Vivant à Londres depuis 37 ans, Salah Niazi, qui approche les 70 ans, est aujourd'hui l'un des trois grands poètes de l'Irak actuel. En effet, il représente avec ses deux autres amis Moudhafer Nouab (qui vit à Athènes) et Saâdi Youcef (sorti de Baghdad pour la dernière fois, voilà 33 ans, vivant aujourd'hui à Londres) « la trinité » poétique de cet Irak, dont les zouâma (leaders) ont toujours cultivé « les paradoxes les plus fous » (prônant « la révolution moderniste de l'avant-garde », ils ont souvent fait le malheur de leur peuple, héritier des grands Sameriens, gloire de l'humanité entière). D'une grande modestie (vertu des savants !), Salah Niazi n'aime pas parler de sa poésie et de sa vie « érodée » par un exil « tragique », certainement, l'un des plus longs pour un exilé. Avec la colonisation américaine et les événements tragiques qui se déroulent en Irak, notre poète ne pourra peut-être jamais (ô, malheur !) revoir son pays, les aires de jeu de son enfance, les eaux boueuses de l'Euphrate et du Tigre (Dajla), autrefois, aussi limpides que les yeux de sa mère... Et pourtant, la brume de Londres, sa culture séculaire, sa civilisation légendaire et ses femmes sensuelles n'ont jamais réussi à faire oublier à Salah Niazi cet amour « viscéral » : « La splendeur des étoiles ne me fait pas oublier les filles de Naâche(*) Elles sont la seule lumière de mon univers ! » Univers de rêves brisés, d'amour perdu, de nostalgie devenue modèle de vie. Hallucination de l'errance. Cauchemar des longues nuits blanches passées dans les aéroports froids : « D'un pays à l'autre par les nuits ‘‘brumeuses'', la tristesse est symbole d'un monde fou ! Seul espoir, mes racines accrochées au ciel ! » Dans quel sens ? Le poète est-il debout ou pendu par les pieds, la tête dansant au-dessus d'un vide hallucinant ? Salah Niazi garde son secret car, dit-il : « Il y a longtemps que je suis entrée dans le temple du mystère ! » Et pourtant, le poète ne croit pas « au mystère », lui dont le peuple martyrisé depuis des siècles est certainement l'une des plus grandes tragédies de « cette humanité » si... cruelle ! (*) Salah Niazi : Poèmes pour Naâche (version arabe)