C'est incontestable, le président syrien, Bachar Al Assad, est confronté à la plus grande vague de contestation de son régime alors que les manifestations se sont étendues vendredi dans plusieurs villes du pays. Selon des responsables hospitaliers, des dizaines de personnes ont été tuées cette semaine près de la ville de Deraa, épicentre de la protesta dans le sud du pays, et selon des témoignages, une vingtaine de protestataires ont été tués lors de la seule journée de vendredi. Des manifestations ont eu lieu vendredi dans la capitale, Damas, et à Hama, plus au nord, théâtre d'une répression sanglante d'un soulèvement islamiste qui avait fait jusqu'à 20 000 morts sous le régime de Hafez Al Assad, en 1982. Dans une autre ville du sud du pays, à Tafias, des villageois ont incendié un siège du parti au pouvoir, le Baas, et une station de police. A Sanamein, dans le sud du pays, des habitants ont rapporté que 20 personnes avaient été tuées lorsque des hommes armés ont ouvert le feu sur la foule rassemblée devant un bâtiment utilisé par les services de renseignements militaires. Les autorités syriennes ont accusé des opposants armés de participer aux manifestations et ont estimé que l'usage de la force était justifié. Tôt hier, des mosquées de Deraa ont annoncé le nom des «martyrs» dont les funérailles devaient être organisées plus tard dans la journée. Sur une place du centre-ville, les employés municipaux ont balayé les restes d'une statue de Hafez Al Assad déboulonnée la veille par des manifestants. Des dizaines de milliers de personnes qui ont participé aux obsèques de manifestants tués cette semaine ont scandé «Liberté» à l'issue des prières du vendredi. Après le déboulonnage de la statue de Hafez Al Assad, des membres des forces de sécurité en tenue civile ont ouvert le feu à l'arme automatique sur les manifestants à partir de bâtiments alentour. La foule d'environ 3000 personnes s'est alors dispersée sous une pluie de balles et de grenades lacrymogènes. Dans la soirée, les forces de sécurité semblaient avoir disparu et une foule s'est de nouveau rassemblée sur la place principale de Deraa et a incendié un bâtiment public, ont rapporté des témoins. Par ailleurs, les autorités syriennes ont libéré vendredi soir plus de 260 détenus politiques, en grande majorité des islamistes, a affirmé hier l'Observatoire syrien des droits de l'homme basée à Londres. Hier encore, un appel à la révolte dans toutes les provinces de Syrie a été lancé sur Facebook. La veille, les manifestations ont gagné plusieurs villes de Syrie dont Damas, et ont fait au mois 13 morts. Amnesty International a établi à au moins 55 morts le bilan de la répression des manifestations au cours de la semaine écoulée. Al Assad fils avait annoncé jeudi qu'il étudiait la levée de l'état d'urgence en vigueur depuis la prise de pouvoir du parti Baath en 1963 et a promis une législation sur la liberté de la presse ainsi que sur les partis politiques. Selon l'International Crisis Group, il pourrait faire de nouvelles concessions afin d'éviter une confrontation et lancer des réformes politiques et économiques. Pour sa part, Maamoun Al Homsi, figure de l'opposition syrienne en exil, a exhorté vendredi la communauté internationale à intervenir pour mettre un terme «au massacre des civils». La répression de manifestations a été condamnée par la communauté internationale mais les observateurs ne croient pas à une intervention militaire en Syrie, alliée de l'Iran et impliquée dans les multiples points chauds de la région.