Le procès en appel de Kaing Guek Eav, plus connu sous le nom de Douch, s'est ouvert hier à Phnom Penh, la capitale du Cambodge. Ce tortionnaire qui avait supervisé la torture et l'exécution de plus de 15 000 civils innocents cambodgiens a été présenté hier par ses avocats comme un «simple secrétaire» du régime de Pol Pot. «Douch n'était qu'un secrétaire qui n'avait pas d'autorité réelle pour prendre des décisions ou faire quoi que ce soit en contradiction avec la direction ou les ordres fixés par les échelons supérieurs», a résumé Me Kar Savuth, l'un de ses deux avocats. Cet ancien instituteur de mathématiques, nommé responsable de la tristement célèbre prison S21, a été condamné en juillet 2010 à 30 années de prison lors d'un exceptionnel procès qui a duré presque un mois. Le procès a été retransmis à la télévision publique locale et a bénéficié d'une large couverture médiatique internationale vu l'atrocité et la sauvagerie du régime de Pol Pot qui a procédé à l'exécution de presque un quart de la population durant la décennie 1970. Les avocats de Douch, qui a fait des aveux complets lors du premier procès, veulent la libération pure et simple de leur client, estimant que la Cour suprême du tribunal spécial du Cambodge, parrainé par l'Onu, n'est pas habilitée à traiter une telle affaire et à émettre un jugement. «C'est une question purement légale. Je donne autorité à mes conseils pour agir en mon nom», a-t-il brièvement déclaré aux juges avant de retourner s'asseoir. Les avocats de Douch ont tenté de laver leur client de tous les crimes commis dans la prison S21, en le réduisant à un simple agent d'un centre de détention ordinaire. «Douch n'était qu'un outil utilisé par ces gens et doit en conséquence tomber hors de la juridiction de la cour […] S'il existe le moindre doute, l'accusé doit être jugé non coupable», ont ajouté ses avocats. Le verdict n'est pas attendu avant juin. Et le temps sera long pour les rares survivants de S21 et pour les familles des 15 000 victimes qui ont été torturées pendant plusieurs mois avant d'être exécutées sans la moindre forme de procès. Les survivants du régime de Pol Pot réclament tout simplement la prison à vie pour ce bourreau. Pour rappel, environ deux millions de personnes sont mortes sous la torture, d'épuisement ou de malnutrition dans la mise en œuvre de l'utopie marxiste délirante et abjecte des Khmers rouges, avant qu'ils ne soient renversés par les Vietnamiens. «Le frère numéro 1», Pol Pot, est décédé en 1998 sans avoir été inquiété. Dans quelques mois doit débuter le procès de quatre hauts dirigeants du régime, dont le «frère numéro deux» et principal idéologue Nuon Chea du régime khmer. Aucun d'entre eux, à l'inverse de Douch, n'a l'intention de plaider coupable. Et cela ne fait qu'accentuer le sentiment d'injustice au sein de la population qui a subi les affres de ce régime sauvage. L. M.