Photo : Sahel Par Samir Azzoug Des affrontements entre les forces de l'ordre et les habitants de Climat-de-France (Oued Qoreïch Alger) ont éclaté, hier à 5 heures du matin. Dès les premières heures de la journée, une opération de destruction d'habitations illégales tourne à l'émeute. Doublement surpris par la soudaineté de la mesure et la violence des forces de l'ordre, les citoyens de Climat-de-France ne reviennent pas de l'évènement qui a secoué leur cité. «Sans aucun préavis, dès les premières lueurs du jour, on s'est réveillés au bruit du moteur de l'engin à quelques mètres de la bâtisse. Je croyais qu'ils allaient la détruire sur nos têtes», raconte une jeune maman avec son bébé de quelques jours dans les bras. «Je me suis extirpée de là comme une voleuse», poursuit-elle.Cette soudaineté de l'opération a surpris tous les habitants. Ils assurent pourtant avoir eu des garanties du président de l'APC qu'ils pouvaient construire en toute sécurité. «Il y a de cela une vingtaine de jours, les autorités sont venues pour détruire ces bâtisses qui n'étaient pas encore finies. On a alors désigné des délégués qui se sont réunis avec le maire et le commissaire. Ils nous ont dit que ceux qui avaient déjà commencé à construire peuvent finir les travaux à condition que personne d'autre ne s'installe», assure un père de famille. «Je les ai crus. J'ai vendu tous mes bijoux pour pouvoir finir la construction de mon F1. Et, aujourd'hui, on détruit. Nous sommes tous des habitants du quartier. Nous n'avons jamais bénéficié, depuis l'indépendance, d'opérations de relogement. Et maintenant qu'on nous autorise à construire à nos frais, on détruit !» s'étonne la jeune mère. «J'en ai marre de l'exiguïté. On s'entasse à dix personnes dans un appartement de 18 m2. C'est insupportable. Je dors à côté de mes sœurs. C'est une honte. J'ai juste envie qu'un jour je puisse dormir en short sans me sentir gêné», peste Mourad, la trentaine. Le constat est le même et les images identiques dès qu'on pénètre dans un des appartements de la cité. Des chambres (quand il y en a plus d'une), où s'entassent des matelas. Pas de place pour le mobilier. A tous les coups, les résidants, fiers et humbles, présentent deux, trois, voire quatre livrets de famille attestant de la cohabitation de plusieurs familles dans l'appartement. Mais le point commun dans l'ire des jeunes et moins jeunes, des femmes comme des hommes, reste la violence de l'intervention des forces de l'ordre. Plusieurs familles insistent pour faire visiter leurs demeures victimes de jets de pierres, de bombes lacrymogènes et de balles en caoutchouc. Des femmes présentent des ecchymoses sur les bras, les jambes et certaines sur leur visage. Les mains pleines, un adolescent exhibe des cartouches de fusil, des balles en caoutchouc et les restes de bombes lacrymogènes. «Ils étaient (les policiers) d'une violence insupportable. Non seulement ils nous ont tiré dessus avec leurs armes et des galets, mais il fallait voir l'obscénité de leurs gestes et paroles !» regrette une sexagénaire. «Moi qui viens d'accoucher, un policier me faisait des gestes d'une vulgarité rare. J'ai essayé de parler à un officier, il m'a dit qu'ils étaient sous pression. Qu'ils n'ont pas vu leurs familles depuis trois ou quatre mois. Mais ils nous ont traités comme des malpropres. Ils nous ont insultées, jeunes et vieilles», se désole une femme en rage. Et c'est ce dernier point qui exacerba davantage la colère des jeunes du quartier. «Ils ont brisé la «horma», ils ont insulté nos mères et nos femmes. On ne leur pardonnera jamais ça !» peste un jeune qui promet que la nuit sera un «cauchemar si les forces de police ne quittent pas les lieux. On n'est pas des voyous. On n'est pas des émeutiers, notre cité est reléguée aux oubliettes depuis des années, on a toujours supporté notre douleur en silence. On a des frères et voisins policiers, cadres, étudiants, travailleurs. Mais là, ce sont eux qui nous ont provoqués et on ne va pas se taire. N'oubliez jamais que le 5 octobre 1988 avait débuté ici», avertit un jeune blessé par une balle en caoutchouc en pleine tête. Et un autre de renchérir : «Ce soir (mercredi), on va leur montrer. Des jeunes de Beau-Fraisier (un autre quartier de Bab El Oued) sortiront aussi. Les policiers payeront cher leurs provocations.» Hier, 15 heures. Plusieurs dizaines de jeunes présentaient des hématomes et des blessures sur différentes parties de leurs corps. Des rumeurs faisaient état du décès d'un enfant en bas âge dû à l'inhalation de gaz lacrymogène. Une information non confirmée. En revanche, un jeune de 17 ans aurait perdu l'usage d'un œil. Certaines sources font état d'une centaine de blessés côté habitants et d'une cinquantaine de policiers. Des groupes d'habitants affirmaient s'être organisés en groupes et «comités» pour répondre aux «provocations».