Celui qui marqua un demi-siècle de l'histoire de Cuba et tint tête à dix présidents américains quitte le pouvoir comme il y a accédé: avec panache. On l'aime ou on ne l'aime pas, là n'est pas le problème, mais il faut reconnaître que Fidel Castro représente un cas dans l'histoire politique moderne. Du jeune guérillero plein de fougue - qui croyait à la voie qu'il s'est choisie, sinon à sa destinée - au dictateur qui dirigea d'une main de fer l'île de Liberté, durant près de 50 ans, c'est l'histoire moderne de Cuba qui est ainsi résumée. Certes, il faut reconnaître que le Lider Maximo ne quitta pas le pouvoir de son plein gré, mais y a été contraint par la maladie qui le tient alité depuis plus d'un an et demi. Il y a néanmoins un certain panache à reconnaître et admettre avoir fait son temps, qu'il fallait...enfin partir et céder la place à d'autres plus jeunes, plus en phase avec les réalités cubaines et internationales. Aussi, l'annonce officielle hier du retrait de la vie publique de celui qui associa son destin à celui de son île natale, ne fut pas une réelle surprise; elle était même attendue eu égard aux événements de ces dernières semaines - liés notamment aux élections du président du Conseil d'Etat et au sein du commandement du parti au pouvoir - qui laissaient présager que quelque chose d'important allait se passer. Cela eut lieu hier avec la publication dans l'édition électronique de Gramna, organe officiel du PCC (Parti communiste cubain), que Fidel Castro annonça sa décision dans un message à ses compatriotes dans lequel il écrit «Je n'aspirerai ni n'accepterai - je répète - je n'aspirerai ni n'accepterai la charge de Président du Conseil d'Etat et de Commandant en chef». Par ces simples mots, le président Castro a ainsi fermé un chapitre de l'histoire de Cuba, histoire qui se confond avec celle de l'ancien chef guérillero qui mena le combat révolutionnaire contre la dictature de Batista. Il écrit aussi: «J'ai eu l'honneur d'assumer durant beaucoup d'années la charge de président» et «j'ai toujours usé des prérogatives nécessaires pour mener vers l'avant l'oeuvre révolutionnaire avec le soutien de l'immense majorité du peuple» «Sachant l'état critique de ma santé, beaucoup à l'extérieur pensaient que le renoncement provisoire à la fonction de président du Conseil d'Etat le 31 juillet 2006, que j'ai laissée entre les mains du Premier vice-président, Raul Castro Ruz, était définitive» Le président Castro écrit encore «Raul lui-même (...) et les autres camarades de la direction du Parti et de l'Etat ont été réticents à me considérer déchargé de mes fonctions malgré mon état de santé précaire» précisant «J'ai toujours été soucieux, en parlant de ma santé, d'éviter les illusions qui, en cas de dénouement négatif, auraient apporté des nouvelles traumatisantes à notre peuple au milieu de la bataille. Préparer mon absence, psychologiquement et politiquement, était ma première obligation après tant d'années de lutte.» Fidel Alejandro Castro Ruz, né le 13 août 1926, a ainsi préparé à sa manière, avec panache, sa sortie. Il a été parmi les miraculés de l'attaque de Moncada du 26 juillet 1953 aux côtés des principaux chefs de la Révolution, Che Guevara, son frère Raùl Castro (actuel président par intérim), Faustino Perez, Camilo Cienfuegos...Des héros qui marquèrent la deuxième moitié du vingtième siècle. A vingt-sept ans, jeune avocat, Fidel Castro, se considérait comme «héritier» des premiers maquisards qui déclenchèrent la première guerre d'indépendance en 1868 et de José Marti qui mena l'insurrection contre l'Espagne en 1895. Mais les nobles idéaux de la révolution (1953-1959) furent quelque peu dilués en cours de route par le Lider Maximo qui imposa sa propre dictature au peuple cubain. A ses critiques, Fidel Castro aimait à répéter «Condamnez-moi comme vous voulez, mais l'Histoire m'absoudra».Voire! Il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui Cuba ouvre une nouvelle page de son histoire sous la direction (provisoire?) de Raul Castro qui fit la totalité de sa carrière dans l'ombre de ce frère, grand Héros de la Révolution, icône de son vivant. Mais, en fait, la question se pose et le choix de Raul Castro ne semble ni évident, ni acquis. Dès lors, l'interrogation dans les milieux diplomatiques et parmi les observateurs est celle de savoir si Raul Castro sera confirmé à la présidence du Conseil d'Etat et au commandement du parti, ou va-t-il y avoir un lifting du pouvoir par le rajeunissement des dirigeants. Dans cette hypothèse, tous les regards se dirigent vers le «jeune» vice-président Carlos Lage, 56 ans, (qui fit ses armes dans le sérail du parti) et qui incarne pour beaucoup la nouvelle direction du Pcc. De fait, pour nombre d'observateurs, Carlos Lage peut même être le dirigeant idéal qui puisse mener Cuba vers la transition et la mettre sur la route du multipartisme. Son âge, l'environnement géostratégique international et régional - Cuba demeurant quasiment la dernière citadelle communiste latino-américaine - et son «opérationnalité» le désignent alors que Raul Castro à 76 ans semble avoir sa carrière politique derrière lui. Mais tout se décidera dimanche prochain lorsque le Parlement se réunira pour élire le nouveau chef de l'Exécutif. Dans sa réaction la communauté internationale, unanime, espère voir le successeur de Castro procéder à des changements et ouvrir Cuba sur la démocratie.