De notre envoyé spécial à Cannes H. Mohamed Printemps arabe oblige, l'édition 2011 du Festival du cinéma de Cannes est dédié à l'Egypte. Ainsi en ont décidé les organisateurs qui rendront désormais chaque année hommage à une grande patrie de cinéma. Cet hommage, d'après le directeur du festival, Thierry Frémaux, n'est pas un simple fait politique, mais également artistique. Le principe d'inviter un pays, inauguré par Oum Edounya, figure ainsi parmi les nouveautés de l'édition 2011. «Inviter l'Egypte n'est pas seulement accueillir un pays qui a signalé au monde son besoin de changer d'histoire, son besoin de liberté, sa force collective et son désir de démocratie en faisant la révolution du 25 janvier, c'est aussi accueillir un grand pays de cinéma dont la présence à Cannes ne s'est jamais démentie», affirme-t-on.Pour ce faire, le festival a consacré la journée d'hier au cinéma égyptien avec notamment la projection de 18 Jours (inspiré des 18 jours de manifestations de janvier dernier), œuvre collective (10 courts métrages signés par 10 réalisateurs) autour de la révolution égyptienne. Un film fiction, dit-on, mais pas un documentaire. Au programme aussi la Copie neuve et le Facteur de Hussein Kamal dans la section Cannes Classics, tandis que le Cri d'une fourmi de Abdel Aziz Sameh sera projeté au cinéma de la plage. Enfin, pour boucler la boucle de la fiesta, le groupe égyptien West El Bala devait clore ce bel hommage.On croyait bien faire. Mais, un hic surgit cependant. Malgré les bonnes intentions du festival, le film collectif Tamantashar Youm (18 Days) n'a pas fait l'unanimité. Mieux, certains cinéastes attachés au projet sont taxés d'«anciens pro-Moubarak zélés». Selon le quotidien égyptien Al Ahram (proche du gouvernement et longtemps critiqué sous l'ère Moubarak), ce film collectif réunit des cinéastes fidèles à l'ancien régime. Si les participations de Yousry Nasrallah, Kamla Abou Zikry ou Ahmed Alaa semblent indiscutables, d'autres cinéastes ayant participé au projet ont provoqué une controverse en Egypte. Ces deux-là sont Sherif Arafa (Halim) et Marwan Hamed (dont L'immeuble Yacoubian avait été distribué en France en 2006) suscitent le débat en Egypte. Aussi, la présence de l'ambassadeur d'Egypte en France, Nasser Kamel, dont le rôle pendant la révolution a été vivement critiqué, fait, elle aussi, couler beaucoup d'encre. Une pétition publiée sur Internet et signée par plus de 350 personnes, entre Egyptiens, Arabes de France et Français, circule sur le Web. Dans cette lettre ouverte sur www.petitionpublique.fr, on trouve des personnalités publiques, journalistes, écrivains, chercheurs ou cinéastes (dont Yousry Nasrallah), qui appellent la direction du Festival de Cannes à l'annulation de cette invitation. Celui qu'on accuse d'avoir justifié les «méthodes et moyens normaux» du régime policier de Moubarak, l'ambassadeur égyptien, est, pour information, toujours en place. Aujourd'hui, les Egyptiens réclament sa démission en criant «ambassadeur dégage !» Un lèse-majesté au festival de Cannes qui croyait bien faire ! Une polémique qui laissera sans doute comme un arrière-goût d'inachevé chez les festivaliers.Hier, lors d'une rencontre avec la presse autour du cinéma du printemps arabe, Yousri Nesra, défendant les cinéastes tunisiens qui ont retourné leur veste après la chute de Ben Ali, dira : «Ce n'est pas de leur faute, car leurs films étaient financés par l'Etat.» Drôle d'excuse qui sonne comme un prétexte sans le nommer pour disculper les cinéastes égyptiens. Et pas un mot dans la salle !