Fidel Castro quitte la scène politique, et c'est toute une page de l'histoire qui est tournée non sans laisser beaucoup de nostalgie dans les rangs de ceux qui, il y a cinquante ans, croyaient fermement en l'avènement d'une gauche révolutionnaire qui changerait la face du monde. Ce départ, selon les appréciations qu'en feraient les différentes parties, ne laissera très certainement pas indifférents tous ceux qui, aujourd'hui, ont le regard braqué sur Cuba.Nombreux sont parmi les dirigeants que La Havane, voire Fidel Castro, a toujours dérangés, attendent de voir venir avant de revoir leur stratégie face à ce pays qui les met mal à l'aise. Sur cet aspect précis de l'avenir de Cuba, et surtout de la politique projetée par le frère cadet du Lider Maximo, aussi bien Américains que dirigeants européens misent d'abord sur la nature même de la transition démocratique, et comme il n'est pas interdit de rêver, pourquoi pas de pluralisme politique qu'aurait à proposer Raul Castro. Bien des officines n'hésitent pas déjà à souhaiter une «défidelisation» de la politique cubaine pour prendre en considération les changements incontestables qui s'opèrent sur l'île. Si parcimonieuse soit leur avancée.En attendant, les réactions ne se sont pas encore manifestées, et il est fort peu probable que les dirigeants occidentaux en arrivent à sauter de joie jusqu'au plafond à l'annonce faite mardi passé par Fidel Castro, d'autant plus que, déjà en 2008, Américains et Européens sont demeurés très sceptiques sur sa décision de ne pas briguer un nouveau mandat et exigeaient plus. Au nom de la France, son Premier ministre exigeait «une évolution du régime cubain vers la démocratie», celui britannique des Affaires étrangères «un plus grand respect des droits de l'Homme». Hillary Clinton, candidate alors à la présidence américaine, s'alignait sans états d'âme sur les exigences habituelles de la Maison-Blanche consistant en le besoin essentiel «d'un Président qui travaille avec l'ensemble des pays du monde, avec l'Europe, avec l'hémisphère occidental afin de faire pression sur Cuba».Mais jusque-là, et au lendemain de l'annonce du retrait définitif du Lider Maximo, ni le Vieux Continent et encore moins les Américains n'ont fait de commentaires. Seraient-ils d'ores et déjà rassurés par les propos de Raul, le frère cadet, annonçant un train exceptionnel de réformes ? Des réformes, quoique timides, déjà entamées après l'annonce faite par Fidel en 2008.«Soldat des idées», la nouvelle vocation qu'il s'est affectée devrait permettre au dernier mythe vivant de la guerre froide de garder et perpétuer l'énergie et la volonté qui ont été les siennes en 1959, lors de la prise de Cuba aux troupes de Fulgencio Batista et la résistance de ses compagnons de route lors de l'invasion anticastriste de la baie des Cochons.Malade depuis quelques années, Fidel Castro a eu l'honnêteté d'admettre qu'il relèverait de la gageure s'il continuait à assumer ses responsabilités, annonçant au peuple : «Je trahirais ma conscience en occupant une responsabilité qui requiert une mobilité et une dévotion totales que je ne suis pas en condition physique d'offrir… Etre aussi prudents, face aux succès, que fermes, face à l'adversité, sont des principes qui ne peuvent être oubliés.»Des millions de Cubains ont accueilli la nouvelle avec consternation, et c'est face à des cadres du parti en larmes que le Lider Maximo a tiré sa révérence. Mais ce n'est très certainement pas dans le cœur de ses seuls concitoyens que Castro laissera un vide impossible à combler comme celui laissé par le «Che», son compagnon des premières heures. A. L.