Le nouveau wali rencontre la presse nationale    Le Général d'Armée Chanegriha se rend à l'exposition des hydrocarbures et du gaz et à la 15e Brigade blindée au Koweït    Les prix du litre d'huile d'olive flambent    Place de l'Europe et de l'Algérie au sein de l'économie mondiale    Nécessité de repenser la coopération scientifique entre les pays africains    «La situation est catastrophique à Gaza»    Un infatigable défenseur du droit international et de la cause palestinienne    Attaf appelle à des actions « osées » pour sauver le multilatéralisme mondial    Le wali inspecte les chantiers de logements    Ligue 1 Mobilis : un match à huis clos pour l'ES Mostaganem    ASMO-USMBA et WAM-RR, têtes d'affiches du dernier tour régional    Le MCA réussit sa sortie contrairement au CRB    Trois membres d'une même famille sauvés d'une mort par asphyxie à Oued Rhiou    Journée d'étude organisée pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes    Ouverture de la 4e édition en hommage à Noureddine Saoudi    Le MET numérise ses publications    Le 8e Festival international de l'art contemporain s'ouvre à Alger    Clôture à Alger des travaux de l'AMASA 2024    Prise en charge des préoccupations des citoyens : des experts saluent la réactivité du Gouvernement aux instructions du président de la République    Le Conseil de la nation participe à Lisbonne à la conférence de la Coordination européenne pour le soutien et la solidarité avec le peuple sahraoui    Arkab examine avec l'ambassadeur de la République de Singapour les moyens du renforcement de la coopération bilatérale    Le 192e anniversaire de la "moubaya'â" à l'Emir Abdelkader au centre d'une conférence historique à Alger    Tindouf : des membres de l'APW en visite au siège du Conseil de la nation    Journée de solidarité avec le peuple palestinien: la cause palestinienne continue de triompher face au génocide sioniste    ANP : reddition d'un terroriste à Bordj Badji Mokhtar et arrestation de 5 éléments de soutien aux groupes terroristes    Poursuite des efforts pour accompagner les détenus des établissements pénitentiaires et favoriser leur réinsertion sociale    Le projet de création d'une cellule de veille pour la protection des enfants contre le cyberespace, fin prêt en 2025    Tennis de Table: l'Assemblée générale ordinaire de la fédération algérienne fixée au 29 novembre à Souidania    Hand/CAN-2024 dames (1re journée/Gr.A): l'Algérie s'impose face au Cap-Vert 20-16    Sport / Jeux Africains militaires-2024: cinq médailles d'or pour l'Algérie en judo    L'Algérie présente ses condoléances suite au décès de l'avocat français Gilles Devers    Association "3e millénaire" : trois artistes honorés à Alger    Le recteur de Djamaâ El-Djazaïr reçoit le président de la Commission de la sécurité nationale et de la politique étrangère du Conseil de la Choura islamique iranien    Entrée en vigueur d'un cessez-le-feu au Liban après plus d'un an d'agression sioniste dévastatrice    Vers le renforcement des relations militaires entre l'Algérie et le Koweït    Le président de la République préside la cérémonie de célébration du 50eme anniversaire de l'UNPA    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le modèle «ville lente» contre le «culte de la vitesse»
140 villes adhèrent au réseau international Cittaslow
Publié dans La Tribune le 26 - 02 - 2011

«Les gens qui travaillent n'ont pas le temps de venir.» Lafayette Gatling est un visionnaire. Cet entrepreneur du pays des
fast-foods a créé un «drive-through funeral». Un peu comme un McDonald's, où le client pressé n'a pas besoin de sortir de sa voiture pour commander son sandwich. Sauf qu'ici, le hamburger est un défunt. Pas question de l'emporter, évidemment, mais de signer le registre de condoléances et de voir les restes de l'être aimé sans avoir besoin de quitter sa voiture. Cette sordide expérience, relatée par le New York Times dans son édition du 23 février 1989, traduit de façon assez caricaturale la course à la vitesse dans laquelle nous sommes lancés. Du «plus haut, plus vite, plus fort», du baron Pierre de Coubertin à la maxime de Benjamin Franklin, «le temps, c'est de l'argent», en passant par le speed dating et autres «clé minute» et Chronopost®, la «course contre la montre» des cyclistes professionnels s'est étendue à toute notre société. A l'image du lapin d'Alice, les yeux rivés sur son réveil, on se dépêche pour ne pas être «en retard, en retard, en retard». Sauf à Segonzac.
Segonzac, première ville lente française
Cette petite ville charentaise d'un peu plus de 2 000 habitants est devenue, le 8 mai 2010, la première en France à adhérer au réseau de «ville lente» Cittaslow. Là-bas, la lenteur est synonyme de qualité de vie. Respect des saisons, des produits authentiques, des
traditions. Promotion des paysages inchangés par l'homme, des modes de circulation doux, de l'écologie et des lieux de rencontre et réflexion (café, théâtre, bar, restaurant). Bref, «la joie d'une existence lente et silencieuse», comme on peut lire sur le site de l'association. Colette Laurichesse, l'adjointe au maire qui a porté ce projet, explique : «L'idée est venue de l'Office du tourisme. Nous pensions que nous avions un déficit d'image et Cittaslow nous correspond. Ici, la lenteur n'est pas un repoussoir. Nous sommes dans le vignoble du cognac. La vigne demande du temps pour produire. Ensuite, le cognac demande du temps pour vieillir. Nous avions donc une sorte de philosophie de la lenteur où l'on se donne le temps de bien faire les choses.»
«Plus vous allez, vite, plus vous êtes stressé»
Segonzac fait donc partie des 140 villes du mouvement Cittaslow, initié en 1999 par l'Italien Paolo Saturnini, maire de la ville de Greve. Un prolongement du concept de Slow Food lui aussi né en Italie en opposition à l'ouverture d'un McDonald's sur une place historique de Rome.Segonzac, qui partage avec Cittaslow l'escargot pour emblème, pourrait faire des émules. Grigny a déposé une demande d'adhésion. En ce mois de février, la ville du Rhône attend toujours son label. Cittaslow, qui leur a répondu par mail, se dit «intéressé» par leur candidature. L'organisation devait leur envoyer un dossier à remplir en janvier 2011, mais ils l'attendent toujours. «C'est en bonne voie», assure-t-on pourtant à la mairie.René Balme, le maire (parti de gauche) de Grigny s'étouffe un peu quand on lui loue la vitesse. «Allez vite ? Pour quoi faire ? Plus vous allez vite, plus vous êtes stressé ! Je suis pour la décroissance. Les ressources ne sont pas infinies, or nous sommes de plus en plus nombreux sur cette petite planète qui nous supporte. Ayons une réflexion par rapport à notre avenir et à nos modes de vie. Par exemple, ici, on ne favorise pas la voiture. Le rapport à l'automobile est surréaliste. Les parents la prennent pour parcourir 10 mètres et déposer leurs enfants à l'école. S'ils pouvaient rentrer dans la cour, ils le feraient !»
L'homme à l'accent cévenol est un camarade de combat de Paul Ariès, grâce à qui il a connu Cittaslow. Ce grand partisan de la décroissance insiste : «Il faut restaurer une dimension qualitative du temps. Dans les villes lentes, par exemple, on prône un droit à la nuit, avec la diminution de l'éclairage public. Le but premier n'est pas énergétique. Il est de redonner une épaisseur au temps. Même si l'on pouvait accélérer toujours plus, il faudrait le refuser pour rester des humains.» Les contempteurs de la vitesse se trouvent rarement du «bon» côté de l'histoire. Celui des «vainqueurs». Ariès reconnaît : «Il y a toujours eu une deuxième gauche, anti-productiviste qui plonge ses racines dans des résistances spontanées et populaires au productivisme. Jusqu'ici nous avons toujours perdu.» Mais il pense que la crise environnementale va changer la donne. «Notre mode de vie n'est pas généralisable», affirme Ariès.
Une triple accélération
L'opposition à l'accélération n'est pas nouvelle, comme le montre dans son récent et roboratif essai, Accélération, le philosophe et sociologue allemand Hartmut Rosa. «Toute nouvelle technologie de l'accélération a suscité lors de son apparition une forme de conflit culturel : les ardents défenseurs des technologies nouvelles, de leurs possibilités et de leurs promesses avaient des adversaires non moins résolus qui mettaient en garde contre toute perte de mesure humaine et de possibilité de maîtrise du “monde vécu”, aussi bien que contre les conséquences nuisibles, physiques et psychiques, de la technologie en question», écrit le sociologue.La vitesse des moyens de locomotion entraînerait, redoutait-on à l'époque, la «déformation faciale du cycliste», la décomposition du cerveau ou des troubles digestifs. Pour Hartmut Rosa, l'accélération sociale que nous vivons a trois facettes :- Accélération technique : avec la révolution des transports et des moyens de communication qui aboutissent à une «compression de l'espace». (On est passé en quelques siècles d'une vitesse de déplacement de 15 km/h à 1 000 km/h avec les voyages dans l'espace.)- Accélération du changement social : la radio par exemple a mis 38 ans pour atteindre cinquante millions d'appareils de réception, quand la télévision (pour atteindre ce même chiffre) n'en a mis que 13.- Accélération du rythme de vie, avec la réduction du temps de sommeil, de celui des repas, etc.Nous ferions tout plus vite, même parler. Et notre philosophe de citer une étude du politologue Ulf Torgersen qui montre que, dans les discours au Parlement norvégien, «le nombre de phonèmes articulés par minute a augmenté progressivement de près de 50%, passant de 584 en 1945 à 863 en 1995». Résultat, nos sociétés seraient désynchronisées car les temps politiques, économiques, écologiques et individuels obéissent à des rythmes différents. L'individu vivrait déboussolé. En perte de repères. La «“compression” du présent, c'est-à-dire la réduction progressive des durées pendant lesquelles on peut s'appuyer sur un corpus de connaissances, d'orientations pour l'action et de pratiques stables, s'avère être l'effet de l'accélération sociale le plus lourd de conséquences», note-il. D'où une perte d'autonomie et une aliénation.
«Nous nous trouvons au bord d'une mutation historique considérable»
Caractérisant notre époque, l'historien François Hartog parle de présentisme. Aux temps anciens, on se tournait vers le passé. Puis à partir du XVIIIe siècle vers le futur avec la croyance dans le «progrès». Nous évoluerions désormais dans un nouveau rapport au temps, comme il l'explique dans le numéro d'octobre 2010 de la revue Vacarme. Dans cet entretien, il définit le présentisme comme «une espèce de présent qui se voudrait auto-suffisant. C'est-à-dire quelque chose d'un peu monstrueux qui se donnerait à la fois comme le seul horizon possible et comme ce qui n'a de cesse de s'évanouir dans l'immédiateté».L'urbaniste et philosophe Paul Virilio va même plus loin. «La révolution des transports a provoqué l'insécurité du territoire, le crépuscule des lieux. La révolution des transmissions instantanées provoque l'insécurité de l'histoire. Aujourd'hui, nous ne sommes même plus dans le présentisme, mais dans l'instantanéisme. L'instant est au centre du temps. Avec les technologies de l'instantanéité, de l'ubiquité comme le portable, nous sommes partout chez nous. Nous nous trouvons au bord d'une mutation historique considérable : la fin de l'ère de la sédentarité», prophétise celui qui travaille depuis quarante ans sur cette question du temps et de la vitesse et qui a publié en 2010 le Grand Accélérateur.Pour faire face, il préconise un ministère de l'Aménagement du temps. «Du temps qu'il fait [dimension écologique, NDLR] et du temps qu'il faut. C'est-à-dire des rythmes qui correspondent à l'être humain et non pas cet empressement qui est insupportable.»
Paul Ariès, lui, mise sur la décroissance pour contrer ce «fétichisme de la vitesse». «Il faut faire du rapport au temps un enjeu du combat politique. Depuis presque deux siècles, nous avons mis presque toute notre intelligence collective pour inventer des prothèses techniques à accélérer. Nous considérons qu'il faut mettre la même intelligence dans l'invention de prothèses à ralentir», estime-t-il.
Vu le diagnostic, il faut vite se mettre au travail.
A. N.
In slate.fr


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.