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Plus rien ne sera comme avant
Publié dans La Tribune le 30 - 01 - 2011

Dans le Contrat social, Rousseau soulignait : «L'homme est né libre. Tant qu'un peuple est contraint d'obéir et qu'il obéit, il fait bien ; sitôt qu'il peut secouer le joug, et qu'il le secoue, il fait encore mieux. Mais l'ordre social est un droit sacré.» Par comparaison à ce qui se passe en Egypte actuellement, qui s'est passé en Tunisie, voire en Algérie simultanément, rien n'est inventé dans la vérité vraie assenée par Jean-Jacques Rousseau il y a près de trois siècles déjà.Rien ne va plus en Egypte et rien n'ira plus comme avant dans l'ensemble des pays arabes dès lors que les peuples remettent en cause leurs dirigeants, ne se contentant plus de leur contrition, pour ne pas dire leur repentance, et considèrent que dès lors que la rupture est, il n'est plus question d'inverser la vapeur. C'est dans cet ordre d'idées que toutes les concessions faites par Moubarak, et avant lui Ben Ali, ont été évacuées d'un revers de main par les mouvements citoyens excédés d'une tutelle, sinon d'un ridicule paternalisme qui les a ravalés à un semblant d'êtres humains.
Arrivée à un stade de la contestation qui se chiffre par dizaines de morts et des milliers de blessés, il paraît pour le moins très peu évident que la rue égyptienne se contente du saupoudrage de mesures prises par le raïs. Car, pour une fois, dans tous les pays du Maghreb et du monde arabe, les peuples ont pleinement saisi la nature même de leur mal-être, un mal-être allègrement attribué par l'opinion internationale et leurs médias à une crise non pas politique, comme ils sont en droit d'en avoir à l'instar du reste des autres populations du monde, mais à la réaction d'un estomac, d'un ventre qui crie famine. Triste et ridicule réduction d'un malaise général, dont les racines sont nettement plus profondes et bien loin des sautes d'humeur populaires liées à la non-légalisation du mariage homosexuel, du recul de l'âge de la retraite, de la remise en cause de la semaine des trente-cinq heures dans des pays où les jeunes ne demandent qu'à travailler.Les raisons de la colère sont autrement plus nobles que celles qui sont prêtées aux Tunisiens, Algériens, Egyptiens, Jordaniens et Yéménites. Elles ont pour dénominateur commun le droit de vivre dans la dignité, de constater dans les faits que l'égalité des chances n'est pas un creux slogan, que la fracture sociale cesse de prendre de l'ampleur, confirmant que dans l'ensemble des pays évoqués n'émergent plus que deux strates essentielles : les patriciens et la plèbe, la nomenclature et le lumpenprolétariat.Rousseau toujours a estimé, il y a trois siècles, que par la force, «le peuple recouvre sa liberté par le même droit (force) qui la lui a ravie, ou il est fondé à la reprendre, ou on ne l'était point à lui ôter».«C'est toi qui doit partir» a répondu la rue égyptienne au raïs qui sacrifie Premier ministre et gouvernement. Et même si cela paraît très peu évident compte tenu des dommages collatéraux et même des incalculables conséquences sur la stabilité de la région, et donc celle de l'Etat sioniste et de ses alliés inconditionnels, il n'en demeurera pas moins que, dorénavant, plus rien ne sera comme avant.
A. L.


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