Le régime syrien confronté à un vent de révolte inédit tente de calmer la contestation qui secoue le pays depuis dix jours. Dernier geste d'apaisement en date, la libération de plus de 250 détenus politiques. Mais les contestataires ne veulent pas en rester là. Le mouvement contre le régime de Bachar al-Assad va en s'intensifiant. Un appel à une «révolte populaire» dans toutes les provinces syriennes est toujours de mise sur les réseaux sociaux. Des centaines de personnes étaient descendues la veille dans les principales villes du pays. Parmi les libérés, une grande majorité d'islamistes mais également 14 Kurdes, selon Abdel Karim Rihaoui, président de la Ligue syrienne de défense des droits de l'Homme, basée à Damas. Le militant syrien appelle le gouvernement à «compléter cette mesure en libérant les autres détenus politiques encore incarcérés». L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a précisé que les «détenus avaient été libérés de la prison de Sednaya, en grande majorité des islamistes, après avoir signé une demande de libération». Le 5 juillet 2008, une révolte dans cette prison, qui compte environ 10 000 détenus, avait fait au moins 17 morts parmi les prisonniers. Le régime a réprimé, parfois dans le sang, les islamistes qui contestaient son pouvoir. En 1982, des dizaines de milliers de personnes ont été tuées lors du bombardement ordonné par Al Assad père contre la ville de Hama. Les autorités syriennes se disent prêtes à envisager l'annulation de l'état d'urgence instauré en 1963, et ont promis des mesures anti-corruption, au lendemain de manifestations réprimées dans la ville de Deraa dans le Sud. La répression a fait 100 morts, selon des militants et 55, selon Amnesty International. Et la contestation ne semble pas prête à s'estomper. Selon un responsable syrien, il y a eu 13 morts, dont deux pompiers, et un employé tué par des protestataires, alors que des militants des droits de l'Homme font état d'au moins 25 morts parmi les manifestants. Selon des informations, 10 contestataires ont été tués à Sanamein dans le Sud lors d'un accrochage avec l'armée, alors qu'à Homs à 160 km au nord de Damas, le gardien d'un club militaire a été abattu. A Maadamié près de Damas, des individus ont ouvert le feu sur des pompiers, tuant deux d'entre eux. Le journal gouvernemental Techrine, pour sa part, explique dans son édition d'hier qu'à Sanamein, «un groupe armé a attaqué le quartier général de l'armée populaire et plusieurs agresseurs ont été tués». Des villageois dans le sud de la Syrie ont incendié un siège du parti Baath et une station de police lors des funérailles de trois manifestants tués la veille par les forces de sécurité, selon des militants des droits de l'Homme. Deux personnalités du pouvoir concentrent la haine populaire : Maher Al Assad, frère du Président et commandant de la Garde républicaine, et Rami Makhlouf, cousin du Président, richissime propriétaire de Syriatel. A eux deux, ils incarnent la brutalité et la corruption qui minent le pouvoir en Syrie. M. B.