Trente ans après la chute des Khmers rouges et à l'issue de nombreuses tergiversations politiques, un tribunal cambodgien à participation internationale commencera aujourd'hui à juger un des responsables présumés des atrocités commises à l'époque, au nom d'une révolution communiste. Kaing Guek Eav, 66 ans, alias « Douch », sera le premier, vers 9h (2h GMT), à entrer dans le box des accusés d'une cour spéciale, parrainée par les Nations unies à Phnom Penh qui enquête depuis 2006 sur les violences de masse ayant fait quelque deux millions de morts entre 1975 et 1979 au Cambodge. Ancien commandant du principal centre de torture du régime khmer rouge, Douch est formellement accusé de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et meurtres avec préméditation. Ancien professeur de mathématiques converti au christianisme dans les années 1990, il a déjà assumé ses responsabilités et a demandé pardon aux victimes, selon son avocat français François Roux. Douch dirigeait la prison de Tuol Sleng, connue également sous le nom de S-21, un centre d'interrogatoires établi dans un ancien lycée de Phnom Penh où plus de 12 380 personnes ont été torturées avant d'être tuées dans des champs voisins, dans le cadre de vastes purges organisées par l'équipe de Pol Pot au pouvoir. Ce régime a fait régner la terreur, vidant les villes au profit des campagnes, exténuant la population par le travail forcé et éliminant systématiquement tous les « traîtres à la Révolution ». Son début a coïncidé avec la débâcle américaine au Vietnam voisin. L'audience préliminaire de mardi est destinée à fixer certaines procédures, les débats au fond n'étant pas prévus avant la deuxième moitié de mars, selon des responsables de la cour. A la veille de l'ouverture du procès de Douch, le tribunal ressemblait à une « véritable ruche », a indiqué Helen Jarvis, porte-parole de la cour, en prédisant que près d'un millier de spectateurs et de journalistes seraient présents mardi. L'audience préliminaire concernant Douch devrait durer moins de trois jours et permettre de « décider de la forme et de la structure » du procès, a précisé William Smith, membre de l'équipe des procureurs. Le gouvernement de Hun Sen, lui-même un ex-Khmer rouge qui s'est retourné contre le mouvement, a cherché à contrôler le processus des préparatifs judiciaires, par crainte qu'il n'éclabousse certains membres du pouvoir actuel, affirment des ONG.