefs des services de renseignement arabes de la région - pourquoi une réunion d'une ministre des AE avec des chefs du renseignement d'autres pays ? - avait de sérieuses raisons de se mettre en colère. Pour la théorie américaine, seuls des gouvernements légitimes pouvaient prendre les décisions difficiles de l'allégeance au nouvel ordre mondial ; ce qui implique pour la région l'allégeance et la soumission Israël, état occulté des Etats-Unis et de l'Union européenne. Il ne restait à ces régimes arabes que de prendre en cachette les décisions secrètes qu'attendaient les maîtres du monde. Comploter est devenu le maître concept de la diplomatie américaine et de ses sous-traitants européens ou arabes ou d'une autre partie de la planète. Comploter quand les ambassades ne deviennent pas elles-mêmes les quartiers généraux des subversions et des séditions locales encadrées au profit des puissances étrangères, elles-mêmes au service de «l'économie de marché» à qui finalement on a inventé un autre pseudo : la démocratie. La plaisanterie est un peu grosse. On ne peut pas dicter la marche à suivre au monde entier et parler de démocratie. Et pourtant, ça marche. Le FMI donne des ordres, la Banque mondiale donne des ordres, l'Organisation mondiale du commerce dicte les lois et règlements à appliquer, les grandes puissances ont mis en place des critères pour juger par elles-mêmes de la bonne gouvernance des pays tiers, s'adjugeant sur les gouvernements africains le droit de les juger au lieu et place de leurs peuples, etc. La bonne gouvernance, c'est la gouvernance contrôlée par les grandes puissances, une sorte de gestion centralisée de la planète par un gouvernement formé d'une élite politique et technocratique qui sait ce qui est bon pour le reste de l'univers. C'est exactement le but de cette organisation connue de tous, dont on connaît quelques mécanismes, mais dont on ignore les décisions au moment crucial comme attaquer l'Irak ou l'Iran ou dépecer le Soudan ou la Côte d'Ivoire ou refaire les frontières dans la bande sahélienne de l'Afrique, etc. Cette organisation qu'on a appelée Triade puis
Trilatérale puis club de Bilderberg, infiniment plus puissante et plus efficace que le Forum de Davos, que le G6, puis G20 qui n'en sont que des applications et des mécanismes de «normalisation» de l'idée de gouvernance mondiale. Le club de Bilderberg peut convoquer à ses réunions de puissants ministres de la défense ou de l'économie et décider quelles sont les grandes orientations à imprimer à la politique pour soumettre le monde aux intérêts de cette élite. Rockefeller en est le principal inspirateur, mais le vrai génie géostratégique qui a entraîné l'URSS dans le piège afghan et structuré durablement le monde arabe et musulman autour de cette guerre afghane et longuement et minutieusement formaté et préparé Ben Laden et consorts à intervenir partout où il fallait créer les divisions ethniques et religieuses, les haines raciales, bref partout où il était nécessaire pour les buts de l'impérialisme d'empêcher les convergences des luttes et des résistances à l'Empire. Quel intérêt géopolitique El Qaïda peut trouver à tuer des Coptes en Egypte ? Déroulons la carte géopolitique de la région et faisons le bilan des dernières années. Le chaos créateur de néoconservateurs américains a débouché sur un lamentable échec. Bush devait réaliser la refonte totale des frontières et fonder le Grand Moyen-Orient avec des ethno-Etats dépendant des Etats-Unis et d'Israël pour leur défense et grands pourvoyeurs de pétrodollars. Sauf pour l'Irak où un éthno-Etat sous tutelle et sous direction d'Israël est en train de naître au Kurdistan irakien, c'est l'échec total. Les résistances sont encore là. Pis, les opinions publiques ont basculé majoritairement dans le camp des résistances le plus souvent à partir de positions éthiques et des émotions devant l'horreur des crimes israéliens au Liban et à Ghaza. Depuis 2006, les opinions publiques basculent du côté palestinien et libanais et ne suivent pas la propagande contre l'Iran. La propagande marche moins bien que pour Saddam
Hussein. Pis, une puissante jonction se tisse actuellement entre mouvement de libération arabe et opinions politiques européennes dont les deux épicentres sont la Grande-Bretagne, mais surtout la Grèce. Cette convergence représente un grand danger pour l'impérialisme américain. Cette période s'est accompagnée de la prise de conscience par l'Eglise du grand drame vécu par les chrétiens d'Orient obligés de s'exiler en masse de Palestine et d'Irak. La bombe d'Alexandrie est au centre de tous ces problèmes. Les églises d'Orient sont massivement grecques orthodoxes et historiquement, c'est l'Eglise grecque qui pourvoyait les postes d'évêque et de patriarche. En tuant des chrétiens d'Orient, d'obédience orthodoxe grecque, l'US-Qaïda frappe au cœur de l'alliance la plus vieille entre les Palestiniens et l'Europe : le peuple et la culture grecques y compris avec les relents anti-Ottomans. Elle frappe aussi au cœur de la question du drame des chrétiens. C'est l'islam qui tue les chrétiens et le danger c'est l'islam. Ce ne sont pas les extrémistes, c'est l'islam lui-même. Le discours du Caire est bel et bien enterré : la politique américaine nouvelle, c'est la bombe d'Alexandrie, pas le discours du Caire. Pour casser toute velléité de jonction entre nationalisme arabe et socialisme européen, les mains secrètes des américains sont prêtes au bain de sang. Et Moubarak est averti. Il n'est plus question pour lui d'avoir des scrupules de politiques intérieure. Il s'aligne sur la politique américaine sans fausse pudeur ou il paye le prix par le départ de sa famille et par la casse de l'Egypte. Le message est clair !En direction de l'opinion européenne, le message est tout aussi clair : avant de défendre les musulmans de Ghaza, pensez aux chrétiens morts à cause de l'islam. Les grands montages sont en route pour enrayer les futures flottilles de la liberté. Pour tout observateur sérieux, la bombe d'Alexandrie, suivie du tapage sécuritaire en Europe, essaye de blinder les opinions européennes avant une attaques contre un pays musulman : l'Iran, le Liban, Ghaza ? Ce blindage émotionnel a très bien marché après le séisme au Pakistan. La propagande des autorités corrompues et du peuple taliban a asséché toute humanité et toute émotion en Europe. Cela a si bien marché que des militants de gauche d'origine arabe et musulmane se sont mis à la tête du boycott de l'aide humanitaire aux Pakistanais victimes du séisme et victimes du régime islamiste et anticommuniste mis en place par les Américains dès la partition de l'Inde ; ce que les gens oublient. Et cela commence déjà. Un chef flamand de l'extrême droite déclare, le 4 décembre
dernier en Israël : «Israël vit et existe sur la ligne de front du conflit entre les civilisations. Le conflit israélo-arabe incarne le combat entre la civilisation occidentale et l'islam radical. Le combat entre ceux qui chérissent la liberté et ceux qui veulent soumettre le monde à la théocratie musulmane.» La bombe et le travail antérieur sur les identités ont déjà réussi à inverser les courants d'opinion. Pour quarante pour cent de Français et de Allemands, l'islam est le problème. Pour la majorité des Européens, c'était Israël, les résultats arrivent.Le crime d'Alexandrie a d'abord existé dans les plans de ceux qui exécutent les orientations de la gouvernance mondiale. Ces gens savent ce qu'il faut pour que les élites dirigent le monde se et tiennent entre leurs mains une télécommande comme dirait l'économiste Abdelatif R. Une télécommande pour non seulement gouverner à distance, à travers l'espace, mais aussi à distance dans le temps. En planifiant les opérations qui doivent débarrasser le chemin vers cette gouvernance mondiale de tous les obstacles locaux ou nationaux. Nul particularisme ne doit se dresser sur la voie du gouvernement universel. Et si vraiment avec tout cela vous n'avez pas compris encore ce que veut dire démocratie, on peut vous l'assener. Voter à la régulière pour Hamas, ce n'est pas démocratique. Est démocratique l'ingérence d'un acteur américain qui se balade au Sud-Soudan pour dire quel est le bon vote. Est démocratique
l'ingérence de ce même acteur qui entend mobiliser les satellites américains pour un meilleur contrôle du référendum. Un satellite pour sonder les urnes ? Et tous les médias dominants en parlent comme s'il allait de soi qu'un quidam, même acteur, a le droit de se mêler de la vie politique d'un pays nominalement indépendant juste parce qu'il est américain et juste parce qu'il est évangélique. Aurait-il d'autres titres et d'autres fonctions ? Peut-il s'arroger le droit de se mêler de la vie politique des autres ? John Kerry vient de le faire en se rendant au Soudan pour s'enquérir du bon déroulement du scrutin. Les réalistes de la politique qui restent surtout des candidats au partage des miettes laissées par le capitalisme mondial trouveront non seulement normal, mais souhaitable et ils défendent depuis un moment la thèse que les Américains et l'Union Européenne tardent trop à imposer une ingérence généralisée qui les débarrasserait des régimes pro-Occidentaux honteux et leur ouvrirait la voie pour qu'ils installent eux des régimes pro-Occidentaux heureux et fiers de l'être. Mais surtout heureux d'accéder au droit de racler ce qu'il reste de la caisse et surtout prêts à faire payer à leurs peuples toute discussion de la «démocratie» des supermarchés.Cela a à voir avec la bombe d'Alexandrie. Les Occidentaux ont accusé ou accusent constamment l'Iran et la Syrie de téléguider attentats, meurtres, subversions, etc. Si l'Iran ou la Syrie sont capables de le faire à distance pourquoi pas Israël et les Etats-Unis ? Pourquoi pas Israël et les Etats-Unis, alors que tous les médias louent leurs performances dans la pénétration, la manipulation, la construction des réseaux et le travail d'influence ? On ne va pas apprendre à ceux qui ont créé les «Gladio» et les loups gris ce que veut dire un meurtre, un attentat ou un massacre au besoin. On ne va apprendre aux concepteurs de l'incident du Golfe du Tonkin ce qu'est une provocation. Mais on ne va surtout pas apprendre à ceux qui ont inventé le massacre de Timisoara, le vol de bébés dans les cliniques koweïtiennes comment créer l'émotion qui fait haïr à leurs opinions publiques un homme, un régime, un système ou une religion ; c'est au choix et en tant que de besoin.
M. B.
Extraits :
«Nous sommes reconnaissants au Washington Post, au New York Times, Time Magazine et d'autres grandes publications dont les directeurs ont assisté à nos réunions et respecté leurs promesses de discrétion depuis presque quarante ans. Il nous aurait été impossible de développer nos plans pour le monde si nous avions été assujettis à l'exposition publique durant toutes ces années. Mais le monde est maintenant plus sophistiqué et préparé à entrer dans un gouvernement mondial. La souveraineté supranationale d'une élite intellectuelle et de banquiers mondiaux est assurément préférable à l'autodétermination nationale pratiquée dans les siècles passés.»


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