Du 8ème de finale de la Coupe du monde 2006 entre le Brésil et le Ghana à un obscur match d'un championnat de jeunes en Ecosse, le journaliste et universitaire canadien Declan Hill en est persuadé : le football est en danger, menacé par les mafias du jeu et la corruption. Pendant trois ans, Hill a enquêté dans les coulisses les moins reluisantes du sport le plus populaire du monde, celles des mafias asiatiques qui parient d'énormes sommes d'argent sur des matches suivis par une dizaine de spectateurs en Ecosse ou Finlande, celles des intermédiaires qui paient des joueurs pour qu'ils «lèvent le pied». Le résultat de son enquête paraît mercredi en France sous le titre «Comment truquer un match de foot?» et son message ne prête guère à l'optimisme. «Le football court un danger très, très sérieux […] car les hommes qui ont détruit certains championnats en Asie sont en train de débarquer en Europe», a prévenu Hill, lundi dernier, lors de la présentation de son livre à Berlin. Ce docteur de l'université d'Oxford, spécialisé dans le crime organisé, assure avoir rencontré l'un des parrains de la mafia asiatique du jeu, un homme qu'il désigne sous un nom fictif, Lee Chin. Lors d'une de leurs rencontres à Bangkok en novembre 2005, Lee Chin répond à ses questions tout en menant ses affaires au téléphone. A l'issue d'un de ces coups de fil, il assure Hill que des intermédiaires étaient en train d'approcher des joueurs du Ghana en vue de la Coupe du monde 2006. Deux jours avant le 8ème de finale entre le Brésil et le Ghana, ils se parlent à nouveau : «Il m'a dit que le Ghana allait perdre avec au moins deux buts d'écart», rappelle-t-il. Après une belle résistance, le Ghana s'incline finalement 3 à 0 devant la Selecçao : «Je ne dis pas que tous les joueurs ghanéens ont été achetés, mais je dis qu'il y a eu, c'est certain, quelque chose autour de ce match», insiste Hill. Au cours de ses investigations, Hill rencontre Stephen Appiah, un joueur ghanéen, qui reconnaît avoir été en contact avec des organisateurs de paris : «Les intermédiaires sont constamment là dans tous les tournois. Moi, j'ai reçu de l'argent deux fois lors du Mondial 1997 des moins de 20 ans et des JO 2004. Pas pour perdre mais pour gagner», explique-t-il calmement à son interlocuteur. Hill évoque également un ancien international ghanéen, un temps entraîneur des moins de 17 ans de son pays, qu'il a vu jouer le rôle d'intermédiaire entre parieurs et joueurs. Cette industrie génère «plusieurs milliards de dollars de chiffres d'affaires» en Asie, s'inquiète Hill qui a demandé à ses avocats de faire suivre à la justice enregistrements et photos étayant ses accusations «s'il devait m'arriver quelque chose ou à un membre de ma famille». «Le football européen est comme un magasin de bonbons, dont les portes seraient grandes ouvertes pour ces organisations», prévient-il. «Tous les championnats professionnels nord-américains ont des services de sécurité avec des policiers de haut rang en charge de la surveillance du crime organisé. Pas la fédération allemande, l'UEFA ou la FIFA», rappelle Hill.