Décidément, les Américains ne manquent pas d'ingéniosité ces jours-ci pour choisir les termes exprimant leur soutien à la «démocratie», qui semble avoir le vent en poupe au Proche-Orient, et leurs appréhensions que les changements apportés ne vont forcément pas dans le sens qui arrangerait les intérêts de la première puissance mondiale et de ses alliés de toujours. Des régimes qui ont bénéficié de la bénédiction des Américains et qui découvrent, aujourd'hui, que la bannière étoilée peut du jour au lendemain les priver d'un soutien qu'il croyait éternel. Cette position confuse a été si bien traduite, hier, par la porte-parole de la diplomatie américaine Mme Hillary Clinton, lors de la 47e conférence sur la sécurité à Munich, au sud de l'Allemagne. Mme Clinton a prévenu que la marche vers la démocratie au Moyen-Orient, qu'elle n'a «cessé de soutenir», présentait néanmoins des «risques de chaos». Elle ne manquera pas de préciser que la conjoncture était «parfaite» pour une «tempête». Analysant une situation que les Etats-Unis feignent de ne pas voir, la chef de la diplomatie américaine relèvera que «sans progrès vers des systèmes ouverts et responsables, le fossé entre les peuples et leurs gouvernements va s'accroître et l'instabilité s'aggraver». A travers la région du Moyen-Orient, plaide Mme Clinton, «il doit y avoir un progrès évident et réel vers des systèmes transparents, honnêtes et responsables». Elle ne manquera pas d'ajouter qu'«à l'heure actuelle, dans certains pays, cette transition avance rapidement, dans d'autres, cela prendra plus de temps». Une allusion claire, pensent avoir décelé dans ces propos les initiés au langage diplomatique, aux contextes différents de la contestation en Tunisie, qui a chassé le président Ben Ali, et en Egypte, où le président Hosni Moubarak refuse de partir dans l'immédiat. La chef de la diplomatie américaine fera observer qu'il existait «des risques occasionnés par cette transition vers la démocratie». «Cela peut engendrer le chaos et une instabilité à court terme, voire pire. Nous avons observé cela dans le passé, la transition peut amener une régression vers un autre régime aussi autoritaire que celui que les citoyens d'un pays ont voulu abattre», a encore souligné Mme Clinton. «Au Moyen-Orient, nous n'avons pas vu la démocratie et l'économie converger dans le même sens», ne manquera-t-elle pas de préciser. Selon elle, il est tout à fait normal que les jeunes de moins de 30 ans, une fraction très importante de la population des pays arabes, exigent des «gouvernements plus efficaces, plus en phase avec leurs besoins». «Sans progrès vers des systèmes ouverts et responsables, le fossé entre les peuples et leurs gouvernements va s'accroître et l'instabilité s'aggraver», a-t-elle souligné encore. «A travers la région du Moyen-Orient, il doit y avoir un progrès évident et réel vers des systèmes transparents, honnêtes et responsables», a-t-elle insisté. Dans ce sillage, elle a tenu à saluer la «retenue» qu'ont montrée, selon elle, les autorités égyptiennes «lors des grandes, mais pacifiques manifestations» de vendredi dernier. Il serait, en effet, «incomparablement plus difficile» pour tout gouvernement de prendre des décisions déjà délicates, si ledit «gouvernement et les forces de sécurité ne montrent pas de la retenue», a-t-elle souligné. «La transition ne peut fonctionner que si elle est délibérée, concertée et transparente», a-t-elle ajouté. En particulier pour ce qui concerne l'Egypte, «il est important de soutenir le processus de transition annoncé par le gouvernement égyptien» et que l'application de ce processus «convainque les personnes engagées» dans le mouvement de contestation «qu'il permettra la tenue dans l'ordre des élections prévues en septembre». Selon elle, le président Hosni Moubarak a «transmis à son gouvernement un message clair afin de conduire et soutenir ce processus de transition». Mais si «les principes sont clairs, les détails pratiques constituent un défi», a-t-elle reconnu. G. H.