Assis sur la plus riche réserve mondiale de platine, le royaume sud-africain des Bafokeng tranche avec les autres royautés traditionnelles du pays, en raison d'infrastructures et d'aides sociales développées qui attirent les migrants d'autres régions. Mais la richesse de la tribu des Bafokeng est réservée à ses membres. Chacun des 29 villages bafokeng, à 120 km au nord-ouest de Johannesburg, se targue de disposer d'une clinique, d'une école, de routes entretenues et d'eau courante dans quasiment tous les foyers. A Phokeng, la «capitale» du royaume accolée à la municipalité de Rustenburg, trône le joyau de la couronne : le stade rénové qui a accueilli la Coupe du monde de football 2010. «Cela a placé Phokeng sur la carte du monde», affirme Joseph Rapetsana, un des 75 chefs traditionnels bafokeng. Dans un pays où 43% des 49 millions d'habitants vivent dans la pauvreté, les Bafokeng font figure d'exception. Ils ont acheté dès le XIXe siècle leur terre qui s'est révélée en 1924 riche en platine. Après de longues batailles judiciaires, ils en retirent aujourd'hui chaque année entre 700 et 800 millions de rands (78 à 89 millions d'euros, 103 à 117 millions de dollars) sous la forme de dividendes ou de royalties. Preuve de ce succès : l'entrée à la Bourse de Johannesburg en novembre de Royal Bafokeng Platinum, une des trois entreprises minières exploitant le platine de la région et détenue à 53% par la tribu. Une partie des revenus est reversée à la population sous forme de bourses scolaires, d'encouragement à l'entrepreunariat local ou de cantines gratuites pour les écoliers. Le reste est réinvesti dans les assurances, l'industrie, les banques ou encore la téléphonie mobile avec l'acquisition de 2% de Vodacom.«Nous avons besoin de nous assurer qu'il y aura une vie après le platine», qui devrait être épuisé dans cinquante ans, explique au magazine Financial Mail Niall Carroll, responsable du Royal Bafokeng Holdings qui gère les investissements de la tribu. Sur le terrain, les 200 000 habitants apprécient mais estiment que leur roi Leruo Molotlegi pourrait encore faire mieux. «Si j'ai une note à lui donner, c'est cinq sur dix. A Phokeng, on est bien, mais le développement des villages vient toujours après», regrette Boitumelo. La richesse est toutefois réservée aux membres de la tribu. Les maisons en brique des Bafokeng, qui occupent gratuitement un lopin de terre tribale, côtoient souvent les misérables baraques en tôle où logent les mineurs venus de l'extérieur. Dans le bidonville du village de Photsaneng, à deux pas d'une des mines d'Anglo Platinum, Thulane Mahlalela se débat pour survivre. Arrivé il y a quatre ans dans l'espoir de se faire embaucher comme mineur, il est au chômage. «Il n'y a ni eau ni électricité», se plaint-il. «Rien n'est fait pour développer cet endroit afin de ne pas encourager les migrants», reconnaît Lucain Paulik, chargé des infrastructures de la royauté. «Mais ils peuvent bénéficier de l'école et de la clinique du village.» Pour Martin Selepe, auteur d'une thèse sur «le rôle des chefs traditionnels dans la promotion des services publics en Afrique du Sud», cet afflux de mineurs en quête d'emploi représente «le principal problème rencontré par les Bafokeng». Il pose un sérieux défi aux infrastructures locales et accentue, selon lui, les maux liés à la pauvreté dans l'ensemble du pays : alcoolisme, sida et criminalité.