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Les Tunisiens réinventent leur histoire
Dans des retrouvailles aux échos planétaires
Publié dans La Tribune le 20 - 01 - 2011

Le peuple retrouve son poète. A son poète qui nous appris que «Si le peuple, un jour, désire la vie / Le sort ne peut que s'y plier / La nuit ne peut que se dissiper / Et l'entrave ne peut que se casser », le peuple a donné raison. Il avait ouvert la voie en brisant les chaînes de la tradition poétique et en invitant, avec quelques devanciers, le peuple dans sa poésie et annoncé les futures révoltes. Poésie prémonitoire du crépuscule des tyrans.
La leçon de politique générale
Elle ne nous vient pas seulement de la lutte parfois subtile, mais toujours acharnée pour déposséder le peuple tunisien des fruits de son combat. Aux premiers jours de la révolte, une journaliste française regrettait les émeutes qui ternissaient le succès des réformes libérales. Nous apprenions que pour l'inconscient idéologique libéral, le succès des réformes ne consiste pas du tout à créer du travail et satisfaire les besoins de base en santé, éducation, etc. Les chômeurs et autres laissés-pour-compte sont une donnée naturelle de ces réformes. Cet inconscient idéologique libéral aveuglait les politiques français sur la légitimité des revendications pour rappeler une légitimité du pouvoir au regard des critères du FMI et de la Banque mondiale qui, la veille même de la révolte, vantaient encore le modèle tunisien de mise en chômage et d'immersion dans la misère du peuple tunisien et de ses enfants diplômés. Immédiatement, le peuple tunisien s'est heurté à l'alliance de Ben Ali et des maîtres ultralibéraux du monde. Les Etats-Unis ont pourtant lâché Ben Ali à partir d'un certain développement de la révolte, et ce point mérite analyse. Il n'empêche que les Etats-Unis ont aussi soutenu Ben Ali malgré un profond mépris pour les méthodes de prédation de son entourage et de sa famille. On ne connaît pas - à cette heure - avec certitude et avec assurance le rôle des Etats-Unis dans la chute de Ben Ali. On connaît par contre les raisons à peine cachées du soutien français résolu à Ben Ali. Aux liens fantasmatiques de l'imaginaire colonial à l'endroit d'une terre et de ses femmes et aux liens d'affaires qui n'excluent pas du tout l'imaginaire orientaliste et aux autres raisons développées abondamment par la presse, il faut rajouter une raison essentielle, stratégique : le rôle de Ben Ali, infiniment plus intelligent que celui de Moubarak en faveur de l'Union pour la Méditerranée. Le départ de Ben Ali va contrarier sérieusement les rêves de Sarkozy d'ouvrir l'espace ouest-méditerranéen à l'influence directe d'Israël. Du côté du monde arabe, quels régimes soutenaient l'UPM pour des raisons de maintien d'un statut régional ou de gains financiers ou de protection rapprochée de l'Europe à leurs dictatures, ou les trois à la fois ? Le Caire, Tunis et Amman. Mais Ben Ali avait mis plus de subtilité, jouant un rôle modérateur entre postulants zélés du Caire et d'Amman et les sceptiques d'Alger par exemple. Son poste de secrétaire général de l'UPM devait calmer les justes appréhensions de l'Algérie qui reposent d'ailleurs sur des raisons bien plus sérieuses que les hochets pour dictateurs. Il ouvrait en sous-main l'espace du Maghreb à Israël et il le faisait d'autant plus volontiers qu'il savait le prix qu'accordent les Etats-Unis à la normalisation avec Israël. Les dirigeants israéliens ont tout de suite tracé une ligne de démarcation : soutenir Ben Ali pour empêcher l'émergence d'un pôle islamiste en Tunisie.«A Jérusalem, on craint que cette crise grave provoque une rupture des relations ‘'non officielles'' qui se sont tissées au cours des années entre Israël et la Tunisie. Le vice-Premier ministre Sylvan Shalom, natif de Tunisie, a estimé que le soulèvement actuel pouvait inciter ce pays à se rapprocher d'éléments extrémistes du monde arabe.» Mais alors, la gauche qui coudoyait le RCD dans l'Internationale socialiste comme la droite ou l'Elysée ont mis complètement de côté cet aspect des choses qui n'a pas pu ne pas peser. Il faut se lever tôt pour trouver un dirigeant aussi retors et aussi souterrain et, partant, aussi efficace. Le régime de Ben Ali était celui de l'Europe avec laquelle il a entrepris toutes les expériences.
Couper la tumeur et préserver les tissus
Au-delà de son extraordinaire courage et de la détermination populaire qu'elle nous manifeste, la révolte tunisienne va affronter les ingérences extérieures les plus grossières. A peine revenu de son soutien à Ben Ali, Sarkozy retrouve son langage impudent : il demande des élections démocratiques dans les plus brefs délais. Il pouvait souhaiter des élections démocratiques, il pouvait espérer des élections transparentes. Il fallait qu'il ajoute «dans les plus brefs délais», qu'il donne à sa déclaration un air de commandement, un ton comminatoire. Comment faire face à tant de «sans-gêne». Et déjà le prétexte par lequel l'Europe a soutenu Ben Ali, aujourd'hui dictateur avéré, revient en boucle : il faut retrouver un rempart à la montée déjà amplifiée de l'islamisme. Il faudra beaucoup d'efforts pour apprendre l'histoire de la Tunisie à Sarkozy et consorts. Si personne - ou si peu de personnes - en Algérie ne se souvient de Hamdane Khodja, qui se souvient que le Beylicat de Tunis contrairement à celui d'Alger, était profondément travaillé par les idées d'une nécessaire réforme déjà mise en œuvre en Egypte par Mohamed Ali et contrariée puis annihilée par les Anglais ? Autant l'entourage du dey en tant que pouvoir temporel que les cercles religieux de Tunis se préparaient à une «mise à jour» rendue urgente par les défaites qu'infligeait l'Europe au monde musulman en Méditerranée. Il est remarquable que dans cette quête de réformes et de mise à jour, la Tunisie soit restée hermétique aux messages de Mohamed Ibn Abdelwahab et qu'elle soit restée la plus insensible au salafisme. Le rempart tunisien contre le salafisme et ses alliances inavouées, c'est d'abord la longue lutte des Tunisiens pour sortir de la condition de régence semi-féodale à celle de pays autonome. L'histoire de la formation nationale tunisienne est encore bien plus compliquée, bien plus chaotique, bien plus héroïque - Ô Bizerte et tes 2 500 morts en trente-six heures de combat à mains nues contre les paras des prédécesseurs de M. Aliot-Marie. Cette révolte est aussi une retrouvaille avec les grands enjeux des luttes nationales des Tunisiens, les enjeux d'une autonomie, d'un Etat capable de développer le pays à partir de ses besoins. La controverse Bourguiba/Salah Ben Youssef se renouvelle sous des couleurs, des formes et un langage nouveaux. Mais les Tunisiens - encore eux - ont redonné vie dans nos contrées au mot «kadihinne». Vous vous rendez compte, retrouver une identité de classe dans cette révolte et apprendre encore chez nos voisins le sens de quelques combats : le rempart le plus résolu de la défense de l'Etat national et de l'indépendance reste les «kadihinne», les travailleurs. S'il nous manquait un vocable pour désigner en arabe nos prolétariats réciproques dans le Maghreb, nous l'avons retrouvé. Ce n'est pas rien. Il n'existe pas de conscience du mouvement historique sans les mots qui font la conscience.
Demain encore le poète
Alors peu importe aujourd'hui qui va l'emporter. Les Américains qui ont visiblement décidé de lâcher Ben Ali quand les couches moyennes se sont retournées contre lui ? Et qui ont visiblement inspiré l'idée de l'opération chirurgicale qui a débarrassé le système Ben Ali de la tumeur Ben Ali ? Le ministre des Affaires étrangères qui a choisi les opposants éligibles à siéger avec lui au gouvernement ? L'armée ? Le combat continue et nul ne peut prédire le résultat. Ce combat est une séquence de la longue marche des Tunisiens vers la naissance de leur être. Leur poète peut déjà leur dire : vous êtes nés, on naît toujours par le combat.
M. B.


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